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très-fenfé; il doute qu'il y ait eu un agent dans les opérations de Me/mer; & de tous les prodiges attribués à la vertu du baquet, voici ce qu'il conclut : « enfin, fi ce remède n'étoit » bon que pour guérir les maladies de »l'efprit, il faudroit toujours le confer»ver pour le foulagement des hommes » mélancoliques & des femmes à va» peurs ».

Il ne paroît pas avoir partagé l'enthoufiafme éphémère du public pour les Ballons. Il y eut, dit-il, des hommes affez courageux pour confier leur vie à des cordes qui fou»tenoient une espèce de ballon, & » étoient attachés à ce bateau fragile, fujet à des dangers évidens & à des » événemens qu'il n'eft pas poffible » de prévoir. Je ne pûs les » voir fans frémir. D'ailleurs, à quoi » bon ce rifque, ce courage? Si l'on » eft obligé de voler au gré du vent, fi on ne peut pas parvenir à fe diriger, la découverte fera toujours admi»rable; mais fans utilité, elle ne fera jamais qu'un jeu ».

Une des plus fortes preuves de la

modération & de la bonhommie de M. Goldoni, c'eft qu'il parle des Journaux fans humeur, bien différent de la plupart de nos Ecrivains, à qui la feule idée d'une feuille périodique, donne des vapeurs noires ; & qui, au feul nom de critique, oublient leur phi lofophie & leur politeffe ordinaire.

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Le Mercure, dit-il, a toujours » confervé l'ancien ufage des Enigmes, & des Logogriphes, dont il donne l'ex plication dans le volume qui fuit... Ce ne font pas ces bagatelles qui foutiennent la réputation & le débit » du Mercure; mais fi on les avoit fupprimées, il y auroit peut-être » moins d'abonnés; auffi-tôt que ce livre paroît, les curieux s'empreffent de voir s'ils ont deviné les Enigmes & les Logogriphes du volume précédent; ils tombent im » médiatement après fur les Pièces nouvelles de ce même genre: ils les étudient, ils paffent des journées » entières dans cette occupation, qui >>> devient pour eux férieufe & pi» quante.

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« Une Dame de ma connoillance

qui avoit le don de deviner trèsfouvent au premier coup d'oeil, >> trouve un jour une Enigme diabo lique qui la met au désespoir; elle devine enfin ou croit avoir deviné; elle eft couchée, elle fonne, elle fe lève, elle écrit, elle envoye faire » part à fes amis de fa découverte; on trouve le lendemain qu'elle s'eft » trompée je ne puis pas peindre l'état de défolation dans lequel je » l'ai vue.

» L'Année Littéraire eft une Feuille » Périodique qui paroît tous les mois, ∞ & dont Monfieur Freron étoit l'A»teur à mon arrivée à Paris; c'étɔ t

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un homme très-inftruit, & très» fenfé; perfonne ne faifoit l'extra t d'un livre, oud'une Fièce de Théâtie » mieux que lui; il étoit méchant quelquefois, mais c'étoit la faute » du métier.

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» Ce qui rendoit ce Journal pli s piquant, c'étoit la guerre qu'I avoit déclarée au Philofophe ce » Ferney: l'homme célèbre eut la foi» bleffe de s'en fâcher: Freron étoit fa bête noire; il le fourroit par

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tout, il le chargeoit de farcafmes, de ridicules, & cela fourniffoit au » Journaliste de nouveaux - matériaux pour remplir fes Feuilles & pour amufer le Public »

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Les petites Affiches, à l'exemple du Journal de Paris, se sont emparées de F'article des Spectacles; « mais, ajoutet-il, il n'y a pas de mal de voir les Ouvrages dramatiques criblés par » deux Auteurs différens. Le lendemain » de la nouvelle représentation d'une Pièce, vous en voyez dans ces deux Journaux l'expofition, le fuccès & >> la critique ;'quelquefois les Journaux font d'accord, quelquefois ils - différent dans leurs avis : il en eft » un nius févère ; l'autre eft beaucoup plus indulgent, je ne le nommerai » pas; le public le connoît.

» Ces expofitions, ces critiques font des leçons très-utiles pour les jeunes Auteurs; d'autres Feuilles is donnent au bout de quelque temps, todes extraits & des remarques fur les » mêmes Pièces; mais les fecours ->>tardifs font inutiles; la promptitude "des Journaux dont je viens de

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» parler, éclaire les Auteurs fur le champ, & une Pièce tombée à la » première repréfentation, fe relève quelquefois à la deuxième, & fait autant de plaifir qu'elle avoit caufé » de dégoût.

C'eft le Public, me dira-t-on peutêtre, qui indique l'endroit qui le choque ou l'ennuie; mais les Au»teurs & les Comédiens peuvent-ils » démêler au jufte la caufe de la mau» vaife humeur de l'affemblée ?

» Ce font les Auteurs des Journaux » qui, d'après leur propre jugement, » & d'après celui des Spectateurs qu'ils ont eu le temps d'examiner > attentivement & de fang froid, ren> dent compte des bons & des maudonnent des avis

wais effate 0.

» falutaires.

» Voilà ma façon de penfer fur » l'utilité de ces Ouvrages périodi» ques que j'eftime beaucoup, mais » pour lefquels je ne voudrois pas » pour tout l'or du monde me voir occupé. Il n'y a rien de fi dur que » d'être obligé de travailler bon gré, malgré, tous les jours. On a beau

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