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fames leurs offres obligeantes, & nous nous féparames». C'eft dans ce pays que Cervantes a établi les Scènes de fon Dom-Quichotte.

Nous ne dirons rien de Tolède, dont notre Voyageur parle fort peu, & nous arriverons à Madrid, dont il ne dit prefque rien. Il paffe tout de fuite à Aranjues, où étoit la Cour. Qui a vu une Maison royale, les a prefque toutes vues; c'eft un peu plus ou un peu moins de magnifi cence; c'eft la même vie & le même ennui. Le moment de la préfentation eft celui où le Roi fort de table. Charles III. eft beaucoup mieux de figure que fes Portraits ne le repréfentent. Il a le regard plein de bonté & de gaieté. Il varie peu fon habil. lement il porte habituellement un grand chapeau, un frac gris uni, de drap de Ségovie, une veste de buffe, une petite dague, des culottes noires & des bas de laine. Il a toujours les poches pleines de couteaux, de gants & de tout ce qui fert à la chaffe. Dans les jours de Gala, on lui paffe un

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habit magnifique ; mais comme il n'en a pas moins le projet de chaffer l'après-dînée, & qu'il eft fort économe de fon temps, il porte toujours fes culottes noires avec toute forte d'habits.

Ce Roi eft de la plus ftricte probité, incapable d'adopter aucun projet, à moins qu'il n'ait la perfuafion intime qu'il eft jufte & honnête. Il eft févère dans fa morale, & fortement attaché à fa Religion; mais elle ne l'empêche pas de s'oppofer vivement aux entreprises de la Cour de Rome & aux ufurpations de fon Clergé. La régularité de fa vie le rend très - rigide fur celle de fes enfans; il les force de paffer autant de temps, foit à la chasse, foit à la pêche, qu'il en passe lui-même. Il les oblige à cela, parce qu'il penfe que le défœuvrement mène aux égaremens. Il adreffe rarement la parole anx jeunes gens de fa Cour; mais il prend un grand plaifir à caufer & à plaifanter avec les perfonnes qui font à-peu-près de fon âge. Les Arts & les Sciences ont eu un protecteur

magnifique dans Charles III: il a d'autant plus de mérite à leur accorder cette protection, qu'il n'a pas naturellement de prédilection pour les Beaux-Arts; mais il les encourage, parce qu'il croit qu'il eft du devoir d'un Roi de les chérir & de les faire fleurir dans fon Royaume.

Le Prince des Afturies eft taillé en athlète, & en a toute la force. Son maintien eft févère, & fa voix rude. La Princeffe fon époufe, a une fanté bien délicate; mais elle eft pleine de feu & de gaieté. Sa douceur & fon excellent naturel ont beaucoup adouci le caractère de fon mari ; & ce Prince paroît prendre plus de plaifir à paffer avec elle des momens tranquilles dans l'intérieur de fa famille, qu'à parcourir les bruyères, pour faire la guerre au gioier.

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Dom Gabriel eft grand & d'une agréable tournure mais timide. L'Auteur de ce Voyage a vu plufieurs Tableaux faits par ce Prince, avec de la bourre de drap ; & il a beaucoup entendu parler de la connoiffance qu'il

avoit des Auteurs claffiques, ainfi que de fes difpofitions pour les ma thématiques.

Les Fêtes ou combats de Taureaux, ne font plus ce qu'ils étoient autre fois. It n'affifte jamais perfonne de la Famille Royale à ces amusemens favoris de la nation Espagnole. Les Nobles ne fe piquent plus de montrer leur courage, leur force ou leur dex-. térité dans ces exercices fatiguans & dangereux; & les Belles ont confenti à donner leur cœur & leur perfonne, à des Amans qui ont fait connoître leurs proueffes dans des combats plus doux. Ce fpectacle d'ailleurs, est conduit avec beaucoup d'économie, & même d'avarice; on n'achète pour cet exercice, que les plus mauvais chevaux. Les Gladiateurs mercenaires ne fe donnent plus la peine d'être adroits; ils recherchent feulement le moyen le plus sûr pour détruire les animaux, parce qu'on leur paye tant par chaque taureau qu'ils tuent. L'argent que l'on donne pour les loges & les fiéges, eft employé à construire

ou à doter quelque Hôpital. Le coup d'œil de l'amphithéâtre, rempli de fpectateurs de tous rangs, eft trèsbeau. Ils font très- bruyans & trèsimpatiens, jufqu'au moment où le fpectacle commence; & tout le temps qu'il dure, ils font dans une fi violente commotion, que celui qui y aflifte pour la première fois, eft dans des alarmes continuelles. Chez les anciens Romains, les Sénateurs avoient coutume d'être placés près du Podium; mais ici, au contraire, la Nobleffe eft placée dans des galeries & des loges de bois. Le peuple eft fur des bancs plus bas, près de l'arene. Il y a une rangée de foldats placée derrière le mur circulaire qui fert de parapet ou de paliffade; ils tiennent dans leurs mains des hallebardes & des bayonnettes, pour empêcher les animaux d'entrer dans l'amphithéâtre. Mais il arrive quelquefois qu'un taureau, lorfqu'il eft furieux, prend fa courfe, & faute fur les bancs parmi la foule. La confufion alors devient trèsgrande cependant, comme le tau

reau

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