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prement parler, discrétionnaire, pour accorder ou rejeter l'autorisation, accueillir ou repousser les oppositions. La jurisprudence a posé à cet égard les principes qui doivent régler toutes les décisions des autorités administratives.

29. Le danger, l'insalubrité, l'incommodité, seuls motifs admissibles. — 1o Les motifs qui peuvent faire refuser l'autorisation doivent être pris uniquement du danger, de l'insalubrité ou de l'incommodité que présente l'établissement, seules raisons pour lesquelles il a été classé et soumis à la nécessité de l'autorisation. Ils ne sauraient être tirés, ni des dommages que sa création peut apporter à des établissements voisins par la concurrence ou même à des intérêts généraux ou communaux, autres que ceux de police, ni, comme l'a prétendu le préfet du Rhône dans l'affaire Débolo précitée, du tort qu'elle causerait à la beauté d'un site et à l'agrément d'un lieu occupé par un grand nombre de maisons de plaisance, ni même enfin de l'atteinte qui en résulterait à des lois et règlements d'une autre nature et dont la sanction est ailleurs. (Voir ci-dessus no 12).

A tous ces points de vue, étrangers aux considérations qui ont déterminé le classement, les établissements en question sont dans le droit commun, et ne peuvent être plus que tous autres frappés arbitrairement d'interdiction.

30. Applications faites par la jurisprudence. En vertu de ces principes, il a été jugé que le refus fondé sur l'intérêt du commerce et les inconvénients de la concurrence, en ce que, par exemple, le nouvel établissement pourrait ruiner des établissements antérieurement autorisés, est entaché d'excès de pouvoir (1); mais il en serait autrement si le dommage causé à un atelier voisin, bien que ne portant que sur cet atelier seul, était cependant direct et matériel, comme, par exemple, l'écoulement des eaux d'une tannerie dans une blanchisserie (2).

Ainsi encore, le conseil d'État a annulé un arrêté du conseil de préfecture des Hautes-Pyrénées (3), par la raison « que le «< conseil de préfecture ne s'est fondé pour faire droit à l'opposi«<tion du sieur Tarissais sur aucun motif tiré de l'insalubrité << ou de l'incommodité de l'établissement, mais seulement sur « l'intérêt de la reproduction des bois dans le canton, et les be

(1) C. d'État, 8 janv. 1813 (Seuly).-3 mai 1839 (Ridoux, Annebique).

1833.

(2) C. d'État, 8 juill. 1818 (Combe).-7 mai 1828 (Lesegretain). (3) C. d'État, 23 fév. 1838 (Tarissais, Demont).

-31 mai

<< soins des communes voisines; que les considérations d'un in« térêt général ne pouvaient servir de base aux oppositions por«tées devant ledit conseil de préfecture. »>

31. Influence de la proximité des habitations. 2o Les établissements de la deuxième classe se distinguant de ceux de la première précisément en ce que l'éloignement des habitations n'est pas nécessairement exigé à leur égard, il en faut conclure que la proximité de maisons habitées ne constituerait pas à elle seule un motif suffisant d'opposition. Du moment où il serait établi que des mesures efficaces sont prises pour mettre le voisinage à l'abri des inconvénients provenant de l'exploitation, un tel motif ne saurait être accueilli contre la demande d'autorisation (1). C'est ce qui résulte du principe constamment invoqué par le conseil d'État, qu'en ce qui concerne les établissements de deuxième classe, leur éloignement des habitations n'est pas rigoureusement nécessaire, mais qu'ils ne doivent être autorisés qu'avec les précautions propres à empêcher leurs opérations de devenir nuisibles aux propriétés du voisinage (2).

Le motif tiré de la trop grande proximité des habitations reprend toute sa force quand les inconvénients résultant de l'exploitation ne sauraient être évités aux voisins dans un certain rayon. C'est pourquoi l'autorisation a été fréquemment refusée, et le transfert en d'autres lieux a été ordonné à l'égard de certains ateliers, tels que les tanneries, dont l'établissement, au centre d'une population agglomérée, serait nécessairement dommageable (3). Il en a été décidé de même quand le caractère spécial des habitations voisines, affectées à des services publics, (hôtels et bureaux de préfecture, écoles primaires, salles d'asile) rendait intolérable la proximité d'une industrie qui n'aurait pas eu le même inconvénient à l'égard d'habitations ordinaires (4). Il en devrait être ainsi, alors qu'il ne s'agirait que d'établissements privés (pensionnats, maisons de santé), si par suite de leur nature même, l'insalubrité ou l'incommodité d'un atelier leur était particulièrement préjudiciable.

