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renaît donc ce jour, malheureuses

contrées,

Qui vit fur vos côteaux les ondes conjurées Déployer leur fureur (2).

L'Oder en mugiffant élancé de sa source, De fes flots débordés précipite la course; Francfort, il va bientôt affaillir tes rem

parts.

D'un conquérant, fuivi de nombreufes

cohortes,

Avec moins de péril tu verrois à tes portes Flotter les étendarts.

Les monceaux de frimats fondus fur les

montagnes,

Torrens impétueux ravagent les campagnes; L'œil en vain dans la plaine a cherché les hameaux :

Les champs ont disparu; tout n'est qu'un vafte abîme;

Et le chêne orgueilleux, au niveau de fa

cime,

Voit bouillonner les eaux.

(2) En 1736.

LEOPOLD qui toujours veille fur la

patrie,

Aux affauts redoublés de l'Oder en furie D'une digue nouvelle oppofe les remparts; Mais la glace à grand bruit roulant amoncelée,

L'onde s'enfle, s'irrite & la digue ébranléé Croule de toutes parts.

O cris, ô défefpoir! Le fleuve plein de rage A travers la cité s'ouvre un large paffage, Voyez de tous côtés ces mortels éperdus ; Les uns au haut des monts vont chercher un refuge,

Les autres fur les toîts, au milieu du déluge,

Sont restés fufpendus.

Ce fpectacle, BRUNSWICK, déchire tes entrailles;

Le flot preffant le flot renverfe les murailles,

Quel espoir de falut pour tant de mal

heureux ?

Mais que dis-je ! jamais l'humanité fouffrante Fit-elle vainement parler fa voix touchante A ton cœur généreux ?

D'un courage 'héroïque affrontant la tempête,

BRUNSWICK veut s'élancer.... ArrêteTM,

Prince, arrête !

Ta vie eft-elle à toi ? Les décrets éternels Qui de tant de vertus enrichirent ton ame, De tes jours précieux ont deftiné la trame

Au bonheur des mortels.

Du Sénat fuppliant la voix eft impuiffante, De la patrie en pleurs la vue attendriffante, Les foldats, de BRUNSWICK embraffant

les genoux,

Rien ne peut retenir le Prince magnanime; Ne fuis-je pas ( dit-il dans un transport su-blime)

Un homme comme vous ?

Il va fur un efquif défiant les abîmes, A la mort menaçante arracher ses victimes. Viens déployer, grand Dieu, la force de ton bras;

C'est à toi d'enchaîner les torrens indomp

tables,

Lorfque le Fils des Rois, pour fauver les femblables,

Brave mille trépas.

Les cœurs faifis de crainte ont fuivi la

nacelle;

La mort dans chaque flot frémisfant autour d'elle,

Des hardis nautonniers brise le vain effort; Avec fracas tombant fur la nef inconftante, Un énorme glaçon... fous fa maffe accablante....

O BRUNSWICK !. ô Francfort!

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En longs gémiffemens traînant fa voix plaintive,

L'impuiffant défespoir s'agite fur la rive. BRUNSWICK foulève à peine un front appefanti,

Il tourne vers Francfort fa paupière expirante,

Et dans le tourbillon d'une vague écu

mante

Difparoit englouti.

Ta rage eft affouvie, élément parricide, Rends-nous ce corps auguste où de sa main livide

Le fommeil éternel vient d'imprimer l'horj

reur:

Permets-nous de baigner d'un déluge de

larmes

Ce front qui des humains diffipant les

alarmes,

Fut l'aftre du bonheur.

LEOPOLD, je revois ta dépouille mor◄

telle !

Viens pleurer fur ton père, ô Légion fi

delle,

Renverse tes drapeaux qui fe.couvrent de

deuil;

Que ces armes naguère à sa voix triom phantes,

Vers la terre aujourd'hui lugubrement pen chantes

Entourent fon cercueil.

Viens pleurer fur ton père, objet de fa tendreffe,

Espoir de la patrie, orpheline jeunesse; BRUNSWICK n'eft plus! & toi, tu vis de fes bienfaits!

Hélas! dans votre asyle o fa bonté respire

Enfans, triftes enfans, il n'ira plus fourize Aux heureux qu'il a faits.

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