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res, ne limite pas seulement à l'égard des tiers la faculté naturelle d'user des eaux, ce qui, comme on vient de le voir, ne saurait donner lieu à indemnité, mais cause aux propriétés voisines un dommage direct et appréciable. C'est ce qui a lieu notamment, quand la retenue autorisée, en élevant le niveau des eaux de la rivière, empêche l'écoulement de celles qui proviennent des terrains voisins, et les expose même à des inondations. Il faut alors s'en référer aux principes que nous avons établis et discutés à propos des établissements insalubres (no 95 ), principes au reste appliqués à la matière actuelle par l'art. 16, t. 2, de la loi du 6 octobre 1791 (1). « Les propriétaires ou fermiers « des moulins et usines construits et à construire seront ga<«<rants de tous dommages que les eaux pourraient causer « aux propriétés voisines par la trop grande élévation du déversoir, ou autrement. »

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Les tribunaux, sans pouvoir ordonner la destruction ou la modification des ouvrages, pourraient allouer des dommagesintérêts, en réparation du préjudice causé, mais avec les tempéraments que nous avons indiqués, et en tenant compte des nécessités de l'industrie, aussi bien que des prérogatives de la propriété (no 98).

204. Du préjudice causé par l'effet de l'autorisation à une usine préexistante. La même action en dommages-intérêts devant les tribunaux civils serait difficile à justifier, si le préjudice résultant de l'établissement d'une nouvelle usine était causé non pas aux propriétés riveraines, mais à une usine précédemment autorisée; dans le cas, par exemple, où la nouvelle retenue ralentirait l'écoulement des eaux de dessous une roue située en amont, ou bien dans le cas où une nouvelle prise d'eau viendrait à diminuer la force motrice de l'usine préexistante. Sans doute l'administration ne peut arbitrairement priver une usine des eaux qui l'alimentent au profit d'une autre usine; et le propriétaire de la première est parfaitement fondé à invoquer la situation qui lui a été faite à lui-même, soit comme moyen d'opposition à l'autorisation sollicitée à son détriment, soit comme base d'un recours contre l'arrêté d'autorisation (voir ci-dessus, nos 155, 182). Mais, comme c'est à l'administration qu'il appartient en définitive d'opérer la répartition du volume des eaux entre les diverses usines, et

(1) C. d'État, 18 juillet 1858 (Millet).-C. cass., 13 fév. 1855 (Martin).

que le titre de chaque usine ne repose que sur son appréciation à cet égard, on comprend que les tribunaux ne sauraient, sans excès de pouvoir, prononcer des dommages-intérêts qui seraient la critique indirecte, mais réelle, de cette appréciation tout administrative.

Pour distinguer si le tiers. lésé peut ou ne peut pas s'adresser aux tribunaux, il faudra donc rechercher si son titre repose sur le droit commun, ou s'il n'est autre chose qu'une concession de l'administration elle-même (1).

205. Préjudice causé par abus dans la gestion d'une usine. Les tribunaux civils, qui peuvent, dans les limites qui viennent d'être indiquées, mettre obstacle aux effets naturels de l'autorisation, sont, à plus forte raison, compétents pour connaître entre usiniers et riverains des contestations relatives aux abus qui auraient lieu dans la gestion des usines. Toutes les fois que l'usinier cause à autrui un préjudice en n’observant pas les conditions prescrites, il peut être actionné en dommages-intérêts devant les tribunaux civils, d'après les principes exposés précédemment (no 94) à l'égard des établissements autorisés en général.

Il en est ainsi quand les usiniers inondent les propriétés voisines, ou font refluer les eaux sous la roue motrice d'une usine supérieure, en ne levant pas leurs vannes, en rehaussant le déversoir, en tenant, d'une manière quelconque, les eaux audessus du niveau fixé par le repère, etc.....

