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avec étendue. Que le lecteur ne regrette pas sa peine ce sera une étude féconde. Outre l'importante question historique et religieuse dont il s'agit, ceci va devenir pour mes lecteurs, s'ils le veulent bien, un exemple et un exercice de critique. C'est l'analyse d'un état mental qu'il est nécessaire de connaître. On va voir comment la critique qui a pour essence la négation du surnaturel se comporte en présence de celle qui a pour essence l'attention.

:

La question est celle-ci Jésus-Christ a-t-il eu des frères et des sœurs?

M. Renan cite sur ce point les textes connus, tous ceux qu'il faut citer, sauf un seul, qu'il croit avoir quelque raison d'omettre. Et il admet, comme nous, ce qu'on est bien forcé d'admettre, que, dans le texte si connu : <«< Celui-ci n'est-il pas le fils de >> l'ouvrier? Et sa mère n'est-elle pas Marie? » Et ses frères ne sont-ils pas Jacques et >> Joseph, Simon et Jude? » M. Renan admet que ces quatre noms sont les noms des cousins germains de Jésus. Pourquoi est-on forcé d'admettre cela? Parce que plusieurs

textes, que cite d'ailleurs M. Renan, parlent de Marie, sœur de la sainte Vierge, femme de Cléophas, comme étant mère de Jacques, de Joseph et de Jude. Voici ces textes : La sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas (Jean, xix, 23), Marie, mère de Jacques et de Joseph (Matth., xxvii, 56.) A quoi l'on peut joindre celui-ci, tiré des Épîtres : Jude, serviteur de Jésus-Christ, frère de Jacques (Ép. de saint Jude). Les textes du Nouveau Testament nous donnent donc explicitement Jacques, Joseph et Jude (Simon, le quatrième, s'ensuit nécessairement ) comme étant les fils de Marie, sœur de la sainte Vierge, et femme de Cléophas. Ce sont donc les cousins germains de Jésus. D'un autre côté, l'on accorde que les cousins germains du Seigneur sont toujours appelés ses frères, selon l'usage hébreu.

Le mot frère en hébreu, en grec et en latin, signifie d'abord frère proprement dit, puis cousin germain, puis parent. C'est ce que F'on peut voir même dans les dictionnaires élémentaires, hébreux, grecs et latins. Ceci n'est nié de personne,

Voilà, ce semble, la question des frères du Seigneur pleinement résolue, puisqu'il est démontré, visible dans les textes, admis des deux côtés, que les quatre personnes appelées, selon l'usage hébreu, frères du Seigneur, sont ses cousins germains, les fils de Cléophas et de Marie, sœur de la sainte Vierge.

Mais voici que, malgré cela, M. Renan affirme que Jésus avait, outre ces quatre cousins germains, des frères et sœurs nés soit de Joseph et de Marie, soit de Joseph et d'une autre femme.

Sur quoi repose cette assertion? Où sont les textes? Où sont les preuves?

L'auteur n'apporte à ce sujet ni preuve, ni texte, ni raison. C'est une pure décision de sa volonté libre.

Où trouvez-vous, en effet, dans tout le Nouveau Testament et dans toute l'histoire ecclésiastique, une trace quelconque des frères naturels de Jésus? Vous n'en pouvez citer la moindre. Vous dites: « Les vrais » frères de Jésus n'eurent d'importance, ainsi » que leur mère, qu'après sa mort. >> Com

ment, s'ils prirent alors de l'importance, n'y a-t-il aucune trace de leurs noms ni de leurs gestes dans les Actes des Apôtres? Vous allez jusqu'à dire — je ne puis comprendre pourquoi - que l'expression de « frères du Seigneur constitue évidemment, dans l'É» glise primitive, une espèce d'ordre paral» lèle à celui des Apôtres. » Comment alors pourrait-il n'exister, ni dans les Actes des Apôtres ni ailleurs, aucune trace de la distinction des vrais frères et des autres, aucune trace des noms ou des gestes de ces frères naturels qui, selon vous, ont pris de l'importance, et ont évidemment constitué, dans l'Église primitive, une espèce d'ordre parallèle à celui des Apôtres? De bonne foi, cela est-il possible?

Mais voici, en tout cas, ce qui est certainement impossible. C'est que la tradition entière de l'Église chrétienne et tous les monuments anciens affirment que Marie, toujours Vierge, n'eut qu'un fils unique, JésusChrist. Cela, dis-je, eût été manifestement impossible, si Jésus avait eu des frères, fils de Marie, qui, à sa mort, eussent pris de

l'importance et formé dans l'Église une espèce d'ordre parallèle à celui des Apôtres. Il est absolument certain que ces frères-là seraient connus. Il est absolument certain que toute la tradition chrétienne n'eût pas pu affirmer que Jésus était fils unique de Marie.

Sachez-le bien, la tradition que vous traitez ici comme si elle n'était pas, la tradition est de toutes les preuves la plus forte. Elle est plus forte que vos raisons et que les nôtres, et que tous les textes écrits.

Votre ignorance des lois de la réalité peut seule vous donner la puérile audace d'affirmer seul contre la tradition, seul sans les textes et malgré les textes.

La tradition, beaucoup mieux que les textes écrits, est la résultante naturelle de l'ensemble des données réelles de l'histoire. Sauf accident, elle suit, comme l'eau, la ligne de plus grande pente des faits. De là la force considérable du quod ubique, quod semper. La tradition, ce n'est pas tel ou tel témoin, c'est l'immensité historique. Et que sera-ce s'il s'agit de la tradition chrétienne,

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