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Notre Amateur auroit tort de n'en pas avoir un peu : il mérite fur-tout, le témoignage qu'il fe rend à luimême à la fin de fa Préface

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« J'ai conftamment refpecté les » mœurs dans mes écrits; mais je n'ai » garde de m'en faire un mérite. Il » n'y en a pas plus, à mes yeux, à » ne pas être indécent, qu'à être » honnête homme. L'un & l'autre ne » coûte qu'à des ames corrompues ou » difpofées à l'être. Celles-là peuvent » me juger comme elles voudront; » me reprocher le peu de gaieté, le » pédantifme. Je ne redoute point les » traits que me lanceroit la main de, » ceux qui veulent ire à tout prix. Que d'autres les amufent davantage, » je n'en ferai nullement jaloux »,

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Je fuis bien loin, Monfieur, de youloir rire aux dépens de l'auteur de ces Comédies; mais fans l'accufer de pédantifme, on pourroit en effet lui fouhaiter un peu plus de gaieté ; car enfin, ce font des Comédies qu'il donne au public; & des Comédies doivent être gaies, L'auteur l'a bien

fenti lui-même: & l'on voit qu'il a l'intention d'être gai, témoin le but de fa première Comédie, qui perd gagne

Me voici donc ay gîte au diable la monture,

Qui m'a rendu porteur d'une telle écorchure.

Ah! le maudit métier encore un demi

jour,

Ma foi, je plantois-là món maître & fon

amour.

Malheureufement ce n'eft pas là de la bonne plaifanterie, & c'eft affez le ton de cette petite Pièce, dont le fond, d'ailleurs, eft peu intéreflant. Valere, aime Sophie; mais fon tuteur a intenté, à fon inscu, un Procès au pere de fa maîtreffe. La tante indignée, pro pofe un autre amant riche, mais imbécille un nouveau Fadel. Tout s'éclaircit, & comme de raifon Valere épouse Sophie.

Le Curieux, eft un titre équivoque, qui pourroit fignifier un homme avide des fecrets d'autrui; mais il veut dire

ici un Antiquaire, l'un des trois originaux des Tuteurs de M. Paliffot: c'eft un Tuteur auffi qui veut épouler fa pupille, & qui eft bien plus amoureux de fes médailles & de fes vases, &c. il finit par donner få pupille pour un magot de la Chine; & ce magot n'eft autre que Crispin, Valet de Clitandre, amant de la pupille.

J'ai gliffé légèrement fur ces deux bagatelies, qui ne fuffiroient pas même pour juftifier le titre modefte d'amateur. Mais dans la pièce fuivante, le Bienfait rendu ou le Négociant, Comédie en cinq actes & en vers, notre amateur eft un Auteur véritable. C'eft auffi la feule de ces Comédies qui ait été réprésentée : elle le fut d'abord en 1763, avec affez de fuccès: elle a été reprife en 1783 & 1785, avec plus de fuccès encore. Le fujet eft intéreffant. Le Héros de la Pièce eft un riche Négociant de Bordeaux, qui a rendu des fervices effentiels au Comte de Bruyancourt, & lui a prêté jufqu'à cent mille écus. Le Comte ne fçachant comment s'acquitter envers lui, lui a offert fa fille pour fon neveu

Orgon, c'eft le nom du Négo ciant, a accepté cette offre avec empreffement; il envoye fon neveu à Paris pour rappeller au Comte fa promeffe. Le jeune Verville arrive, & trouve des perfonnages fiers & arrogants. La Comteffe, le Chevalier fon fils, font peu d'humeur à le méfallier à ce point; ils ignorent, d'ailleurs, lés grandes obligations qu'ils ont à fon oncle. Enfin, un mois fe paffe, & il n'a pu encore obtenir un moment d'au dience Orgon arrive avant que Verville ait vu la Comteffe; mais tout va changer de face. Orgon n'eft pas d'humeur à endurer des mépris, & prétend bien fommer hautement le Comte de tenir fa parole. Son neveu le feconde foiblement; il fe foucie fort peu de s'élever fi haut, encore moins de s'allier à une famille qui le dédaigne. Vous dirai je tout, Monfieur? Il a vu dans l'hôtel une certaine Julie jeune perfonne de qualité, mais pauvre amie d'Angelique, & qui vit auprès d'elle: fon père, vieil Officier plein d'honneur, Lifimon, fe trouve être précisément l'honnête inconnu

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qui a trouvé le porte-feuille de Verville, & qui l'a rendu bien fidè lement. Cela a un faux-air du Licandre & de la Lifette du Glorieux. Cependant Orgon infifte; le Comte déclare àfa femme & à fon fils que, fans Orgon, il étoit ruiné; que fi Verville n'épouse Angelique, il faudra s'aller réleguer au fond d'une Province : cette alternative eft affreufe. Le Comteffe fe décide, & fait mille careffes au Négociant & à fon neveu; mais Angelique eft toujours froide Julie, toujours modefte ; & intéreffante, & Verville l'aime tout de bon.. Il imagine de faire préter cent mille écus au Comte par un tiers, pour rembourfer fon oncle: on découvre la rufe, Orgon fe rend aux vœux de fon neveu, & demande pour fui la main de Julie: Lifimon l'accorde avec reconnoiffance; le Comte attendri, détefte fon luxe & fa hauteur, & veut faire vendre fes biens pour payer fes dettes. Le plan de cette Pièce eft fage, les caractères en fontbien foutenus: elle eft froide pourtant, comme les autres Comédies. qui compofent ce receuil; mais te

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