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en a crié contre la corruption; & du temps même des Fabricius & des Camille, il y avoit à Rome des rigoriftes qui croyoient appercevoir du relâchement dans la difcipline: voyez les Auteurs d'âge en âge déplorer la décadence des mœurs ; c'eft un perpétuel refrains les chofes n'en vont pas moins leur train ordinaire. Horace établiffoit une gradation en mal, qui, fi elle étoit réelle, nous auroit déjà conduits à un point de perverfité prefque inconcevable; & cependant nous ne fommes pas plus dépravés que ne l'étoient les Romains du temps d'Augufte L'homme eft à-peu-près le même dans tous les temps; ce font les mêmes vices, les mêmes paffions; les formes feulement en font différentes; & toutes ces invectives contre le luxe & les mauvaifes mœurs, font d'un déclamateur plutôt que d'un Philofophe.

Il y a du vrai dans cette obfer vation; il eft certain que, dans le monde moral, comme dans le monde phyfique, tout eft dans un mouvement continuel; rien ne refte dans la ême fituation; y a par- tout un

changement en mieux ou en pire. Par tout l'homme fait des efforts pour améliorer fa condition. Quand il eft parvenu au dégré de bonheur dont il eft fufceptible, il ne s'y arrête pas ; difficilis in perfecto mora eft: dès-lors, en cherchant à fe rendre plus heureux, il fe corrompt & fe dégrade: dans les fociétés pauvres, où il n'y a ni industrie, ni arts, ni émulation, ni commerce, le changement eft prefque imperceptible; chez les Sauvages & dans la plupart des régions de l'Afie & de l'Afrique, les hommes reftent à-peu-près les mêmes, les mœurs ne changent pas plus que les habits: mais dans nos contrées d'Europe dont les habitans entaffés dans les Villes, s'agitent, fe tourmentent éprouvent un frottement continuel les révolutions. de mœurs font fréquentes, rapides, & le deviennent de plus en plus, à mesure que les lumières s'étendent. Depuis la mort du Cardinal de Fleury, jufqu'à l'époque préfente les mœurs ont plus changé qu'elles n'avoient fait depuis François I, juf qu'à Louis XIV, Si la progreffion

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n'étoit pas fouvent interrompue par des révolutions particulières, on ne voit pas où elle pourroit s'arrêter. Chez les anciens, les peuples corrompus étoient punis par punis par la perte de leur liberté & de leur patrie, qui paffoit avec eux fous la domination du vainqueur : c'eft ce qui arriva aux Perfes, aux Macédoniens, aux Grecs.,. & enfin aux Romains eux-mêmes. Chez nous les Nations s'abâtardiffent, s'appauvriffent, ruinent leurs arts & leur commerce, par le luxe & la molleffe. Alors la pauvreté & la barbarie même remontent les mœurs.; on fait de nouveaux efforts, & l'on parcourt encore le même cercle : les variations de la Cour modifient auffi beaucoup les mœurs. Non feulement un Souverain qui a du caractère, peut donner à fa Nation une impulfion puiffante, en bien ou en mal, mais encore une Cour jeune amie des› plaifirs, relâche beaucoup les mœurs, augmente prodigieufement le luxe, tandis qu'une Cour vicio & trifte, fubft tue l'avarice à l prodiga donne aux efprits us our

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Il faut avouer que les meilleurs ouvrages ne peuvent arrêter tout-àfait la décadence des mœurs; mais le zèle des Ecrivains qui s'élèvent contre la corruption n'eft pas pour cela inutile; ils en retardent du moins le progrès; & fi l'influence de leurs difcours ne fe fait pas fentir dans le gros de la Nation; combien de particuliers échappent à la contagion générale? combien de jeunes gens font prémunis contre la féduction de l'exemple? combien de citoyens honnêtes, mais foibles & peu éclairés, font par ce moyen foutenus & fortifiés dans leurs principes? Et quand le livre de M. de Juvigny ne rendroit qu'un feul homme aux mœurs, à la raison & à la vertu, ne feroit-ce pas toujours un digne prix de fes travaux & de fes

veilles?

Je luis, &c.

COMÉDIE FRANÇOISE.

L'AU

:

'AUTEUR des Gens de Lettres devoit s'attendre à trouver le public prévenu contre lui. Son attente n'a pas été trompée on a trouvé furprenant qu'un jeune homme dont le premier effai avoit été fi mal accueilli aux Italiens, mît tout-à-coup en ufage le confeil de Franc- aleu, & fe relevât fièrement pour braver de nouveau l'orage au Théâtre François. Le Lundi 8 de ce mois, il a donc voulu prendre fa revanche aux Fran çois, en donnant Augufta, Tragédie. La chambrée étoit complette, de manière que le triomphe ou la chute devoient avoir de nombreux témoins: j'étois du nombre , & entouré des amis & des ennemis de l'Auteur ; car il paroît qu'il a beaucoup des uns & des autres je n'étois, en vérité, ni l'un ni l'autre ; je tâchois d'oublier les Gens de Lettres, & je défirois véritablement que fa Tragédie fût bonne.

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