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primeur breveté. — Le principe de la personnalité du brevet a pour conséquence la prohibition d'exploiter des presses placées dans les ateliers d'un imprimeur breveté et sous sa responsabilité, mais employées en réalité par leurs propriétaires sans le concours effectif du titulaire. La difficulté consiste à distinguer en fait s'il y a association de plusieurs individus pour l'exploitation d'une même imprimerie brevetée au profit de l'un d'eux, association qui est parfaitement licite, ou s'il s'agit au contraire d'une combinaison frauduleuse par laquelle le titulaire, réduit au rôle de simple prête-nom, couvre de son brevet des opérations distinctes et séparées des siennes. Il a été jugé qu'il n'y avait aucune contravention de la part du cessionnaire non encore breveté exploitant avec le concours du cédant (1), mais que la contravention existerait au contraire, și le cessionnaire était seul en réalité à la tête de l'imprimerie, ou si les presses fonctionnaient au profit et sous la direction d'individus autres que le titulaire (2).

Il a été jugé également que le propriétaire non breveté d'une presse lithographique était punissable, bien qu'il eût, moyennant certaines conventions, chargé un imprimeur breveté de la direction et de l'exploitation de cette presse (3).

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214. De la clandestinité de l'imprimerie.—Application aux petites presses.- A défaut de brevet il y a clandestinité de l'imprimerie, délit prévu et puni par l'art. 13 de la loi du 21 octobre 1814, ainsi conçu: « Les imprimeries clandestines seront détruites, et les possesseurs et dépositaires punis d'une amende de 10,000 francs et d'un emprisonnement de six mois. >> Il résulte de cette disposition que la simple possession d'une imprimerie clandestine suffit pour entraîner contre le détenteur l'application des pénalités dont il s'agit, alors même qu'il n'en aurait été fait par lui aucun usage (4).

Le décret du 22 mars 1852 interdit, même pour les impressions privées, l'usage des presses de petite dimension, de quelque nature qu'elles soient, sans l'autorisation du ministre de la po¬ lice (actuellement de l'intérieur) ou des préfets, sous les peines portées par l'art. 13 de la loi de 1814.

(1) C. cass., 30 août 1838; 19 juillet 1844; 10 juillet et 29 décembre 1846. (2) Arrêt des chambres réunies du 29 avril 1842; 15 fév. 1845; 11 oct, 1845, Nimes, 31 janv. 1850.

(3) C. cass., 21 mai 1853 (Roche).-(Dalloz, 53, 5, 252).

(4) De Grattier, t. 1, p. 67, n. 2; Parant, n. 43; Chassan, t. 1, p. 430.

215. Du retrait du brevet en cas de contravention, -Le brevet est donné à vie; mais il peut être retiré par le Gouvernement, d'après l'art. 12 de la loi du 21 octobre 1814, à tout imprimeur convaincu, par jugement, de contravention aux lois et règlements concernant spécialement l'imprimerie, et même de tout délit de presse en général (1). Néanmoins, d'après l'art. 8 de la loi du 18 juillet 1828, qui punit le défaut de signature des gérants de journaux, la contravention de l'imprimeur n'autorise pas en ce cas la révocation du brevet (2).

216. Limitation du nombre des imprimeurs. — Le nombre des imprimeurs est limité dans chaque département, et cette limitation donne à leur industrie le caractère d'un vé¬ ritable privilége. Toutefois, comme elle a pour principe un motif d'ordre public, et non pas l'intérêt privé des titulaires, il n'en résulte pas pour les imprimeurs en exercice le droit d'attaquer par la voie contentieuse une décision ministérielle portant concession d'un brevet au delà du nombre primitivement fixé (3). 217. Droit de l'imprimeur de refuser ses presses. De la limitation du nombre des imprimeurs, il ne résulte pas non plus que le ministère de l'imprimeur soit forcé, et que son droit privilégié ait pour conséquence l'obligation absolue d'imprimer tout ce qui lui est présenté. Une raison de haute moralité s'oppose à ce que l'imprimeur serve d'instrument passif et nécessaire à des publications qu'il aurait lieu de considérer comme funestes aux mœurs ou à l'ordre public. Cette liberté a toujours été proclamée par la jurisprudence (4). Cependant le refus de l'imprimeur ne doit pas être arbitraire, et les tribunaux peuvent apprécier la validité des raisons qu'il oppose, raisons qui ne seraient plus recevables, s'il prétendait revenir contre l'obligation par lui acceptée antérieurement de fournir ses presses (5).