(1) C. d'État, 16 janv. 1828 (Gide).

(2) C. d'État, 18 juill. 1829 (Hattier).-22 mars 1833 (Bayvel).—4 fév. 1838 (Colomby).-Voir, sur les conditions auxquelles les autorisations sont fréquemment soumises, C. d'État, 8 mars 1844 (Fragot).—9 déc. 1845 (commune de Creyssels).—8 déc. 1853 (Demorels).—26 avril 1855 (Jacob), etc.

(5) C. d'État, 15 nov. 1826.-3 fév. 1830 (Thinaud).— Voir 17 déc. 1841 (Sehet). -25 avril 1842 (Selligue).

(4) C. d'État, 21 déc. 1837 (Traxler et Bourgeois).

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32. Des inconvénients spécialement indiqués dans le classement. 3o Les motifs d'opposition ne doivent pas être tirés seulement et d'une manière générale, du danger, de l'insalubrité ou de l'incommodité des établissements, mais surtout du genre spécial d'inconvénient qui a déterminé le classement de l'établissement dont il s'agit, et qui est indiqué dans le tableau annexé aux décrets et ordonnances. Ainsi le conseil d'État, annulant un arrêté du conseil de préfecture de la Seine, a décidé que les machines à feu, à haute pression, n'ayant été classées au nombre des établissements dangereux, insalubres et incommodes que sous le rapport de la fumée et des dangers d'explosion et d'incendie, l'incommodité résultant du bruit produit par la machine n'était pas au nombre des motifs d'opposition susceptibles d'être accueillis par le conseil de préfecture (1).

Il faut remarquer toutefois que, dans cette espèce, le bruit était un résultat de l'emploi des presses mues par la vapeur qui se produisait également lorsque les presses étaient mues à force de bras, cas auquel cependant elles n'étaient point classées; d'où l'on concluait que les tribunaux seuls, et non l'administration, pouvaient avoir à statuer sur les inconvénients provenant de ce bruit. Aussi, quand cette circonstance particulière ne se présente pas, le principe posé par l'arrêt du conseil du 8 novembre 1829 n'est-il point appliqué d'une manière absolue. Le conseil d'État considère les motifs indiqués dans la nomenclature des établissements classés, plutôt comme des renseignements purement énonciatifs que comme des règles limitatives. C'est ce qui résulte spécialement de diverses décisions où le conseil d'État a déclaré que toutes les causes, écrites ou non, qui ont pu motiver le classement, doivent être prises en considération pour déterminer l'autorisation à accorder à ces fabriques et les conditions auxquelles cette autorisation peut être donnée (2).

33. Formule de demande.

A M. le préfet (3) du département de. . . ou de police.

DEMANDE D'AUTORISATION POUR UN ATELIER DE DEUXIÈME CLASSE. Le soussigné (nom et prénoms), fabricant de. demeurant à. l'honneur de demander à M. le Préfet l'autorisation d'établir un atelier de.

(1) C. d'État, 8 nov. 1829 (Selligue).

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(2) C. d'État, 6 avril 1836 (Nougaillou).— 14 déc. 1844 (Béthune). — Voir Dufour,

t. 2, n. 549-551.

(3) Partout ailleurs que dans le chef-lieu du département, c'est au sous-préfet que la demande doit être adressée, pour être par lui transmise au préfet.

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Les procédés, appareils et époques de fabrication seront (en donner le détail). Les bâtiments qui doivent servir à l'exploitation ne sont pas entièrement isolés d'autres habitations; mais ces dernières sont elles-mêmes affectées à divers genres d'industrie (donner la désignation).

Les circonstances topographiques sont de nature à prévenir les craintes d'insalubrité (les énumérer).

L'exposant offre, d'ailleurs, de prendre toutes les mesures et précautions nécessaires pour mettre le voisinage à l'abri des inconvénients qui pourraient résulter de sa fabrication (énumérer les mesures, telles que l'établissement d'appareils fumivores, de puisards, la clôture exacte des ateliers, etc.).

