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soient d'ailleurs intervenues avant ou après l'abolition du régime féodal, ne sont que des permissions susceptibles d'être retirées ou modifiées suivant les besoins de la navigation, comme on l'expliquera plus loin (voir no 165).

A défaut d'autorisation, l'existence des usines sur un cours d'eau navigable ou flottable est irrégulière. Quelle que soit la tolérance dont l'administration ait usé jusqu'alors, elle peut toujours en ordonner la démolition. L'origine immémoriale de l'établissement ne saurait suppléer à l'autorisation, si ce n'est dans le cas unique où cette origine serait antérieure au 1er avril 1566. Cette exception au principe général résulte de l'ordonnance de 1668, confirmée par l'édit de 1683, et portant que ceux qui n'auraient pas d'acte de concession émané d'un des rois de France ne seraient maintenus dans leurs établissements que s'ils pouvaient justifier d'une possession remontant au moins à la date précitée.

Cette disposition est demeurée en pleine vigueur, bien que l'application en devienne de plus en plus difficile; c'est d'ailleurs à celui qui invoque cette ancienne possession à en administrer la preuve, qui peut résulter de tous actes quelconques établissant en fait l'existence de l'usine avant 1566 aux lieux mêmes où elle subsiste encore (1).

164. Obligation d'effectuer les travaux dans le délai fixé. - Procès-verbal de récolement. Sauf le cas exceptionnel où l'ancienne possession dispense de l'autorisation expresse, le décret ou arrêté portant autorisation énumère en détail les conditions auxquelles cette autorisation est subordonnée, et dont l'ensemble constitue le règlement de l'usine. Il fixe en outre un délai dans lequel les travaux nécessaires doivent être effectués à peine de déchéance.

A l'expiration du délai, l'ingénieur ordinaire de l'arrondissement visite les lieux et constate dans un procès-verbal de récolement dressé aux frais du concessionnaire si les travaux sont opérés conformément aux règles prescrites. En cas d'affirmative, l'autorisation est définitivement acquise. Si, au contraire, il résulte du rapport de l'ingénieur que l'usinier ne s'est pas conformé aux prescriptions administratives dans le temps fixé, l'au

(1) Un arrêt de cassation du 21 mai 1855 (meuniers de Vernon), vient de décider que c'est à l'autorité judiciaire et non à l'autorité administrative qu'il appartient de décider si l'établissement d'une usine est antérieur à 1566, et si, par suite, sa suppression donne lieu à indemnité (no 167). (Gazette des Tribunaux du 22 mai 1855).

torisation est révoquée; l'administration supérieure ordonne que le régime des eaux sera rétabli tel qu'il était auparavant, aux frais du propriétaire négligent, et recouvre la faculté de faire droit à une autre demande.

Art. 2.

Régime des usines autorisées sur les cours d'eau navigables.
SOMMAIRE.

165. Effets de l'autorisation définitive subordonnés aux besoins de la navigation. 166. Principe de non-indemnité. — 167. Exceptions au principe de non-indemnité. 168. Base du calcul de l'indemnité. - 169. Juridiction compétente pour régler l'indemnité. — 170. De l'inexécution des conditions et des innovations importantes. - 171. Des réparations. Autorisation du préfet. 172. De l'abandon d'une usine. 173. Destruction sans indemnité des usines non autorisées. - 174. Suppression pour inexécution des conditions. Recours. 175. Infractions constituant des contraventions de grande voirie. 176. Pénalités. Modération des peines par le chef de l'État. Responsabilité civile à l'égard des amendes. 178. Prescription.

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177.

