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97. La suppression ne peut être ordonnée par le juge. Toutefois le respect dû par la justice civile aux actes de l'autorité administrative interdit aux tribunaux, tout en prononçant la réparation pécuniaire du préjudice, d'ordonner la suppression d'un établissement légalement autorisé. Autrement l'autorisation administrative deviendrait absolument illusoire, puisque tous les effets pourraient en être anéantis par un acte de l'autorité judiciaire. Cette restriction aux pouvoirs des tribunaux civils est exigée par les intérêts généraux de l'industrie qui sont ici en lutte avec les droits de la propriété territoriale.

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98. Conciliation nécessaire des intérêts de l'industrie et des droits de la propriété.– Principes (1).

Ce n'est pas la seule atteinte que ces droits aient à subir, et dans l'allocation même des réparations pécuniaires, les tribunaux, sans sacrifier la propriété, doivent tenir compte des nécessités de l'industrie. Il est certain, d'un côté, que la plupart des ateliers classés causent un préjudice plus ou moins direct aux habitations voisines, par les émanations, le bruit, l'agitation, l'aspect même des établissements. Il en résulte parfois une dépréciation notable des immeubles situés à proximité. D'un autre côté, si tous ces divers dommages devaient être indistinctement et intégralement réparés, tous les ateliers industriels succomberaient sous des charges exorbitantes. L'exercice de l'industrie deviendrait véritablement impossible, et le propriétaire d'une usine serait privé du bénéfice de l'art. 544, Cod. Nap., qui permet à chacun de jouir et de disposer de sa chose comme il l'entend, pourvu qu'il n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. Il est juste, en outre, de compenser le préjudice spécial que peuvent éprouver tels ou tels propriétaires par les avantages généraux que ces mêmes propriétaires recueillent, avec la société tout entière, des développements des arts industriels. Enfin, il ne faut pas oublier que les dispositions du Code Napoléon, qui posent le principe de l'indemnité pour préjudice résultant des faits d'autrui (art. 1382, 1383), exigent qu'il y ait faute imputable à l'auteur du dommage, pour qu'il soit tenu à le réparer: or, on aurait peine à admettre qu'il y ait faute de la part de l'industriel qui soumet sa fabrication à toutes les conditions protectrices exigées par la sollicitude de l'administration (2).

(1) Voir sur ce sujet, Sourdat, Traité de la Responsabilité, t. 2, nos 1186 et s. (2) Arrêt de Bruxelles du 15 avril 1843, cité par Dalloz, vo Manufactures, n. 174.

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Sous l'influence de ces considérations diverses, entre lesquelles il est difficile de faire pencher la balance, la doctrine et la jurisprudence ont fait des tentatives plus ou moins heureuses pour concilier les droits et les intérêts opposés.

99. Distinction proposée entre les dommages matériels et moraux. Nous ne nous arrêterons pas à l'òpinion isolée d'un jurisconsulte renommé (M. Duvergier, Revue étrangère et française de législation, t. 10, p. 425 et 601), qui croit pouvoir induire de l'art. 544, Cod. Nap., la négation de toute action en dommages-intérêts pour le préjudice causé par l'exploitation régulière d'une industrie autorisée, opinion que repousse, d'après le texte formel de l'art. 11 du décret de 1810, l'unanimité des auteurs et des arrêts. Parmi ceux qui admettent en principe l'action en dommages-intérêts, une grande divergence s'est manifestée quant à l'étendue et à la portée de cette action. Les uns ont distingué entre les dommages matériels, c'est-à-dire occasionnant un retranchement, une détérioration physique à la propriété, comme l'ébranlement des édifices, l'altération de la végétation par des gaz délétères, pour lesquels on a admis l'action, et les dommages moraux, c'est-à-dire la dépréciation, la diminution d'utilité, d'agrément, de valeur, que le bruit, la fumée, etc., peuvent faire éprouver à la propriété, pour lesquels l'action a été déniée (1).

D'autres ont soutenu, au contraire, qu'aucune distinction n'étant faite par l'art. 11 du décret de 1810, la réparation était due, dès qu'il y avait dommage, soit matériel, soit même moral ou d'opinion (2).

100. Tempérament tiré des obligations ordinaires du voisinage. Enfin la Cour de cassation, mitigeant cette dernière doctrine si rigoureuse pour l'industrie, a posé en principe dans ses plus récents arrêts que, si une réparation civile peut être due pour tout dommage réel, quelle qu'en soit la nature, celui, par exemple, provenant d'un bruit considérable, elle ne l'est cependant que lorsque le préjudice excède les obligations ordinaires du voisinage et dépasse les bornes de la tolérance ré

(1) C. d'État, 1o déc. 1824 (Lez).—27 déc. 1826 (Graindorge).—Voir sur ce point, Trébuchet, Code des Établissements, p. 99 et suiv.; Taillandier, Traité des Établissements, p. 153, et Duvergier, ubi suprà.-Spécialement Dufour, t. 2, n. 624.

