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motif que l'irrégularité de l'existence de l'établissement, quelle que soit la longue tolérance dont il ait été l'objet jusqu'alors (1). Il est d'ailleurs de principe qu'aucune indemnité ne peut être en aucun cas réclamée au profit d'une usine non régulièrement existante (2), et qu'aucune opposition à l'établissement d'un ouvrage quelconque de nature à nuire au propriétaire d'une telle usine n'est recevable de la part de ce propriétaire (3).

Tout propriétaire d'usine non autorisée a donc le plus grand intérêt à solliciter la régularisation de sa position au moyen d'une demande d'autorisation formée et suivie de la même manière que s'il s'agissait de la création d'un établissement nouveau (no 153).

174. Suppression pour inexécution des conditions, -Recours. - 2o Les usines autorisées, à défaut d'exécution des conditions prescrites par l'ordonnance d'autorisation, peuvent être supprimées aussi bien que les usines sans existence légale. Si l'infraction au règlement de l'établissement consiste dans l'adjonction d'ouvrages non autorisés, la destruction de ces ouvrages peut être ordonnée. L'une et l'autre mesure peut être prise sur le rapport des agents de l'administration, soit par le ministre des travaux publics que l'ordonnance d'autorisation charge toujours, d'une manière expresse, de veiller à son exécution, soit par le préfet en vertu des pouvoirs de police qui lui appartiennent en matière de grande voirie. La partie a droit. de recourir au ministre contre la décision du préfet, et au conseil d'État contre la décision du ministre.

175. Infractions constituant des contraventions de grande voirie. — 3o Indépendamment des mesures que peut prendre ou ne pas prendre à son gré l'administration active, toutes infractions aux lois et règlements concernant les cours d'eau navigables et flottables, et, par suite, les usines situées sur ces cours d'eau, sont punies comme contraventions de grande voirie. Ces contraventions sont constatées par les agents des ponts et chaussées et de la navigation, les maires, adjoints, gardes champêtres. Elles sont déférées au conseil de préfecture investi par la loi du 29 floréal an x, art. 1er, de la connaissance des contraventions en matière de grande voirie, et

(1) C. d'État, 23 avril 1836 (Vigule).
(2) C. d'Etat, 7 janv. 1842 (Piard).
(3) C. d'État, 7 mai 1823 (Pouguet),

spécialement des entreprises sur les fleuves et rivières navigables.

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176. Pénalités.—Modération des peines par le chef de l'État seul. Les peines à appliquer sont, d'après l'arrêt du conseil du 24 juin 1777 : 4o une amende de 1,000 livres ou de 500 livres, suivant qu'il s'agit d'ouvrages non autorisés, ou de simples obstacles au libre découlement des eaux; amende qui, d'après la loi du 23 mars 1842, peut être réduite jusqu'au vingtième; 2o la démolition immédiate des ouvrages d'où résulte la contravention.

Du moment où la contravention est constante, c'est-à-dire où il est prouvé que, soit l'usine elle-même, soit tel ou tel ouvrage particulier, existe sans autorisation, l'une et l'autre peine doit être intégralement prononcée, par le conseil de préfecture qui statue comme tribunal, et n'apprécie pas comme administrateur. Le conseil d'État réforme constamment les décisions des conseils de préfecture qui, en vue du peu de gravité de la contravention, abaissent le taux de l'amende au-dessous du minimum, ou ajournent la démolition des ouvrages (1), Mais hâtons-nous d'ajouter que le droit refusé au conseil de préfecture appartient à l'Empereur en son conseil, et que, en conséquence de ce principe, la partie peut obtenir la modération de la peine en formant un recours au conseil d'État par la voie contentieuse.

