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compétent pour rechercher et déclarer si l'établissement existait antérieurement au décret de 1810 (1). « Les décisions qu'il peut être appelé à rendre à cet effet participent d'ailleurs, dit M. Dufour, des caractères du contentieux, et sont par conséquent susceptibles de recours devant le ministre, et en second lieu devant le conseil d'État.» (T. 2, no 586.) Nous admettons pleinement cette doctrine, puisqu'il s'agit ici du maintien d'un droit acquis et fondé sur la loi, bien que le contraire semble résulter d'un arrêt du conseil d'État du 22 février 1838 (2).

48. Conditions de l'application de l'art. 11. On conçoit que le bénéfice de l'art. 11 du décret de 1810 ne peut être invoqué par un industriel, que tout autant qu'il maintient son établissement dans les conditions existantes lors de la promulgation du décret, c'est-à-dire qu'il ne substitue pas aux procédés alors employés un mode d'exploitation plus nuisible au voisinage, soit par la nouveauté des moyens ou de l'objet de l'exploitation (3), soit par l'extension donnée à la fabrication. Ainsi il a été jugé que la substitution d'un haut fourneau et de trois chaufferies à la houille à un simple fourneau et à une seule chaufferie existants en 1810, entraînait la nécessité d'une autorisation ultérieure (4).

C'est en vertu du même principe que, d'après l'art. 13 du décret du 15 octobre 1810, « les établissements maintenus par l'art. 11 cesseront de jouir de cet avantage, dès qu'ils seront transférés dans un autre emplacement. »>

Il en est de même, suivant le même article, quand une interruption de six mois dans les travaux a donné lieu de considérer l'établissement comme abandonné (voir sur les effets généraux de ces deux circonstances, les nos 61 et 62 ci-après).

Enfin l'origine antérieure à 1810 et l'autorisation tacite qui en résulte ne peuvent, non plus qu'une autorisation expresse, soustraire l'établissement aux mesures que l'administration a le droit de prendre, soit dans les cas prévus par l'art 12 du décret du 15 octobre (no 69 ci-après), soit dans l'intérêt général de la sûreté publique.

(1) C. d'État, 29 janv. 1814 (Pinel).

(2) C. d'État, 22 fév. 1838 (Demont d'Aurenson).

(3) C. de cassation, ch. crim., 26 déc. 1839 (Debbare). (4) C. d'État, 2 fév. 1846 (Danelle).

S VI.

Établissements non classés, mais de nature à l'être.

SOMMAIRE.

49. Situation des industries existantes au regard d'un classement nouveau. 50. Établissements affectés à des industries nouvelles. Suspension par le préfet. 51. Ce qu'il faut entendre par industries nouvelles. 52. Recours contre l'arrêté de suspension. Classement et autorisation provisoires.

53. 54. Le classement provisoire dans la première classe n'appartient pas au préfet. 55. Le classement définitif est réservé au Gouvernement.

49. Situation des industries existantes au regard d'un classement nouveau. Le classement établi en principe par le décret de 1810, et appliqué notamment par l'ordonnance du 14 janvier 1815, n'est pas définitif et immuable, en ce qui concerne chaque espèce d'établissement. Des décrets ou ordonnances, rendus dans la forme de règlements d'administration publique, peuvent transporter et transportent en effet des ateliers d'une classe dans une autre, ou même soumettent au classement des ateliers qui n'y avaient pas été compris jusquelà. Ces établissements se trouvent, au regard des règlements postérieurs à leur formation, dans une situation identique à celle faite à tous les établissements en général qui existaient lors de la promulgation du décret de 1810. Si ce décret, en instituant la nécessité de l'autorisation, en a néanmoins dispensé les ateliers antérieurs par respect pour le principe de la non-rétroactivité des lois, proclamé par l'art. 2 du Cod. Nap., il faut admettre, en vertu du même principe, que l'effet des nouveaux classements ne saurait réagir sur les ateliers antérieurement établis (1).

Telle est la règle qui doit être suivie à l'égard des établissements appartenant à des industries déjà connues et pratiquées à l'époque des classifications existantes, et laissées à dessein en dehors de ces classifications.

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50. Établissements affectés à des industries nouvelles. — Suspension par le préfet. La même règle n'est pas applicable aux industries nouvelles qui, n'existant pas encore lors des classifications, n'ont pu y être comprises, dont

(1) Voir Foucart, t. 1, n. 362.

les inconvénients pour la sûreté ou la salubrité publiques n'ont pu être appréciés, et à l'égard desquelles l'administration, chargée de pourvoir à ces grands intérêts dès qu'ils se révèlent, doit conserver son action pleine et entière.

Non-seulement l'administration peut ranger dans une des trois classes cette sorte d'établissements, mais elle peut soumettre à l'effet de ce classement les ateliers déjà formés ou en voie de formation. Ces droits sont réglés par l'ordonnance de 1815 qui a suppléé sur ce point au silence complet du décret de 1810.

« Les préfets, dit l'art. 5 de l'ordonnance, sont autorisés à << faire suspendre la formation ou l'exercice des établissements << nouveaux qui, n'ayant pu être compris dans la nomenclature << précitée, seraient cependant de nature à y être placés. »

51. Ce qu'il faut entendre par industries nouvelles. La jurisprudence appliquant aux termes de cet article la distinction ci-dessus indiquée, a nettement déclaré qu'il s'agit dans l'art. 5, non pas des établissements de formation nouvelle en général, mais de ceux d'une nature nouvelle, appartenant à des industries non encore existantes lors des classements antérieurs, ou dont les conditions d'existence auraient été tout à fait changées par les progrès de l'industrie. Ainsi, tout en reconnaissant au préfet le droit de suspendre l'exercice d'une industrie nouvelle, comme la fabrication de chaudières pour machines à vapeur (1), elle lui a refusé le même droit à l'égard d'établissements de formation nouvelle, mais appartenant à des industries antérieurement pratiquées, tels qu'une forge destinée à confectionner des enclumes et des essieux (2).

