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L'Affemblée d'Hamptoncourt qu'Elifabeth n'avoit pas eu le temps d'empêcher, la contrarioit trop dans fes vues, pour qu'elle permît de la continuer. Le 10 Janvier 1569, elle dit à fon Confeil, que dans le cours des accufations réciproques, entre la Reine d'Ecoffe & les sujets, cette Princeffe ayant refulé de répondre aux accufations, & le Comte de Murray défirant retourner en Ecoffe, pour le bien & la paix du Royaume, elle le lui permet à lui & à ceux de fon parti, quoiqu'ils n'aient fourni aucune preuve qui puiffe lui faire concevoir une mauvaise opinion de fa bonne fœur, & d'y refter jufqu'à ce que la Reine allègue quelque chofe contr'eux. Cécil tint le même difcours en présence des membres du Confeil privé, & devant les députés de Marie; il ajouta que les Comtes de Murray & de Morton avoient appris qu'on répandoit des bruits à l'égard du meurtre de Henri Stuart, & qu'ils y étoient mêlés; qu'avant fon départ, le Comte de Murray avoit voulu être confronté avec les Députés de la Reine, pour

apprendre d'eux s'ils prétendoient l'ac cufer de ce crime, au nom de leur Souveraine, ou en leur propre nom, L'Evêque de Rofs, fommé par Cécil de répondre à cette demande, fentit l'adreffe de ce piège; mais il répli qua qu'au nom de fa Souveraine & par les ordres, il étoit chargé de les accufer; que les ordres écrits avoient été remis à Elifabeth, l'année précédente, & que Marie, Reine d'Ecoffe, les déclaroit auteurs, machinateurs & fauteurs de cet affaffinat; qu'il les accufoit donc & fourniroit les preuves, A cette réponse, le Comte de Murray fubftitua l'audace à la fermeté d'un homme innocent. Il offrit de défendre fa caufe en présence de la Reine d'Ecoffe, & d'être admis devant elle, L'Evêque lui répliqua qu'il n'étoit pas néceffaire de porter fi loin fa dé. fenfe, puifqu'ils étoient chargés par leur Souveraine de l'entendre, & qu'Elifabeth avoit reçu les accufations de la Reine d'Ecoffe, fignées de fa main. Murray n'infifta point, & partit fans demander à voir ces accufations.

Dans ces entrefaites, les Comtes de Huntley & d'Argile, bien con

vaincus que Marie étoit innocente du meurtre de Henri Stuart, & que Murray en étoit coupable, offroient publiquement de le foutenir par la voie des armes, & lui envoyèrent un cartel, déclarant que, s'il ne l'acceptoit point, il devoit être réputé coupable & convaincu de ce meurtre. Dans un temps où ces fortes de combats étoient regardés comme un juge ment de Dieu, les refufer étoit le condamner foi-même; & Murray qui avoit montré du courage à la guerre, fe condamna dans l'opinion publique, en refufant le cartel.

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Marie avoit beaucoup de partifans en Angleterre; le Duc de Norfolk étoit de ce nombre : c'étoit le plus grand Seigneur du Royaume. Il fe fatta d'obtenir la main de la Reine d'Ecoffe, & s'engagea pour elle dans de fauffes négociations avec Murray qui les trompa tous deux. Elifabeth, inftruite de cette intelligence, fit transférer Marie Stuart au Château de Tutbury, où elle fut gardée plus févèrement que jamais. Cependant le Duc de Norfolck s'étoit fait un parti

à la tête duquel il devoit enlever la Reine d'Ecoffe, & la remettre fur fon Trône. Ce deffein fut découvert par les espions d'Elifabeth, le Duc de Norfolck arrêté & mis à la Tour, & Marie transférée encore à Coventry, & traitée fans aucun ménagement. La détention de Norfolck fit prendre les armes à ceux de fon parti, mais il leur écrivit lui-même que fon proje n'avoit jamais été d'en venir à une fédition, & qu'il les prioit de pofer les armes. Elifabeth, effrayée de tous les foulevemens qui fe faifotent en faveur de Marie, fut fur le point de confentir aux propofitions de Murray, qui demandoit qu'elle 's'en débarrasâu en la livrant entre fes mains.

Cependant Murray fe rendit en peu de temps fi odieux par fa tyrannie, & par le bruit qui s'étoit répandu qu'il avoit propofé aux Lords Hume & Grange, de le défaire du jeune Prince d'Ecoffe, que tous ceux-mêmes qui l'avoient fervi dans fes crimes, l'abandonnèrent avec effroi. Il ne voyoit plus, lorfqu'il paroiffoit en public, que des hommes tremblans qui fuyoient à fon approche, &

d'autres plus hardis qui ofoient l'in fulter. Enfin un Ecoffois, porté par fes outrages au dernier dégré de fureur & de défefpoir, délivral Ecoffe, & vengea Marie d'un monftre, ennemi de fa patrie & de l'humanité, James Hamilton, pris à la bataille où Marie avoit été vaincue, s'étoit échappé de fa prifon : Murray avoit confifqué fes biens. Mais fa femme, retirée au Château de Woodhouselie, croyoit pou voir en jouir paifiblement. Le Régent ayant donné ce Château à l'une de fes créatures, envoya des foldats pour s'en emparer. La jeune femme y avoit fait cacher fon mari, qu'elle aimoit tendrement; elle oppofa quel que réfiftance, & cette fermeté favo rifa la fuite d'Hamilton; mais elle demeura feule en proie à des barbares, qui, fans refpect & fans pudeur, la dépouillèrent & la chafsèrent nue du Château, dans une nuit fi froide, qu'avant le lever du foleil, on la trouva privée de tout fentiment & enfuite de la raifon. Le jeune Hamilton fit ferment de venger une femme adorée, & de périr, plutôt que de

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