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Conful, & accable le jeune Agathocle avec autant de lâcheté que de bêtife. Cette Pièce offre de beaux vers, des vers de fentimens, mais un plus grand nombre de vers communs, ignobles, & beaucoup de fautes de langage. Le premier Acte a été affez bien reçu, même le fecond; au troisième, les ris & les huées ont commencé ; & le public une fois prévenu, a peut être été injufte enfuite. Cependant la Pièce a été jufqu'au bout, & la représentation auroit encore affez bien fini, fans.ce vers:

Trop de vertu, mon fils, n'eft pas toujours un bien.

,

vers faux fans doute,d'ailleurs foible
& commun, à la fin d'une Tragédie
Refte à parler du talent de l'Au-
teur. Je fuis prêt d'abord, Monfieur
à vous faire un aveu
c'est que
d'après la Comédie des Gens de Let-
tres, j'attendois une Tragédie plus
bizarre, plus mal conçue & plus mal
écrite. Elle l'eft fans doute encore
affez; mais enfin, le rôle entier
Augufta, celui d'Agathocle, l'apologie

1

de Socrate, l'invocation à ce grand homme; quelques autres traits de l'ouvrage, plufieurs beaux vers femés çà & là, me font croire que l'Auteur n'eft pas fans talent; on dit qu'il étoit très - jeune quand il compofa cette Tragédie. Qu'il profite de ces difgraces falutaires, qu'il mûriffe dans le filence fon talent, qu'il forme fon ftyle, qu'il fe borne fur-tout à la Tragédie; qu'il confulte des amis févères, qu'il fe livre moins à fa facilité, qu'il médite bien fon art & fa langue, qu'il fe preffe moins de donner au public les nombreuses pièces qu'il a déjà faites, & alors j'oferai prefque lui prédire des fuccès, & je verrai avec plaifir mon horof cope vérifié.

Je fuis, &c.

P. S. J'apprends dans ce moment, qu'Augufta vient de fe relever; qu'elle a été fort applaudie à la feconde repréfentation: eft ce un nouvel effort des amis de l'Auteur? eft-ce une répas ration que le public a voulu faire d'un excès de rigueur? LETTRE

LETTRE XIII.

Cuvres Morales de Plutarque, tra duites en françois ; par M. l'Abbé” Ricard, de l'Académie des Sciences & Belles-Lettres de Toulouse, tome 8. A Paris, chez la veuve Deffaint Libraire, rue du Foin St. Jacques, 2787, avec approbation & privilége du Roi,

M.

1. L'ABBÉ Ricard pourfuit fon. entrepiife avec courage & avec activité. Il eft vrai, Monfieur, que cette tâche est douce à remplir; & fi l'on en peut juger par le plaifir que nous avons à lire Plutarque traduit, il eft agréable de le traduire. Quel fonds de bon fens, de philofophie & d'érudition dans ce 8e volume ! comme tout cela eft couvert d'une gaieté douce, d'une naïveté touchante ! Ce n'eft point un moraliste auftère & pédant

No. 42. 16 Octobre, 1787. I

ce n'eft point non plus un charlatan, qui veuille nous éblouir; c'eft un bon homme, fi je puis m'exprimer ainfi, qui raconte à la jeuneffe des hiftoires plaifantes, qui entremêle le tout de fages préceptes, & qui amuse & infruit tous les âges.

Le premier chapitre de ce volume traite de l'Exil, Peut-on mieux entrer en matière ?

« Il en eft des difcours comme » des amis. Les meilleurs & les plus folides font ceux qui nous offrent » plus de reffources dans l'adverfité. » Tout le monde s'empreffe pour » confoler les malheureux; mais ra

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rement on leur eft utile; fouvent >> même on leur nuit. Ainfi, des gens qui, fans fçavoir nager, vont au » fecours de ceux qui fe noyent, & les faififfent pour les tirer à bord >> font entraînés avec eux au fond de » l'eau. Quand un ami eft dans la peine »il faut adoucir fon chagrin, & non » l'entretenir. Dans les malheurs qui » nous arrivent, nous n'avons pas befoin de gens qui s'affligent & pleurent avec nous, comme on fait

dans les choeurs des Tragédies; mais d'amis qui nous parlent avec franchife; qui nous avertiffent que de s'abardonner à la douleur, & de fe laifler abattre avec une per» fonne affigée, c'eft une compaffion » inutile & fans fruit, &c. »

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Eh ! qui entendoit mieux que Plutarque, l'art de confoler les affligés: il l'avoit déjà prouvé dans difcours à Apallonius, fur la mort de fon fils, il le proux e encore mieux dans le fecond chapitre de ce volume ci, où lui-même ayant befoin de confolation, il confole fa femme sur la perte de fa fille : ce difcours refpire une fenfibilité touchante & lá philofophie la plus faine; mais il change de ton dans le Traité fuivant intitulé les Sympi fiaques ou les Propos de table, qui remplit prefque tout le volume. C'est un des Traités de Plutarque les plus variés & les plus intér flans. Hintrodu t un petit nombre de Philofophes aimables qu'il fuppofe à table, égayant le repas par une conversation ¿ouce, variée, & pourtant instructive. Tantôt ils trai

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