165. Effets de l'autorisation définitive subordonnés aux besoins de la navigation. — L'autorisation sanctionnée par le procès-verbal de récolement constitue au profit de l'usinier un véritable titre, en ce sens que la concession ne peut plus être arbitrairement retirée, tant que le concessionnaire observe les conditions prescrites (voir pour le cas d'inexécution des conditions, n° 174). Toutefois cette concession n'a rien de commun avec une cession de propriété, et l'intérêt public qui, en matière de cours d'eau navigables, domine tous les autres intérêts et ne peut jamais être abandonné par le Gouvernement, autorise toutes les mesures que les besoins de la navigation réclament. Ainsi l'autorisation ne fait pas obstacle à ce que la modification des ouvrages, la suspension des travaux, même la suppression totale et définitive de l'usine, soient ordonnées pour le service de la navigation. Ces mesures sont prises par arrêtés préfectoraux, qui peuvent être l'objet d'un recours administratif devant le ministre, mais non d'un recours par la voie contentieuse devant le conseil d'État, excepté en cas d'excès de pouvoir (1).

166. Principe de non-indemnité en cas de suppression.- En application de ces principes, toutes les ordonnances qui autorisent des usines à eau portent cette réserve qu'il ne pourra jamais être réclamé d'indemnité à raison des disposi

(1) C. d'État, 19 mars 1840; 27 nov. 1844; 18 avril 1845; 25 déc. 1848, etc.

tions que le Gouvernement jugerait à propos de faire pour l'avantage de la navigation, du commerce et de l'industrie, même dans le cas de démolition (1).

Du reste, que cette clause soit insérée ou non dans les ordonnances d'autorisation, la jurisprudence a décidé que l'administration conserve à l'égard des cours d'eau navigables ou flottables la faculté de pourvoir librement à l'intérêt public, et qu'en conséquence les mesures prises dans ce but ne sauraient donner lieu à aucune indemnité au profit des concessionnaires dépossédés (2).

167. Exceptions au principe de non-indemnité. Cependant ce principe reçoit plusieurs exceptions, et une indemnité est due :

1° Au cas où il serait justifié, par le propriétaire d'une usine de l'existence régulière de l'établissement antérieurement à 1566 (no 163 et la note 1). C'est la conséquence du droit définitif reconnu à ces usines anciennes par l'édit de 1683 (3);

2o Au cas où par un acte de vente nationale, il y a eu affectation spéciale d'une force motrice à une usine postérieure à 1566; une telle clause engage la garantie de l'État, et le rend responsable de la perte de la chose stipulée (4);

3o Au cas où la concession, même d'origine moderne, n'aurait été accordée qu'à titre onéreux et sous la condition de sommes versées à l'État (5).

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168. Base du calcul de l'indemnité. En cas d'existence ancienne de l'usine, l'indemnité à accorder au propriétaire doit être calculée d'après la force motrice de l'usine, telle qu'elle était en 1566 (6), sans avoir égard aux augmentations qu'elle pourrait avoir reçues depuis ; mais, la consistance originaire de la force motrice étant ainsi déterminée, c'est l'état et la valeur actuelle de l'usine fonctionnant au moyen de cette force

(1) C. d'Etat, 15 mars 1826 (Gautier).

(2) C. d'État, 19 mars 1840 (Conqueret (Jurisprudence constante). — Voir Nadault de Buffon, Traité des usines, t. 1, p. 348.

(3) C. d'État, 30 mars 1846 (de Boisset); 29 juillet 1846 (Monard); 5 sept. 1846 (Morlet); 15 déc. 1846 (Jouvin). — Voir Nadault de Buffon, t. 1, p. 548; Daviel, t. 1, n. 356.

(4) C. d'État, 22 mars 1841; 16 mars 1842; 3 déc. 1846 (Peyrousse).

(5) Avis du ministre des travaux publics du 14 janv. 1839 (Lebon, Arrêts dù cónseil, 1839, p. 50); Nadault de Buffon, t. 1, p. 548.

(6) Dans les cas prévus au n. 167, 2° et 3°, c'est au moment de la concession du droit par l'État qu'il faut s'attacher.

non augmentée en elle-même, bien que mieux utilisée, qui doit être la base de l'indemnité. Tel est le principe que le conseil d'État a très-nettement établi, contrairement à l'avis du ministre des travaux publics qui soutenait que c'était l'état même de l'usine en 1566 qu'il fallait seul prendre en considération, sans tenir compte des améliorations permises par lesquelles le propriétaire avait tiré un plus grand parti de la force motrice, sans la modifier elle-même (1).