52. Recours contre l'arrêté de suspension.

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rêté du préfet qui suspend la formation ou l'exercice de l'établissement qu'il juge susceptible d'entrer en classement, peut être déféré au ministre d'abord, puis au conseil d'État, par la voie contentieuse, si le réclamant prétend que c'est à tort que son industrie a été considérée comme nouvelle (3).

Ce droit de suspension, qui ne saurait, en aucun cas, appartenir au maire (4), est exercé par le préfet, quelle que soit la classe à laquelle l'établissement doive appartenir.

(1) C. d'État, 4 sept. 1841 (Gravier).

(2) C. d'État, 2 août 1826 (Delvaux-Gouillard); cette industrie est aujourd'hui

classée.

(3) C.d'État, 4 sept. 1841 (Gravier).—2 janv. 1838 (Derosne).-Dufour, t. 2, n. 589. (4) C. de cassation, ch. crim., 3 mars 1842 (Leclair).

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Les

53. Classement et autorisation provisoires. préfets investis du droit de suspendre l'exploitation de l'établissement nouveau susceptible d'être classé, ont aussi celui de l'autoriser à des conditions et dans des limites qu'il importe de déterminer. L'art. 5 ajoute à cet égard : « Ils pourront accorder << l'autorisation pour tous ceux qu'ils jugeront devoir apparte<< nir aux deux dernières classes de la nomenclature, en rem« plissant les formalités prescrites par le décret du 15 octobre << 1810, sauf, dans les deux cas, à en rendre compte à notre direc<< teur général des manufactures et du commerce. »

La décision par laquelle le préfet statue sur la question d'autorisation est d'ailleurs soumise, par l'art. 5 de l'ordonnance de 1815, aux formalités et aux recours établis par le décret de 1810; le refus d'autorisation peut être déféré au conseil d'État par la voie contentieuse (1).

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54. Le classement définitif réservé au gouvernement. La décision préfectorale emporte avec elle un classement qui n'est que provisoire, puisque le préfet est tenu d'en référer au ministre dans tous les cas; aussi aucun recours devant le conseil d'État ne serait-il admissible contre un tel arrêté de classement qui n'a rien de définitif. Le classement final, d'après lequel sera fixé le régime de l'établissement, ne peut luimême résulter que d'un décret rendu en conseil d'État, sur le rapport du ministre de l'agriculture et du commerce; ce décret, quelle que soit son influence sur l'établissement en question, est un acte de pure administration qui ne peut être l'objet d'un recours au contentieux.

Du reste et avant que le classement définitif ne soit intervenu, le classement provisoire émané du préfet est obligatoire pour le fabricant, tant qu'il n'est pas réformé par l'autorité supérieure, et toute contravention à ses dispositions entraînerait l'application de l'art. 471, n° 15 du C. pén. (2).

55. Le classement provisoire dans la première classe n'appartient pas au préfet. Le décret du 25 mars 1852 ayant assimilé, au point de vue de l'autorisation, les établissements de la première classe à ceux de la seconde, il semblerait en résulter que la distinction faite par l'art. 5 de l'ordonnance de 1815 est par là même supprimée, et que le pouvoir

(1) Dufour, t. 2, n. 591.— C. d'État, 26 avril 1855.- Contrà, Avisse, t. 1, p. 57. (2) C. de cassation, 14 mai 1830 (Carré).

des préfets s'exerce sans restriction à l'égard de tous les ateliers. C'est ce qu'enseignent M. Dalloz (vo Manufactures, no 197), et M. Dufour (t. II, no 587). Toutefois, la circulaire ministérielle du 15 décembre 1852 maintient l'application exacte de l'ordonnance de 1815: « Pour ce qui concerne les établissements nouveaux qui, n'ayant pas été compris dans la nomenclature des ate« liers classés, vous sembleraient de nature à être rangés dans « la première classe, vous n'aurez pas à en déterminer le a classement, même provisoire, mais vous en réfèrerez à mon « ministère, afin que la mesure puisse être l'objet d'un dé

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Cette prescription peut se fonder sur l'art. 6 du décret du 25 mars 1852, qui réserve au ministre le droit d'astreindre les préfets à lui soumettre les objets même de leur compétence exclusive qu'il lui plaira de déterminer; elle s'explique au point de vue industriel par la nécessité, que signale la circulaire précitée, de soumettre à un régime uniforme dans toute la France les établissements du même genre. Le maintien de la disposition spéciale de l'art. 5 de l'ordonnance de 1815 peut donc être justifié nonobstant la disposition générale du décret de 1852, et en fait, les préfets se croiront sans doute tenus d'agir d'après les instructions ministérielles.

CHAPITRE II.

Régime des Établissements autorisés dans leurs rapports avec l'administration.

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Décret du 15 octobre 1810, ordonnance du 14 janvier 1815,

et décret du 25 mars 1852 (voir chapitre Ier).

SOMMAIRE.

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56. Autorisation expresse, implicite, tacite. 57. Les établissements autorisés restent soumis à l'action de l'administration.

56. Autorisation expresse, implicite, tacite.- D'après les explications données ci-dessus il faut considérer comme autorisés, soit tacitement les établissements antérieures à 1810, soit expressément ceux qui sont l'objet d'un arrêté spécial d'autorisation; ajoutons qu'une autorisation implicite et suffisante résulte pour un établissement existant de l'arrêté qui, sous cer

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