206. De la marche par éclusées. -Sans même surélever le niveau des eaux, ce qui est l'abus le plus ordinaire de la part des usiniers, ceux-ci peuvent encourir des dommages-intérêts, quand, sans autorisation spéciale, et dans les eaux þasses, ils retiennent les eaux jusqu'à ce qu'elles aient atteint l'arête du déversoir. Ce procédé, qu'on appelle marche par éclusées, ne nuit pas sans doute aux propriétés en amont, qui ne peuvent se plaindre tant que le niveau d'eau ne dépasse pas le point de repère, mais il cause aux usines et aux propriétés en aval un

(1) Voir sur la question M. Proudhon, Domaine public, n. 1095, et M. Garnier, t. 3, p. 230. Suivant ce dernier auteur, l'art. 640, Cod. Nap., en interdisant la formation de toute digue qui empêche l'écoulement des eaux, prohibe celle d'un moulin qui occasionnerait un remous sous la roue d'une usine supérieure, et en ralentirait ainsi la marche. D'où il suit que, dans le cas où la nouvelle usine fait refluer les eaux, l'usinier supérieur pouvant invoquer un principe du droit commun, aurait une action en dommages-intérêts devant les tribunaux civils.

double et notable préjudice. Il les prive d'eau totalement pendant tout le temps que s'opère la retenue complète; puis, au moment où les eaux longtemps captives reprennent leur cours, elles se précipitent avec une violence qui peut dégrader les berges et ébranler le mécanisme des usines inférieures.

Les tiers lésés sont alors recevables à faire ordonner par les tribunaux la cessation de l'abus de jouissance, et à réclamer des dommages-intérêts (1).

La marche par éclusées, contraire au droit commun, ne peut avoir lieu qu'avec autorisation particulière dans le cas où elle est nécessaire pour utiliser un cours d'eau ou trop faible, ou trop lent, s'il est laissé à lui-même.

207. Contraventions de la compétence du tribunal de simple police.- Chose jugée. Les tribunaux ne sont pas seulement compétents pour prononcer des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé aux particuliers. Ils connaissent, en outre, des contraventions résultant de toute infraction quelconque aux dispositions prescrites par l'administration pour la construction ou l'exploitation de l'usine.

Le tribunal de simple police fait, en pareil cas, l'application de l'art. 471 du Code pénal, qui punit les contraventions aux règlements administratifs (voir n° 79).

Les peines qui peuvent être prononcées en vertu de l'art. 471, no 15, ont été énumérées au no 83. Les principes que nous y avons exposés sont exactement applicables au cas actuel.

Le jugement qui ordonne la suppression des vannes d'un moulin à défaut d'autorisation, ne fait pas obstacle à ce que l'usinier s'adresse au préfet pour faire régulariser l'existence de l'usine et obtenir le rétablissement du barrage (2).

CHAPITRE III.

Industries non classées, réglementées sous divers rapports de police,

208. Division du chapitre. Nous comprenons dans. ce chapitre les industries qui, à raison de leur influence directe, soit sur l'ordre et la sécurité publique, soit sur la subsi

(1) Voir M. Daviel, t. 2, p. 233, et arrêt de Caen du 30 nov. 1827 (Lemarrois). (2) C. d'État, avril 1855 (Scharff c. Wendel).

stance et la santé des citoyens, soit sur la fortune des particuliers ou la fortune publique, ont été l'objet de règlements spéciaux; nous les classons d'après ces trois points de vue en trois paragraphes distincts.

SI.

Industries relatives à la presse.

IMPRIMEURS, LIBRAIRES-ÉDITEURS, FONDEURS EN CARACTÈRES, ETC. LÉGISLATION. Loi du 6 prairial an vii (Timbre).-Décret du & février 1810 (Police de la librairie et de l'imprimerie).-Décrets du 2 février 1811, 11 juillet 1812 (Brevets).—Loi du 21 octobre 1814 (Police de la presse).—Lois du 28 avril 1816 ; 15 mái 1818 (Timbre). — Ordonnance du 8 octobre 1817 (Imprimeurs lithographes). —Lois du 17 mai 1819; 9 juin 1819 (Presse, journaux).—Lois dès 17 et 25 mars 1822; 18 juillet 1828 (Journaux).-Loi du 9 septembre 1835 (Presse, journaux). -Loi du 27 juillet 1849, art. 7.-Décret du 17 février 1852 (Police de la presse. -Timbre).-Décret du 22 mars 1852 (Ímprimeurs en taille-douce. Petites presses). -Décret du 28 mars 1852 (Timbre).