(1) C. d'État, 6 janv. 1853 (Audiard); 22 mai 1851 (Boulé). (2) Voir Dict. pratique de la pressè, vo Imprimeur, n. 53. (3) C. d'État, 14 mars 1834 (Saillot).

(4) Paris, 27 mars 1830 (Durand); Rouen, 1er avril 1830 (Mortureux); Dijon, 16 janv. 1839 (Consot); Angers, 2 janv. 1851 (Tausch).-Voir sur la question Bories et Bonnassies, Dict. pratique de la presse, vo Imprimeur, n. 77, 78, 79. (5) Voir Morin, Répertoire du Droit criminel, vo Imprimerie, p. 193.

Art. 2. Obligations spéciales pour l'impression de chaque ouvrage.

SOMMAIRE.

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218. Obligations relatives à chaque publication. Pénalités distinctés. —— 219. De la déclaration préalable. -220. Du dépôt. —221. Nécessité d'un récépissé. Sanction pénale. 222. Tolérance pour les bilboquets et mémoires sur procès. 223. Déclaration et dépôt exigés pour tous les autres écrits, même les réimpressions. 224. Indication du nom et de la demeure de l'imprimeur. Caractères de cette indication, 225. Généralité de cette obligation. 226. Indication exigée pour chaque partie distincte des journaux et chaque livraison. - 227. A quel moment le défaut d'indication est punissable. — 228. Constatation des contraventions. Saisie.-229. Tribunal compétent.-230. Les contraventions ne sont pas excusables. — 231. Cumul des peines. 232. Interdiction de modérer les peines. 233. Restitution des exemplaires saisis.

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218. Obligations relatives à chaque publication. — Pénalités distinctes.—L'imprimeur régulièrement breveté et assermenté est en outre, relativement à l'impression de chaque ouvrage en particulier, soumis à de rigoureuse's obligations. Elles consistent: 1o dans la déclaration préalable de l'intention d'imprimer tel ouvrage; 2° dans le dépôt, avant la publication, des exemplaires prescrits; 3° dans l'indication du nom et de la demeure de l'imprimeur sur chaque exemplaire (art. 14 et 15 de la loi du 21 octobre 1814).

Chacune de ces obligations est distincte et indépendante, et chaque infraction est punie d'une peine particulière (1).

219. De la déclaration préalable. La déclaration doit être faite avant toute impression ou du moins avant la correction des épreuves. Elle est tardive et irrégulière quand elle a lieu après la correction des épreuves, bien qu'avant le tirage. Elle ne peut être faite que par l'imprimeur lui-même ou un fondé de pouvoir spécial (2), et dans le lieu même où l'ouvrage est imprimé, de telle sorte que le typographe qui aurait plusieurs imprimeries dans différents départements ne pourrait faire la déclaration dans l'un et l'impression dans l'autre. Elle doit être faite par chacun des imprimeurs qui prennent part à la confection d'un même ouvrage (3), La déclaration porte l'indica

(1) C. cass., 21 février 1824 (Brunet); 8 août 1828 (Brunet); 14 août 1846.-Caen,

29 nov. 1849.

(2) C. cass., 29 janv. 1847 (Pinel.-Dalloz, 47.1.148).-Aix, 2 janv. 1833.—Voir de Grattier, t. 1, p. 72 et 80; Chassan, t. 1, p. 700

(3) C. cass., 16 juin 1826 (Veysset).

tion du nombre d'exemplaires que l'on se propose de tirer, et il y a contravention, si le tirage effectif dépasse le nombre déclaré. Comme moyen de vérifier l'exactitude des déclarations, l'ordonnance réglementaire du 24 octobre 1814 oblige chaque imprimeur à inscrire tous les ouvrages qui lui sont confiés, par ordre de dates, avec mention du format et du nombre de volumes, de feuilles et d'exemplaires, sur un registre coté et parafé par le maire (1).

220. Du dépôt.-Le dépôt qui doit précéder la mise en vente ou la publication, de quelque manière qu'elle ait lieu, consiste dans la remise de deux exemplaires, d'après l'ordonnance royale du 9 janvier 1828. Ce dépôt n'est régulier et valable que s'il est fait, à Paris, au ministère de l'intérieur, et dans les départements au secrétariat de la préfecture; il ne mettrait pas l'imprimeur à l'abri des peines prononcées par défaut de dépôt, s'il était effectué au secrétariat de la sous-préfecture (2).

