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N'êtes-vous pas furpris, Monfieur de voir l'Académie Françoile recevoir des leçons de l'Académie de Peinture, dans le choix des hommes vertueux dont s'honore leur Nation? Les quarante immortels auroient craint, fans doute, de compromettre leur dignité philofophique, en propofant pour Prix d'Eloquence, l'Eloge de Saint Vincent de Paul! Je gagerois que ce charitable & zélé bienfaiteur de T'humanité fouffrante, ne doit qu'à fa canonifation, l'efpèce d'oubli plutôt l'exclufion de fon Eloge! Revenons à fa Statue. Comme Fondateur de l'Hôpital des Enfans trouvés, PArtiste a placé fur la bafe, deux Enfans abandonnés, au fort defquels Vincent de Paul s'intéreffe, avec une fenfibilité touchante. Mais je ne fçais pourquoi M, St uf a repréfenté ce Saint à genoux? cela n'exprime pas le caractère de fa charité agiffante ; je ne fçais encore pourquoi les Erg fans ne font pas grupés aux pieds de la Figure; je crains enfin, que la tête ne foit pas fur le corps, & qu'il n'y ait des féchereffes, que

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TArtifte fera fans doute difparoître, lorfqu'il l'exécutera en marbre.

Près de cette Figure eft celle de Moliere, par M. Caffiery. En voulant lui donner l'enthoufiafme poëtique L'Artifte s'eft trompé; c'eft celui deBacchus! Rien de plus bas, de plus ignoble que les traits de cette Figure; à l'exception du port noble, on croiroit que M. Caffiery s'eft fervi du portrait tracé dans le Catalogue du Salon: l'air foucieux, le nez gros, la bouche grande, les lèvres épaiffes....... Apparemment qu'il avoit auffi les cuiffes courtes, la cheville au milieu de la jambe, &c. Ce n'eft fûrement point ainsi que l'ami de Moliere, Mignard, avoit peint ce grand Homme! & ce n'eft pas une telle Figure qu'on devoit attendre du cifeau de M. Caffiery.

La Statue du tendre, du fenfible Racine eft en marbre, comme la précédente.

Il paroît que M. Boigot aura profité des Obfervations qu'on avoit faites fur cette même Figure, modélée en plâtre, il y a deux ans; l'Artifte en

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a changé entièrement l'attitude, & elle est beaucoup mieux. Une contenance noble & fimple, telle que l'avoit Racine; un beau choix de draperies une tête fuperbe, remplie d'ame & d'expreffion; voilà ce qu'on remarque dans la Figure de M. Boizot.

On admire encore, dans la cour qui précède le Salon, un beau groupe de M. de Joux, repréfentant Caffandre enlevée par Ajax. L'expreflion, le fentiment de Caffandre font affez bien rendus dans le gefte & les traits de cette Figure; celle d'Ajax eft pleine d'action, & d'un deffin correct; mais je ne fçais par quel motif M. de Joux s'eft avifé de repréfenter Ajax abfolument nud. Cette licence eft d'au tant plus repréhenfible, qu'on fçait qu'Ajax n'enleva Caffandre du Temple de Pallas, que pour la violer. Je m'étonne que l'Artifte n'ait pas représenté la fille de Priam, également nue, cette abfurdité n'eût pas été plus choquante que l'autre !

Phrixus, monté fur un Bélier, parcourant les Airs pour fe rendre dans la Colchide, eft un fuperbe Bas-relief du

même Artiste. M. de Joux a pu, dans ce fujet, représenter Phrixus tout nud parce que ce jeune Prince étoit près de fe voir immolé, avec Hellé fa fœur, lorfqu'il monta fur le Bélier pour fuir la colère des Dieux.

Une Vierge deftinée pour la Paroifse de St.Nicolas-des-Champs, eft placée à côté du groupe de M. de Joux. Cette Figure, fvelte, piquante, jolie, reffembleroit plutôt à la Mère des Amours qu'à celle du Sauveur. La modeftie la pudeur, la décence voilà ce qui doit caractériser les traits de Marie, & ce que M. Delaifire devoit exprimer dans fon ouvrage. -La Veftale en marbre, annonce un air de candeur convenable au fujet ; mais cette Figure eft fi courte, les pieds en font fi lourds, le nud fi mal indiqué, que j'ai de la peine à me perfuader qu'elle foit de M. Houdon,

Parmi cette multitude de Buftes expofés au Salon, je me borne à vous citer, Monfieur, ceux qui m'ont paru les plus intéreffans. Vous y remarquerez celui du Roi, du Prince. Henri de Pruffe, de M. le Bailli de

Suffren

Suffren, de M. le Marquis de Bouillé, auquel l'Artifte a donné un air repouffant, & celui du Général Wafington, moulé fur nature, par M. Houdon. Jé vous ai parlé de celui de M. de Crofne, par M. Pajou. Le Bufte de J. B. Rouffeau, par M. Caffiery, eft exécuté d'après le Portrait d'Aved; Greffet, d'après Natier, eft de M. Berruer, qui femble avoir tordu le cou au Portrait de M. Hue; celui de M. Vien eft modélé par M. de Seine, & Mme. Cromot, tête charmante, par M. Boizot.

Quelques petites Figures & Etudes en Sculpture, vous feront encore plai❤ fir; mais en général, il y en a peu cette année. Vous ne négligerez fûrement pas, Monfieur, de vous arrêter aux charmans Deffins de MM. Moreau & Lebarbier. Je ne vous parle point de la Gravure, parce que cet Art n'a pas befoin des expofitions du Louvre pour faire jouir le Public de fes productions, & qué les Journaux s'empreffent de les annoncer.

Si j'ai paru prendre quelquefois le ton affirmatif, gardez-vous de croire, Monfieur , que j'aie voulu donner No. 39. 25 Août 1787.

B

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