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209. Les industries se rattachant à la presse sont réglementées. Des raisons de haute politique et de sûreté générale ont fait soumettre à des conditions particulières et soustraire au principe de la liberté industrielle l'exercice des industries qui se rattachent à la presse, c'est-à-dire à la fabrication et à la publication des ouvrages imprimés. Ces industries sont celles des imprimeurs, des libraires, des fondeurs de caractères et fabricants de presses.

Art. 1er.

Conditions générales de l'exercice de la profession
d'imprimeur.

SOMMAIRE.

210. Brevet et prestation de serment exigés pour l'imprimerie en tous genres. 211. Le brevet est spécial à un seul établissement et à un seul lieu. 212. De la personnalité du brevet. 213. Prohibition d'exploiter sous le nom d'un breveté. 214. De la clandestinité de l'imprimerie. 215. Du retrait du brevet en cas de contravention.216. Limitation du nombre des imprimeurs. — 216, Droit de l'imprimeur de refuser ses presses.

210. Brevet et prestation de serment exigés pour l'imprimerie en tous genres. - Nul ne peut ouvrir une imprimerie, s'il n'obtient un brevet du ministère de l'intérieur en justifiant de sa capacité et de sa moralité (1), et s'il ne prête

(1) Loi du 21 oct. 1814, art. 11, et décret du 5 fév. 1810, art. 7, et ordonnance

en outre le serment de ne rien imprimer contrairement aux lois (1).

Le brevet doit être enregistré au greffe du tribunal civil de la résidence de l'impétrant, qui prête serment devant le même tribunal (2).

Ces obligations ont été étendues aux imprimeurs lithographes par l'ordonnance du 8 octobre 1817 (3), et aux imprimeurs en taille douce par le décret du 22 mars 1852.

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211. Le brevet est spécial à un seul établissement et à un seul lieu. Le brevet ne peut couvrir qu'un seul et unique établissement, et il est défendu aux imprimeurs de travailler ou faire travailler ailleurs que dans les maisons où ils demeurent (4). Délivré pour un lieu déterminé, il est sans effet partout ailleurs, et le titulaire est punissable, s'il transporte son établissement d'une villé dans une autre, ou s'il établit, sans nouveau brevet, une succursale hors du lieu de sa résidence (5). 212. De la personnalité du brevet. Le brevet est personnel et ne peut être cédé, vendu, loué, en tout ou en partie, sans l'agrément du Gouvernement, ni donné en nantissement (6), ni être transmis de plein droit par succession (7), sauf au Gouvernement à avoir pour les familles des égards particuliers (art. 8 du décret de 1810). La décision ministérielle refusant à l'héritier du titulaire la continuation du brevet ne serait susceptible d'aucun recours par la voie contentieuse. Ce principe ne reçoit exception qu'à l'égard de la veuve non remariée, qui peut continuer, sans nouveau brevet, l'exploitation de l'industrie de son mari, en vertu de l'art. 55 du règlement du 23 février 1723 demeuré en vigueur sur ce point (8).

213. Prohibition d'exploiter sous le nom d'un im

du 6 avril 1834. Le décret du 22 mars 1852, qui attribuait la délivrance des brevets au ministre de la police générale, est devenu sans objet à cet égard par la suppression de ce ministère.

(1) Art. 11 de la loi de 1814; art. 9 du décret du 5 fév. 1810.

(2) Art. 9 du décret de 1810.

(3) Arrêt de Montpellier du 1er février 1847.

(4) Bories et Bonnassies, Diction. pratique de la presse, vo Imprimeur, n. 59.— Voir déclaration du 10 mai 1728, art. 15.

(5) Voir Parant, Lois de la presse, p. 36; Chassan, Traité des délits de la presse, p. 429.-Arrêt de Nîmes, 31 janvier 1880 (Cheynet),

(6) Paris, 2 janvier 1843 (Dalloz, 43.2.77).

(7) C. d'État, 1er août 1837 (Barrière).-V. de Grattier, Lois de la presse, t. I, p. 32. (8) C. cass., 2 juin 1827 (veuve Lebel).-V. Parant, p. 36.

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