221. Nécessité d'un récépissé. - Sanction pénale. -L'une et l'autre formalité doit être constatée par un récépissé. Il suffit de la non-représentation de ce récépissé pour qu'il y ait lieu à l'application des peines prononcées par la loi, qui sont la saisie et le séquestre de l'ouvrage et la condamnation de l'imprimeur à 1,000 francs d'amende pour une première contravention, et 2,000 francs pour une seconde (3). Toutefois le tribunal pourrait faire résulter la preuve de la déclaration, du registre même de l'imprimeur vérifié par le commissaire de police, au moins dans le cas de perte du récépissé (4).

222. Tolérance pour les bilboquets et mémoires sur procès.— Les deux formalités de la déclaration et du dépôt sont applicables à tous écrits quelconques, même à ceux publiés au moyen de l'imprimerie lithographique, quoique ce procédé ne fût pas connu lors de la promulgation de la loi de 1814 (5). La brièveté d'un ouvrage ne peut être, sous aucun rap

(1) A cet égard l'ordonnance réglementaire du 24 octobre 1814 doit être considérée comme légale et obligatoire. — C. cass., 19 décembre 1822; Paris, 13 sept. 1858; Chassan, t. 1, p. 435; de Grattier, t. 1, p. 107.

(2) C. cass., 29 avril 1839 (Battini).

(3) Art. 15 et 16 de la loi du 21 octobre 1814.-C. cass., 2 avril 1830 (Hénault); 2 fév. 1844. Voir de Grattier, t. 1, p. 86.

(4) C. cass., 10 fév. 1826.-Voir Chassan, t. 1, p. 435,

(5) Montpellier, 1er fév. 1847 (Serveille).

port, un motif pour s'en affranchir (1). Ce n'est que par tolérance que l'administration dispense de la double formalité de la déclaration et du dépôt les écrits dits ouvrages de villes et bilboquets, tels qu'annonces de mariage, de naissance, de décès, affiches de vente et location, impressions purement relatives à des convenances de famille, de société, ou à des intérêts privés, et qui ne sont pas susceptibles d'être répandues dans le com

merce.

Cette dispense administrative, qui n'a pas trait d'ailleurs à la formalité de l'indication du nom de l'imprimeur (no 225), a été accordée d'une manière générale par une circulaire du ministre de l'intérieur du 16 juin 1830. Elle est étendue aux factures, mémoires ou requêtes sur procès, lorsqu'ils sont signés par un avocat ou un officier ministériel (2), en considération de la ga→ rantie que présentent le nom et la signature dont ils sont revêtus, et de la célérité que de telles impressions requièrent.

223. Déclaration et dépôt exigés pour tous les au tres écrits, même les réimpressions. - L'instruction ministérielle explique et la jurisprudence décide en conséquence que les formalités ci-dessus doivent être remplies, sans aucune distinction pour les pièces de circonstance, chansons, catalogues, extraits de journaux, actes administratifs et judiciaires imprimés pour compte particulier, musique avec paroles, planches gravées avec texte, tableaux de prix de marchandises, placards concernant les élections, etc., etc. (3).

La réimpression même d'un écrit est soumise à la déclaration et au dépôt ; et il y a réimpression par cela seul que l'ouvrage, quoique au fond identiquement le même, reparaît sous un nouveau format ou avec une nouvelle justification (4).

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224. Indication du nom et de la demeure de l'imprimeur. Caractères de cette indication. La troisième obligation imposée par la loi de 1814 est celle d'indiquer, sur chaque exemplaire, le vrai nom et la vraie demeure de l'imprimeur, à peine de saisie et séquestre de l'ouvrage, et, en outre, d'une amende de 3,000 francs en cas d'omission, et de 6,000 en cas de fausse indication, sans préjudice de l'emprison

(1) C. cass., 3 juin 1826 (Leducq).

(2) Ces écrits ne peuvent être imprimés que sur papier timbré.-Loi du 13 brum. an vii, art. 12.-C. cass., 19 nov. 1839 (Dumay).

(3) C. cass., 1er juin 1836; 30 mars 1838; 4 oct. 1844 (Lepagnez). Voir Parant, p. 47; de Grallier, t. 1, p. 73, n. 4; Chassan, t. 1, p. 48.

(4) C. cass., 6 juillet 1832 (Baume); 18 juillet 1833 (Vidal); Paris, 25 nov. 1837.

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