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culièrement le jugement de l'Allemagne. Non-seulement le congrès des savants catholiques allemands, réunis à Munich, a signalé ce livre comme n'appartenant pas à la science; non-seulement tous les savants allemands, qui tiennent à ce qu'on appelle l'orthodoxie protestante, ont porté le même jugement; mais il se trouve que les écoles rationalistes l'ont jugé de la même manière.

L'école rationaliste de Goettingue, à la-. quelle M. Renan semblait appartenir un peu, parle de même, et par la bouche de M. Ewald, porte un jugement très-important et trèsbien motivé, que nous ferons connaître amplement ci-dessous.

L'école rationaliste de Tubingue, héritière de Strauss et de Bauer, et à laquelle M. Renan semblait encore appartenir un peu, parle aussi de la Vie de Jésus dans la Gazette d'Augsbourg. J'ai le texte allemand sous les yeux. Voici les conclusions d'un assez long travail de M. Keim, qui a été très-remarqué: « C'est un roman... ce sont >> de nouveaux Mystères de Paris, écrits avec » rapidité pour amuser, sur un terrain sacré,

» un public de profanes... Sur toutes les >> questions graves le livre est nul scientifi>> quement.

» Au lieu de se jouer de cette grande his» toire de Jésus que tous les siècles com>> templent avec recueillement, au lieu de >> flatter les esprits blasés, de contrister les >> croyants, et d'outrager la science, je parle de » la science libre, que M. Renan se remette >> au travail avec conscience et recueillement, >> qu'il n'essaye plus d'écrire en six mois, » dans une hutte de Maronites, et entouré >> de cinq ou six volumes, l'histoire des temps >> apostoliques annoncée dans son introduc>>tion alors il pourra obtenir son pardon » des amis de l'histoire véritable, qui, >> aujourd'hui, rient de son singulier triom» phe'. »

Je trouve aussi dans un recueil français, pleinement dévoué à M. Renan, une défense de son livre qui me paraît aveugle en sa faveur; cependant l'auteur reconnaît que la manière dont M. Renan a employé les

1 Gazette d'Augsbourg des 15, 16 et 17 sep

tembre 4863.

sources « n'a pas peu contribué à répandre » sur l'ouvrage entier une certaine apparence » d'arbitraire, comme si l'auteur, sans pitié ni » souci des textes, s'était complu à les ajuster » au gré de sa fantaisie pour en faire un Jésus » de convention... Je serais de ceux, ajoute » le critique, qui eussent désiré, en bien >> des endroits, une méthode plus sévère » d'interprétation. »

:

Mais que dire de ceci? M. Renan, dans son introduction, prend à témoin de ce qu'il va dire, quelques auteurs, parmi lesquels M. Colani, un écrivain rationalisté et protestant. Or voici que M. Colani vient d'écrire ce qui suit sur le livre de M. Renan. « On » le voit à l'aide de combinaisons étranges, » ou plutôt de décisions on ne peut plus arbi» traires, M. Renan s'est tracé un cadre de » la vie de Jésus qui n'est ni celui des >> synoptiques, ni celui de saint Jean, mais >> qui se compose de quelques éléments arra>> chés violemment à celui-ci, et puis com» plétement transformés... Tout ce cadre, » je le répète, est de pure invention quant aux >> faits et même quant aux dates. Mais ce qui

>>

» est beaucoup plus grave, c'est le procédé inouï d'après lequel M. Renan, brisant en >> mille pièces les récits et les discours des Évangiles, en distribue les fragments >> comme bon lui semble..... Ici toute discus>>sion est inutile... Il doit suffire de protes>> ter énergiquement contre ces perpétuels » coups d'État, et de protester, non pas au » nom d'un préjugé religieux, mais au nom » de la science, au nom de la critique, aut » nom de l'histoire1. >>

1 Revue de théologie protestante de Strasbourg, . 5e livraison, p. 400 et 401. J'emprunte cette citation à l'excellente brochure de M. l'abbé Freppel, intitulée: Une édition populaire de la Vie de Jésus.

23

-CHAPITRE II.

LES FAUX FRÈRES DE JÉSUS.

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I.

Un critique, qui croit en Dieu et qui n'est point sophiste, ce me semble, mais que je vois avec douleur fréquenter le groupe des sophistes, reproche aux nôtres de mal combattre M. Renan, et prétend que la vraie manière de le combattre serait de lui demander: « Quelles sont vos sources? Quel usage >>> en faites-vous? » C'est pourtant là ce qu'ont fait tous les nôtres, et c'est ce que j'ai fait moi-même, comme on vient de le voir.

Je continue, et ce qui suit est le dixième exemple que j'ai promis comme première énumération des erreurs.

Il s'agit des frères de Jésus.

Nous allons discuter ce point avec soin et

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