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I

UN EXEMPT.

SBRIGANI à M. de Pourceaugnac.

L faut lui donner de l'argent pour vous laiffer aller, Faites vite.

M. DE POURCEAUG NA C donnans de l'argent à Sbrigani.

Ah! Maudite ville!

SBRIGANI,

Tenez, Monfieur.

L'EXEMPT,

Combien y a-t-il ?

SBRIGANI.

Un, deux, trois, quatre, cinq, fix, fept, huit, neuf,

dix.

L'EXEMPT,

Non, mon ordre eft trop exprès.

SBRIGANI à l'Exempt qui veut s'en aller. (à M. de Pourceaugnac.) Mon Dieu! Attendez. Dépêchez, donnez-lui en en

core autant.

M. DE POURCEAUGNAC,

Mais...

SBRIGANI.

Dépêchez-vous, vous dis-je, & ne perdez point de temps. Vous auriez un grand plaifir quand vous feriez pendu.

Ah!

M. DE POURCEAUGNAC,

(Il donne encore de l'argent à Sbrigani.)

SBRIGANI à l'Exempt.

Tenez, Monfieur.

L'EXEMPT à Sbrigani.

Il faut donc que je m'enfuie avec lui; car il n'y au roit point ici de fûreté pour moi. Laiffez-le-moi conduire, & ne bougez d'ici.

SBRIGA NI.

Je vous prie d'en avoir un grand foin.

L'EXEMP T.

Je vous promets de ne le point quitter, que je ne l'aye mis en lieu de fûreté.

M. DE POURCEAUGNAC a Sbrigani. Adieu. Voilà le seul honnête homme que j'ai trouvé en cette ville.

SBRIGANI.

Ne perdez point de temps. Je vous aime tant, que je voudrois que vous fuffiez déjà bien loin.

(feul.)

Que le ciel te conduife! Parma foi, voilà une grande dupe. Mais, voici....

A

SCENE VIII.

ORONTE, SBRIGANI.

SBRIGANI, feignant de ne pas voir Oronte. H! Quelle étrange aventure! Quelle fâcheuse nouvelle pour un pere! Pauvre Oronte, que

je te plains!

ORONTE.

Qu'est-ce? Quel malheur me préfages-tu?

SBRIGANI.

Ah! Monfieur, ce perfide Limofin, ce traître de Monfieur de Pourceaugnac vous enléve votre fille.

ORONTE.

ORONT E.

Il m'enléve ma fille?

SBRIGA NI.

Oui. Elle en eft devenue fi folle, qu'elle vous quitte pour le fuivre ; & l'on dit qu'il a un caractére pour fe faire aimer de toutes les femmes.

ORONTE.

'Allons vîte à la juftice. Des archers après eux.

SCENE I X.

ORONTE, ERASTE, JULIE, SBRIGANI.

ERASTE à Julie.

A vous, your ventre

vous remettre entre les mains de votre pere. Tenez, Monfieur, voilà votre fille que j'ai tirée de force d'entre les mains de l'homme avec qui elle s'enfuioit; non pas pour l'amour d'elle, mais pour votre feule confidération. Car, après l'action qu'elle a faite, je dois la méprifer; & me guérir abfolument de l'amour que j'avois pour elle.

ORONTE.

Ah! Infame que tu es!

ERASTE à Julie.

Comment? Me traiter de la forte après toutes les mar→ ques d'amitié que je vous ai données! Je ne vous blâme point de vous être foumife aux volontés de Monfieur votre pere; il eft fage & judicieux dans les chofes qu'il fait; & je ne me plains point de lui, de m'avoir rejetté pour un autre. S'il a manqué à la parole qu'il m'avoit donnée, il a fes raisons pour cela. On luia fait croire que cet autre eft plus riche que moi de Tome VI,

H

quatre ou cinq mille écus; & quatre ou cinq mille écus eft un denier confidérable, & qui vaut bien la peine qu'un homme manque à fa parole; mais oublier en un moment toute l'ardeur que je vous ai montrée, vous laiffer d'abord enflammer d'amour pour un nouveau venu, & le fuivre honteufement, fans le confentement de Monfieur votre pere, après les crimes qu'on lui impute, c'eft une chose condamnée de tout le monde, & dont mon cœur ne peut vous faire d'affez fanglans reproches.

JULIE.

Hé bien, oui. J'ai conçu de l'amour pour lui, & je l'ai voulu fuivre, puifque mon pere me l'avoit choifi pour un époux. Quoique vous me difiez, c'eft un fort honnête-homme; & tous les crimes dont on l'accufe, font fauffetés épouvantables.

ORONTE.

Taifez-vous, vous étes une impertinente; & je fais mieux que vous ce qui en eft.

JULIE.

Ce font, fans doute, des piéces qu'on lui fait, & c'eft (montrant Erafte.)

peut-être lui qui a trouvé cet artifice pour vous en dégoûter.

ERASTE.

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Taifez-vous, vous dis-je. Vous étes une fotte.

ERASTE.

Non, non, ne vous imaginez pas que j'aie aucune envie de détourner ce mariage, & que ce foit ma paffion qui m'ait forcé à courir après vous. Je vous l'ai déjà dit, ce n'eft que la feule confidération que j'ai pour MonGeur votre pere; & je n'ai pû fouffrir qu'un

honnête homme, comme lui, fût exposé à la honte de tous les bruits qui pourroient fuivre une action comme la vôtre

ORONTE.

Je vous fuis, Seigneur Erafte, infiniment obligé. ERASTE.

Adieu, Monfieur. J'avois toutes les ardeurs du monde d'entrer dans votre alliance, j'ai fait tout ce que j'ai pû pour obtenir un tel honneur; mais j'ai été malheureux, & vous ne m'avez pas jugé digne de cette e grace. Cela n'empêchera pas que je ne conferve pour vous les fentimens d'eftime & de vénération où votre perfonne m'oblige; &, fi je n'ai pû être votre gendre, au moins ferai-je éternellement votre ferviteur

ORONT E.

'Arrêtez, Seigneur Erafte. Votre procédé me touche l'ame; & je vous donne ma fille en mariage. JULIE.

Je ne veux point d'autre mari que Monfieur de Pourceaugnac.

ORONTE.

Et je veux, moi, tout-à-l'heure, que tu prennes le Seigneur Erafte. Çà, la main.

JULIE.

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Non, non, Monfieur, ne lui faites point de violence, je vous en prie.

ORONTE.

C'est à elle à m'obéir; & je fais me montrer le maître. ERASTE.

Ne voyez-vous pas l'amour qu'elle a pour cet hommelà? Et voulez-vous que je poffède un corps, dont un autre poffédera le cœur?

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