177. Responsabilité civile à l'égard des amendes, -Quoique les peines soient en principe personnelles, c'est-àdire qu'elles ne doivent être supportées que par celui qui a commis l'infraction, cette règle reçoit exception à l'égard des amendes prononcées pour contraventions, parce que ces amendes sont considérées comme une réparation civile du dommage causé par la contravention. Il en résulte que l'amende encourue par suite du fait d'un serviteur à gages, d'un garde moulin, par exemple, peut être exigée du propriétaire ou meunier de l'usine, civilement responsable des faits de son subordonné (2).

178. Prescription.

La prescription d'un an établie par l'art. 640, Cod. inst. crim., est, d'après une jurisprudence désormais constante (3), applicable aux contraventions dont il

(1) C. d'État, 6 mai 1836; 21 mai 1852 (Didier) ; 13 avril 1853 (Benassit), (Jurisprudence constante.)

(2) C. d'État, 13 août 1852 (Messageries).

(3) C. d'État, 25 janv. 1838 (Compagnie des riverains de la Loire).

s'agit. Aucune peine, ni aucune réparation civile, ne peuvent être prononcées pour faits antérieurs de plus d'un an à la décision du conseil de préfecture; mais il ne faut pas perdre de vue que, tant que les ouvrages non autorisés subsistent, la contravention se perpétue, et la prescription ne peut courir.

S II.

Usines sur les cours d'eau non navigables ni flottables.

Art. 1er. De l'autorisation et des formalités qui y sont relatives.

SOMMAIRE.

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179. Nécessité d'une autorisation qui est conférée par le préfet. 180. Formalités de la demande et de l'instruction. 181. Caractère purement administratif de l'arrêté préfectoral. Recours pour excès de pouvoir. --182. Recours au ministre des travaux publics.-183, Tierce opposition. 184. Moyens à l'appui des oppositions ou recours. 185. Autorisation implicite résultant de l'existence antérieure à 1790 ou d'un acte de vente nationale. — 186. Conséquences de l'absence ou du refus d'autorisation.

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179. Nécessité d'une autorisation qui est conférée par le préfet. Sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans aucune discussion théorique sur la propriété des rivières non navigables ni flottables (1), il faut reconnaître que la police de ces cours d'eau appartient incontestablement à l'administration. Il résulte de là, aux termes des lois du 20 août 1790, ch. VI, et 6 octobre 1791, art. 16, que même sur les petites rivières et ruisseaux le droit des propriétaires riverains de mettre à profit les pentes et chutes d'eau pour y établir des usines est subordonné à une autorisation administrative (2). Cette autorisation, d'après le décret précité du 25 mars 1852 (no 152), est aujourd'hui accordée par le préfet, aussi bien pour les usines et autres établissements permanents situés sur les cours d'eau non navigables ni flottables, que pour les établissements temporaires sur les rivières même navigables.

180. Formalités de la demande et de l'instruction. -L'art. 4 du décret maintient expressément l'application des règles existantes pour l'instruction de la demande en autorisation. Elle devra donc être présentée et suivie dans les formes qui ont été tracées ci-dessus (no 153); seulement, l'instruction sera

(1) On peut voir sur cette grave question le résumé des divers systèmes présenté par Dalloz, vo Eaux, n. 208-215.

(2) C. d'État, 23 août 1836 (Frévin); 21 déc. 1837; 14 fév. 1833.

close et l'affaire terminée par l'arrêté du préfet qui, au lieu d'être simplement préparatoire, a désormais le caractère de décision définitive.

181. Caractère purement administratif de l'arrêté préfectoral. Recours pour excès de pouvoir. -L'arrêté préfectoral pour les cours d'eau non navigables, aussi bien que le décret impérial à l'égard des cours d'eau navigables, a le caractère d'une mesure purement administrative; il n'est pas, par conséquent, susceptible d'être attaqué par la voie contentieuse, pourvu que le préfet n'ait pas excédé ses pouvoirs, et ait observé les formes prescrites.

