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au Salon, ne vous femble t-il pas; Monfieur, qu'il s'eft encore furpaffé! Son Tableau repréfentant Un lever du Soleil dans un brouillard, eft d'une vérité furprenante , par la vapeur aurienne qu'on y remarque. Les autres productions de M. Vernet offrent toutes la même vérité dans le coloris, dans l'effet, dans les différens afpects où cet Artifte a faifi la Nature. Je ne fçaurois vous exprimer, Monfieur, la fatisfaction que fait éprouver cette intéreffante fuite de divers fujets. Un temps calme, un fite agréable & riant, fuccède à une tempête, à un naufráge, à une fcène d'horreur; & l'on ne peut fe défendre de partager la fituation, les plaifirs ou les dangers des perfonnages, dont l'ingénieux Artiste a enrichi fes Tableaux, avec une fécondité qui prouve que le génie n'a point d'âge.

Le dévouement heroïque du Due de Brunswick, étoit un des plus beaux. fujets qui puffent s'offrir à la Peinture & à la Potfie! Par quelle fatalité, Monfieur, a-t-il été auffi mal rendu l'Académie Françoife qu'à celle de

Peinture? Dans le Tableau que M.. Wille le fils a expofé au Salon, on s'apperçoit qu'il n'a point été pénétré de cet enthoufiafme, de ce feu divin qui doit animer le Peintre comme le Poëte. J'obferverai d'abord que le moment eft mal choifi; on ne fçait fi le Prince perd l'équilibre en tombant, ou file Matelot le renverse parce que la main de celui-ci ne paroît pas retenir le Prince de Brunswick, J'aurois préféré, ce me femble, l'inf tant où Léopold, précipité dans l'Oder,. lutte contre la mort, avant d'être enfeveli dans les flots; tandis que le: Matelot & le Soldat qui l'accompagnoient, regrettent de ne pouvoir lui donner du fecours.

Le Tableau de M. Wille eft peint: avec beaucoup de vérité, relativement à l'effet & au ton de couleur ;; mais les Artistes, ainfi que les Poëtes, ne devroient jamais oublier ce pré-•cepte d'Horace :

..... Si vis me flere, dolendum eft primum ipfi tibi.

On remarque plus d'imagination &

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de poefie dans les compofitions de M. Julien. L'Etude qui répand des fleurs fur le Temps, eft une idée charmante; ce petit Tableau eft d'un deffin correct & d'un ton de couleur digne de la Foffe. Parmi les efquiffes du même Artifte, vous applaudirez auffi, Monfieur, à une penfée très- ingénieufe; c'eft l'Amour répendant des: fleurs fur le globe du Monde, qu'il anime par fon flambeau; elle eft tou chée avec beaucoup d'efprit.

Les Tableaux de M. Robert font toujours intéreffans; compofition pl-quante, effet pittorefque, quelquefois plus impofant que vrai: mais fa touche fière & facile, femble faire difparoître ce défaut. Les Vues de M. Machi font rendues avec plus de vérité; mais fa touche n'eft pas auffi légère, ni l'effet auffi féduifant..

Vous remarquerez, Monfieur, avec beaucoup plus de fatisfaction, les. Gouaches de M. le Chevalier dee Epinaffe. La Vue intérieure de Paris, eft un chef-d'œuvre dans ce genre.. Prife d'un belvédère très élevé de la rue des Boulangers, près St. Victor,

elle embraffe une immenfe étendue; on apperçoit tous les Edifices de la Capitale, depuis Bercy jufqu'aux Champs-Elifées; on diftingue auffi dans l'éloignement, Vincennes, Romainville, Menil-montant, St. Denis, Montmartre, &c.

Les autres Vues de Paris, par le même Auteur, font faites avec autant d'efprit, de goût; & toutes ont un effet piquant & très agréable.

Comme le genre de l'Histoire paroît fe régénerer en France, que celui du Portrait fuit la même marche, nous re tarderons pas à voir nos Payfagiftes arriver au même dégré de perfection. MM. Hus, Cefar Vanloo, Valencienne Tonnay, dont les Figures font touchées avec beaucoup d'efprit, tous ont plus ou moins de droits à nos éloges. Il n'y a pas jusqu'à M. Nivārdi, qui ne mérite quelques applaudiffemens, dans certaines parties de fes Tableaux; mais il devroit fe tenir en garde contre la féchereffe & les détails minutieux. M. Valencienne eft celui qui me paroît le plus vrai, le plus harmonieux, le plus fidèle imitateur de la Nature.

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Si vous trouviez, Monfieur, dans la Galerie d'un Amateur, les charmans Tableaux de M. Bilcoq, vous pourriez croire qu'ils font d'un des: meilleurs Maîtres de l'Ecole Flamande par le fini précieux, la touche légère & le ton de couleur qu'on y remarque ; mais gardez-vous d'appliquer ce que je viens de dire, à l'Inftruction Villag oife! Je fuis fâché qu'un ami de l'Artifte ne lui ait pas. confeillé de garder ce Tableau dans: fon Cabinet, ou plutôt, d'en faire un facrifice au Dieu du Goût..

Il paroît que MM. de Marne & Huet, ne fe donnent guère la peine d'étudier Berghem, Sneïdre, Oudri, & encore moins la Nature. M. de Marne, en s'efforçant de colorer fes Tableaux, les fait reffembler à de la marqueterie; & M. Huet, au contraire, ne produit que des camayeux. J'eftime cependant mieux les ouvrages du premier; on y reconnoît mieux la forme & le caractère des animaux qu'il a voulu peindre.

Dans les Tableaux où Mme. Vallayer Lofter a représenté ce que les Artiftes

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