(2) Clérault, n.129; Serrigny, t. 2, n. 870; Sourdat, n. 1190.—Voir arrêt de Paris, 16 mars 1841 (Puzin); Rouen, 18 nov. 1842 (Gaudin); 6 déc. 1842 (Chalmé); Douai, 10 janv. 1843 (Duburcq), et C. cass., 3 mai 1827 Rigaud, Armand),

ciproque que se doivent les propriétés contiguës (1). C'est ainsi qu'elle a cassé un arrêt de Paris pour avoir condamné un fabricant à payer des dommages-intérêts, tant qu'il y aurait un préjudice quelconque, sans borner l'obligation de la réparation à la limite où devrait commencer la tolérance mutuelle.

101. Influence nécessaire du principe de la liberté industrielle. — Cette jurisprudence a peut-être le tort de ne pas donner une importance suffisante au rôle d'arbitre entre l'in-. dustrie et la propriété que l'administration exerce en autorisant les établissements classés ; toutefois elle laisse une grande latitude à l'appréciation des tribunaux. Le devoir de ceux-ci sera donc, en tenant compte de tout le respect dû à la propriété privée, de se pénétrer de l'esprit des décret et ordonnance de 1810 et 1815, qui ont eu pour objet de protéger, à tous les points de vue, le libre 'exercice de l'industrie contre une application abusive des règles du droit commun.

APPENDICE.

POUVOIRS DE L'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE ET JUDICIAIRE A L'égard DES ÉTABLISSEMENTS NON CLASSÉS EN GÉNÉRAL.

SOMMAIRE.

102. Les ateliers non classés sont soumis aux mesures de police et de sûreté. — 103. Jurisprudence. — 104. Action en dommages-intérêts devant les tribunaux civils. 105. Droit du juge d'ordonner toute

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mesure pour faire cesser le préjudice.

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102. Les ateliers non classés sont soumis aux mesures de police et de sûreté. En dehors des établissements classés ou susceptibles de l'être, il existe un grand nombre d'établissements étrangers à toute classification, et qui pourtant ne sauraient être entièrement soustraits à l'action de l'autorité chargée de la police et de la salubrité publique. Si les règlements de 1810, 1815 et 1852, ont eu pour but et pour effet de placer exclusivement les ateliers classés sous l'empire des autorités qu'ils spécifient, et de les soustraire à l'exercice du pouvoir municipal, celui-ci n'a été dessaisi par aucune disposition quelconque de ses attributions de police, en ce qui concerne les établissements non classés: il reste donc investi du droit de prendre les mesures nécessaires pour obvier aux inconvénients que peut présenter une exploitation industrielle non classée, sans pou

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(1) C. cass., 27 nov. 1844 (Derosne); 28 fév. 1848; 20 fév. 1849.

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voir d'ailleurs en interdire l'existence. Les arrêtés pris en ce sens par l'autorité municipale sont légaux et obligatoires, en vertu des art. 50, L. du 14 déc. 1789; 3, no 5, T. XI, L. des 16-24 août 1790; 46, T. I, L. des 19-22 juillet 1791, aux termes desquels les maires sont chargés de faire jouir les habitants d'une bonne police, et spécialement d'assurer la salubrité publique, de prévenir les épidémies, etc..., de prendre des arrêtés prescrivant des précautions locales sur ces objets. L'inobservation de ces arrêtés soumet le contrevenant à l'application de l'art. 471, no 15, du C. pén.

103. Jurisprudence. La Cour de cassation a formellement établi ce principe par un arrêt du 21 décembre 1848, qui a déclaré légal un arrêté du maire de Lons-le-Saulnier, ordonnant qu'un dépôt d'os (non classé), répandant une odeur putride et dangereuse pour la salubrité publique, serait transporté hors de la ville (1). Il résulte d'ailleurs de cet arrêt sainement entendu, ainsi que de plusieurs autres arrêts (2), que le pouvoir municipal, restreint aux établissements non classés, et presque sans action à l'égard des établissements classés (voir n° 81 ci-dessus), continue à s'exercer à l'égard des premiers dans sa plénitude.