Il s'engage, en outre, à se conformer aux conditions qui seraient jugées nécessaires par l'administration.

L'exposant produit à l'appui de sa demande un plan (voir le détail à la formule ci-dessus n° 10). (Date et signature.)

NOTA. En cas de rejet de la demande, le recours doit être formé devant le conseil d'État par le ministère d'un avocat au conseil.

SIII.

De l'autorisation des Établissements de troisième classe.

SOMMAIRE.

34. Caractère des établissements de troisième classe.-35. Formalités de la demande et de l'instruction.-36. Arrêté du sous-préfet.-37. Recours contre la décision du sous-préfet.-38. Recours contre la décision du conseil de préfecture.-39. Motifs d'opposition et de recours. -40. Formule de demande. -41. Formule de recours.

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34. Caractère des établissements de troisième classe. Les établissements de la troisième classe se distinguent des établissements de la première et de la seconde, en ce qu'ils peuvent sans inconvénient être placés près des habitations, tout en restant soumis à la nécessité de l'autorisation et à la surveillance de la police. Ce sont les établissements qui n'étant ni dangereux, ni insalubres, sont seulement incommodes, et c'est en vue d'atténuer cette incommodité que sont prescrites les précautions auxquelles ils sont assujettis.

Conformément à l'ordonnance du 14 janvier 1815 (art. 3), qui a concilié les dispositions contradictoires des art. 2 et 8 du décret de 1810, l'autorisation est accordée, dans les départements, par le sous-préfet ou par le préfet dans les chefs-lieux où il n'y a pas de sous-préfet (1), après avis préalable du maire, et, dans le département de la Seine, par le préfet de police.

(1) C. d'État, 22 déc. 1824. 10 juill. 1833 (Merry). - 22 août 1838 (Gianelli).

35. Formalités de la demande et de l'instruction. Ces formalités simples et peu nombreuses sont les suivantes : 1° Demande adressée par l'industriel au sous-préfet ou au préfet, suivant les cas indiqués ci-dessus (no 34);

2o Renvoi au maire, pour avoir son avis, ainsi que celui de la police locale.

Aucun règlement ne prescrit l'affiche de la demande, non plus que l'enquête de commodo et incommodo. Le préfet de police à Paris est néanmoins dans l'usage d'y faire procéder, et cet exemple peut être utilement suivi partout (1).

Quand le préfet se trouve saisi de l'affaire, il peut, à son gré, demander l'avis purement consultatif du conseil de préfecture (2). 36. Arrêté du sous-préfet. Ces formalités sont suivies de la décision du sous-préfet ou du préfet en exerçant les fonctions.

Il est à remarquer que l'autorisation, accordée dans ces termes à un atelier de troisième classe, ne dispense en aucune façon l'industriel de se pourvoir à un autre point de vue devant les autorités compétentes, si l'établissement comprend en même temps un atelier de première ou de deuxième classe (voir no 42), ou s'il est placé sur un cours d'eau, et soumis comme tel soit à l'autorisation spéciale du préfet (décret du 25 mars 1852), soit même à celle du Gouvernement (voir ci-après no 151). Il suit de là que l'établissement qui se trouve dans cette situation mixte ne peut être mis en activité, en vertu de la simple autorisation du sous-préfet, et tant que les autres autorisations n'ont pas été obtenues (3).

37. Recours contre la décision du sous-préfet. Aux termes des art. 8 du décret de 1810 et 3 de l'ordonnance de 1814, « s'il s'élève des réclamations contre la décision prise par les sous-préfets sur une demande en formation d'ateliers compris dans la troisième classe, elles seront jugées par le conseil de préfecture. » D'après la jurisprudence constante du conseil d'État, cette disposition absolue déroge, dans l'intérêt de l'industrie, au principe que tout recours contre les actes du souspréfet doit être adressé au préfet, son supérieur immédiat suivant l'ordre hiérarchique (4). A la différence de ce qui a lieu

(1) Voir Macarel, t. 4, p. 147; Dufour, t. 2, n. 583.-Voir notamment C. d'État, 29 août 1821 (Nausé).

(2) C. d'État, 19 mars 1825 (Holland).

(5) C. d'État, 12 juill. 1837 (Roubaud-Luce).

(4) Voir Clérault, n. 69 et 70; Dufour, t. 2, n. 384.-Contrà, Macarel, t. 4, p. 157.

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