Quand la suppression, altération ou chômage de l'usine, sont le résultat de travaux publics effectués dans un autre intérêt que celui de la police des cours d'eau et de la navigation, comme la construction d'un quai pour l'embellissement d'une ville, l'indemnité est due pour toute usine régulièrement existante (voir à ce sujet no 188).

169. Juridiction compétente pour régler l'indemnité. — D'après la jurisprudence constante du conseil d'État, les demandes en indemnité doivent être portées devant le conseil de préfecture en première instance, et en appel devant le conseil d'État.

C'est la conséquence de ce principe proclamé par le conseil d'État (mais contesté par la Cour de cassation), que les actes de concession qui forment les titres des propriétaires d'usines sur les cours d'eau navigables doivent être considérés comme des actes administratifs, dont l'appréciation ne peut appartenir qu'à la juridiction administrative (2). Ajoutons même que, si le sens des actes émanés du pouvoir souverain et invoqués par les réclamants était contesté, le conseil de préfecture devrait surseoir à statuer jusqu'à ce que l'interprétation de ces actes eût été donnée par la section contentieuse du conseil d'État (voir cependant no 163, note 1).

170. De l'inexécution des conditions et des innova■ tions importantes. Nous examinerons en détail, au sujet des usines sur les cours d'eau non navigables, les effets de l'autorisation accordée, en ce qui concerne les conditions que le concessionnaire doit remplir pour en conserver le bénéfice (voir n° 193), et en ce qui concerne les droits des tiers (no 200). Les mêmes règles sont en général sur ces divers points applicables aux deux catégories d'usines.

On verra que l'autorisation peut être retirée, à défaut par

(1) C. d'État, 25 janvier 1851 (Boin).

(2) C. d'État, 17 mai et 3 sept. 1844.-Contră, C. cass., 21 mai 1855.

l'usinier de se soumettre aux conditions prescrites (no193); qu'il ne peut, sans solliciter une autorisation nouvelle et dans les mêmes formes que la première, ni changer son établissement de place, ni même y faire quelque innovation importante (Inst. du 19 thermidor an vi (no 194); que la reconstruction d'une usine détruite exige généralement une nouvelle autorisation, à la différence des simples réparations (no 198).

171. Des réparations. — Autorisation du préfet.— Toutefois, la distinction entre les réparations proprement dites et les innovations importantes, étant souvent difficile à établir, et l'usinier, qui prend sur lui d'effectuer les premières, agissant toujours à ses risques et périls, la prudence conseille de ne se livrer à des réparations de quelque étendue qu'après s'être fait autoriser. Cette précaution, d'une grande difficulté pratique sous l'empire de la législation précédente, qui nécessitait, en pareil cas, l'obtention d'un décret en conseil d'État comme pour une concession, nous semble devenue fort simple en présence du décret du 25 mars 1852. A notre avis la faculté accordée aux préfets d'autoriser sur les rivières navigables les ouvrages qui n'altèrent pas sensiblement le régime des eaux entraîne incontestablement celle d'autoriser valablement tous les travaux ayant le caractère de réparations même considérables.

172. De l'abandon d'une usine. Ajoutons, relativement aux conséquences de l'abandon d'une usine, qu'aucune disposition du droit actuel n'a reproduit la règle de l'ancien droit d'après laquelle l'abandon d'un moulin ou autre établissement sur un cours d'eau navigable, pendant dix ans, entraînait la nécessité d'une concession nouvelle (1), et qu'il en est par conséquent, à cet égard, comme pour les usines sur les cours d'eau non navigables (no 199).

173. Destruction sans indemnité des usines non autorisées. - L'administration est armée des moyens les plus efficaces pour assurer l'exécution des règlements relatifs aux usines sur les cours d'eau navigables ou flottables:

1o Toute usine dont l'existence, postérieure à 1566, n'est point autorisée, peut être détruite par ordre du préfet du département (Ordonnance de 1669, art. 43; Arrêté du 19 ventôse an vi, art. 4 et 5). Cette mesure peut être mise à exécution sans autre

(1) Voir Daviel, Législation des cours d'eau, t. 1, n. !92.

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