104. Action en dommages-intérêts devant les tribunaux civils. Quant au droit des tiers d'obtenir la répa¬ ration du préjudice causé par l'exploitation d'une industrie non classée, il rentre sous l'application du droit commun, et n'est plus soumis à l'influence que peut exercer jusqu'à un certain point l'autorisation administrative, tant sur l'appréciation des dommages que sur les mesures à prendre pour les faire cesser, comme on l'a dit ci-dessus (no 98).

Seulement les tribunaux auront à concilier les droits et les intérêts respectifs de la propriété industrielle et de la propriété territoriale, et à tenir compte de la tolérance réciproque, qu'entraîne le voisinage. Tel est l'esprit de, l'arrêt de la Cour de cassation du 27 nov. 1844, qui, tout en admettant en principe l'indemnité pour le bruit causé par une industrie non classée, entend qu'elle ne soit allouée que si le bruit présente un caractère suffisant d'intensité.

105. Droit du juge d'ordonner toute mesuré pour faire cesser le préjudice. Le juge saisi de la demande en dommages-intérêts contre celui qui exploite une industrie non

(1) Voir en ce sens Dufour, t. 2, n. 600.—Contrà, Avisse, t. 1, p. 223. (2) C. cass., 1er mars 1842; 25 nov. 1843 (Mourret).

classée pourra non-seulement allouer une indemnité pécuniaire, mais prescrire les travaux et mesures de toute nature, nécessaires pour prévenir le préjudice dans l'avenir, et au besoin même interdire l'exploitation, tandis qu'à l'égard des établissements classés, il ne peut, sans empiéter sur les droits de l'administration, aller au delà d'une condamnation à des dommages-intérêts purement pécuniaires (voir n° 97).

CHAPITRE IV.

État général des Ateliers et Établissements

classés.

106. ABATTOIRS publics et communs à ériger dans toute commune, quelle que soit sa population. Les animaux peuvent s'échapper. Mauvaise odeur.- 1re classe.15 octobre 1810; 14 janvier 1815; 15 avril 1838.1

ABSINTHE (distillerie d'extrait ou esprit d'). — Danger d'incendie.—2o cl.— 9 février

1825.

ACÉTATE DE PLOMB, Sel de Saturne (fabricat. de l'). - Quelques inconvénients, mais seulement pour la santé des ouvriers. ACIDE ACÉTIQUE (fabricat. d').

3 cl.

14 janv. 1815.

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- Peu d'inconvénients. 3e cl. 5 novembre 1826. ACIDE MURIATIQUE (fabricat. de l') à vases clos. — Odeur désagréable et incommode quand les appareils perdent, ce qui a lieu de temps à autre.

1815.

2e cl. 14 janv.

ACIDE MURIATIQUE OXYGÉNÉ (fabricat. de l'). Voir Chlore. ACIDE NITRIQUE, Eau forte (fabricat. de l'). — Ne se fabrique plus d'après l'ancien procédé (Voir l'art. ci-après). - 1re cl. -15 octobre 1810.

ACIDE NITRIQUE, Eau forte (fabricat. de l') par la décomposition du salpêtre au moyen de l'acide sulfurique dans l'appareil de Wolf.— Odeur désagréable et incommode quand les appareils perdent, ce qui a lieu de temps à autre.-2o cl.-9 février 1825. ACIDE PYROLIGNEUX (fabrique d'), lorsque les gaz se répandent dans l'air sans être brûlés. Beaucoup de fumée et odeur empyreumatique très-désagréable. - 1er cl. 14 janv. 1815.

ACIDE PYROLIGNEUX (fabriques d'), lorsque les gaz sont brûlés. Un peu de fumée et d'odeur empyreumatique. - 2e cl. 14 janv. 1815.

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ACIDE PYROLIGNEUX (toutes les combinaisons de l') avec le fer, le plomb ou la soude. Émanations désagréables qui ont constamment lieu pendant la concentration de cés produits. 2o cl. 31 mai 1833.

ACIDE SULFURIQUE (fabricat. de l'). — Odeur désagréable, insalubre et nuisible à la végétation. 1re cl. 15 octobre 1810.

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ACIDE TARTAREUX (fabricat. de l'). — Un peu de mauvaise odeur.

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ACIER (fabriques d'). — Fumée et danger du feu.-- 2e cl. -14 janv. 1815. AFFINAGE DE L'OR ou de l'argent par l'acide sulfurique, quand les gaz dégagés pendant cette opération sont versés dans l'atmosphère.- Dégagement de gaz nuisibles. 1re cl.9 fév. 1825.

AFFINAGE DE L'OR ou de l'argent par l'acide sulfurique, quand les gaz dégagés pendant cette opération sont condensés.-- Très-peu d'inconvénients quand les appareils sont bien montés et fonctionnent bien. 2° cl.9 fév. 1825.

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