Images de page
PDF
ePub

Le Dieu porte au respect, et n'a rien qui n'enchante; Rien en grace, en douceur, en vive majesté,

Qui ne présente à l'œil une divinité;

Elle est toute en ses traits si brillants de noblesse :
La grandeur y paroît, l'équité, la sagesse,

La bonté, la puissance; enfin ces traits font voir
Ce que l'esprit de l'homme a peine à concevoir.
Poursuis, ô grand Colbert, à vouloir dans la France
Des arts que tu régis établir l'excellence,

Et donne à ce projet, et si grand et si beau,
Tous les riches moments d'un si docte pinceau.
Attache à des travaux, dont l'éclat te renomme,
Les restes précieux des jours de ce grand homme.
Tels hommes rarement se peuvent présenter,
Et, quand le ciel les donne, il faut en profiter.
De ces mains, dont les temps ne sont guère prodigues,
Tu dois à l'univers les savantes fatigues;

C'est à ton ministère à les aller saisir

Pour les mettre aux emplois que tu peux leur choisir;
Et, pour ta propre gloire, il ne faut point attendre
Qu'elles viennent t'offrir ce que ton choix doit prendre.
Les grands hommes, Colbert, sont mauvais courtisans,
Peu faits à s'acquitter des devoirs complaisants;
A leurs réflexions tout entiers ils se donnent;
Et ce n'est que par là qu'ils se perfectionnent.
L'étude et la visite ont leurs talents à part.
Qui se donne à la cour se dérobe à son art.
Un esprit partagé rarement s'y consomme,
Et les emplois de feu demandent tout un homme.
Ils ne sauroient quitter les soins de leur métier
Pour aller chaque jour fatiguer ton portier;
Ni partout, près de toi, par d'assidus hommages
Mendier des prôneurs les éclatants suffrages.

Cet amour du travail, qui toujours règne en eux,
Rend à tous autres soins leur esprit paresseux;
Et tu dois consentir à cette négligence

Qui de leurs beaux talents te nourrit l'excellence.
Souffre que, dans leur art s'avançant chaque jour,
Par leurs ouvrages seuls ils te fassent leur cour'.
Leur mérite à tes yeux y peut assez paroître ;
Consultes-en ton goût, il s'y connoît en maître,
Et te dira toujours, pour l'honneur de ton choix,
Sur qui tu dois verser l'éclat des grands emplois.
C'est ainsi que des arts la renaissante gloire
De tes illustres soins ornera la mémoire;

Et que ton nom, porté dans cent travaux pompeux,
Passera triomphant à nos derniers neveux.

'Molière s'entendoit mieux à peindre le moral de l'homme, qu'à décrire les parties et les procédés de l'art qui a pour objet d'en représenter les formes extérieures. Ces vers sur l'humeur indépendante, et même un peu sauvage, de l'homme de génie, sont énergiques et fiers; ils ont la couleur du sujet ; ils honorent celui qui les a faits, comme celui qui les a inspirés. Mignard y est peint avec fidélité; et Molière lui rendoit un service d'ami en présentant sous le jour le plus avantageux des singularités de caractère et de conduite dont on s'étoit servi probablement pour lui nuire dans l'esprit de Colbert. (A.)

FIN.

SUPPLÉMENT

A L'HISTOIRE

DE LA TROUPE DE MOLIÈRE.

La Comédie françoise possédoit autrefois dans ses archives un registre tenu par La Grange, l'un des comédiens de la troupe de Molière. Ce registre, commencé le 20 octobre 1658 (époque des débuts de Molière à Paris), se terminoit le 1er septembre 1785, et comprenoit l'histoire de l'administration du théâtre, et tous les faits relatifs aux droits d'auteurs, aux acquisitions d'ouvrages dramatiques, aux frais de représentations, aux recettes, aux parts des acteurs, etc., etc. La note que nous publions, extraite autrefois de ce registre, est d'autant plus précieuse que le registre s'est égaré, et que probablement il n'existe plus. Nous devons cette note à l'obligeance de M. Labitte, qui l'a tirée des archives mêmes de la Comédie françoise.

Elle commence ainsi :

« Les frais ordinaires du théâtre de Molière montoient à Pâques, 1660, par jour, à 42 livres 19 sols.

On a donné à Molière pour les Précieuses ridicules, en décembre 1659 et janvier 1660, en plusieurs à-comptes :

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]
[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

1660. Pour M. Gilbert, auteur de la Vraie et Fausse

[merged small][ocr errors]

1661. A Molière, pour Don Garcie, 38 louis 1.

[merged small][merged small][ocr errors][ocr errors]

550 liv.

[blocks in formation]
[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

L'an 1662, la troupe étoit composée de 13
parts.

Sur 1,500 liv. dont le Roi fit don à la troupe
pour une représentation des Fâcheux, le
14 mai, on donna à M. de Molière une part
comme auteur, outre sa part comme ac-
teur; les 1,500 liv. furent partagées en 14
parts, ce qui produisit par part. .

Le louis valoit alors 11 livres.

114 liv.

« PrécédentContinuer »