L'arrêté du préfet pourrait être directement déféré au conseil d'État par la voie contentieuse, suivant un principe appliqué en toute matière, s'il était entaché d'excès de pouvoir. Il en serait ainsi, par exemple, si le préfet avait opéré sans faire procéder aux enquêtes; mais il n'en serait pas de même si, après l'instruction régulièrement faite, l'administration modifiait les conditions de l'autorisation ou en ajoutait de nouvelles sans faire procéder à une nouvelle enquête (1).

Il y aurait empiétement sur les attributions de l'autorité judiciaire et excès de pouvoir, dans toute disposition d'un arrêté d'autorisation qui aurait pour objet unique de faire cesser une contestation particulière, attendu que les préfets n'ont le droit de régler le régime des moulins et usines établis sur les cours d'eau que dans un but de police et d'utilité générale (2).

182. Recours au ministre des travaux publics. Quand l'arrêté du préfet est régulier, il peut néanmoins être déféré au ministre des travaux publics, conformément à cette règle générale en matière administrative, que le supérieur hiérarchique peut toujours, sauf exceptions formellement spécifiées, réformer les actes de son subordonné. Ce recours est d'ailleurs consacré expressément par l'art. 6 du décret de 1852, d'après lequel les actes des préfets qui seraient contraires aux lois et règlements, ou qui donneraient lieu aux réclamations des parties intéressées, pourront être annulés ou réformés par les ministres compétents; mais il résulte du caractère administratif et non contentieux de l'acte en question que la décision du ministre ne saurait être à son tour déférée au conseil d'État (3).

(1) C. d'État, 6 mai 1855 (Couleaux).

(2) C. d'État, 24 mai 1854 (Hallez).

(3) C. d'État, 4 mai 1854 (Appay et consorts); 14 juin 1852 (Duchesne).

Le ministre des travaux publics, saisi par le recours du pétitionnaire ou des tiers intéressés, examine à nouveau l'affaire, prend auprès du préfet tous les renseignements, fait procéder, s'il y a lieu, à une nouvelle information, et décide, après avis du conseil général des ponts et chaussées, soit en maintenant, soit en modifiant, soit en réformant l'arrêté du préfet.

Nous ne saurions trop recommander ce recours, nouveau dans la matière, à toute l'attention des parties intéressées. Il est d'autant plus utile et efficace, que le ministre des travaux publics, auquel aboutissaient antérieurement toutes les demandes d'autorisation d'usine, possède tous les éléments désirables pour remédier aux erreurs que pourraient commettre les préfets. Seul, d'ailleurs, il remplace les garanties désormais supprimées qui résultaient de l'intervention nécessaire du ministre et du conseil d'État.

183. Tierce opposition.-Le recours devant le ministre est ouvert, non-seulement au postulant, mais aux tiers intéressés dont les oppositions n'auraient pas été accueillies par le préfet, ou même qui n'auraient pas paru dans l'instruction. Ces derniers auraient en outre la faculté de former tierce opposition, soit à la décision du préfet, soit à celle du ministre, qui aurait accordé l'autorisation.

184. Moyens à l'appui des oppositions et recours. - Tous les motifs puisés, soit dans des droits préexistants, soit dans des intérêts privés menacés, peuvent être présentés comme moyens d'opposition, de recours au ministre ou de tierce opposition, sauf ceux tirés des inconvénients de la concurrence (1). On invoque habituellement le préjudice que la nouvelle usine peut causer ou à des propriétés voisines que la retenue d'eau exposerait à l'inondation, ou à des usines antérieurement établies dont la force motrice se trouverait diminuée.

185. Autorisation implicite résultant de l'existence antérieure à 1790 ou d'un acte de vente nationale. -Sont réputés titres légitimes à l'égard des usines sur les cours d'eau non navigables ni flottables les actes de vente nationale portant cession d'usines faite par l'Etat à des particuliers (2). Il en est de même de toutes les autorisations émanées des anciens seigneurs, considérés à la fois, et comme les représentants de la puissance publique, et généralement comme les

(1) C. d'État, 8 janv. 1813 (Seuly).

(2) C. d'État, 18 juin 1852 (Roussille).

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