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laiffer ce crime impuni. Dans fon dễ. fefpoir, il ne cacha pas même fon deffein; tous ceux qu'il rencontra furent témoins de fes transports & entendirent fes fermens. Mais le Comte de Murray étoit devenu l'objet d'une haine fi générale, que perfonne n'entreprit ni de calmer la rage du jeune Hamilton, ni d'en prévenir l'effet. Le 23 Janvier 1570, les Députés d'Elifabeth avoient reçu à Stirling une audience de Murray, pour traiter de l'échange de Marie avec le Duc de Northumberland. Murray se croyoit au moment d'un triomphe complet. II falloit pour fortir de la Ville, paffer par une rue, au haut de laquelle étoit une galerie de bois, où Hamilton P'attendoit. Il l'apperçut qui venoit lentement à cheval; le paffage étoit refferré & rempli de peuple, il lui ira un coup de moufquet qui l'éten dit mort. Hamilton ne fut point poursuivi; on lui laiffa tout le temps de la retraite, & il paffa aifément en France. Marie donna des larmes à la mort de fon perfécuteur, & demanda pour lui, à Dieu, miféricorde & clémence. La douleur d'Elifabeth fyt

différente; elle s'écrioit qu'elle avoit perdu le meilleur ami qu'elle eût au monde, & le plus dévoué à fes inté-, rêts. Bien loin de rendre la Reine d'Ecoffe au peuple qui la redemandoit, Elifabeth envoya des troupes pour réprimer leur zèle, & ces troupes marquèrent leur route par une défo lation générale, en détruifant, par le fer & par le feu, cinquante Châteaux & trois cent Villages.

On verra, dans le volume fuivant, comment les entreprises que formerent les partifans de Marie Stuart, & les puiffances étrangères, pour la délivrer de la tyrannie d'Elifabeth, ne fervirent qu'à fournir des prétextes à la Reine d'Angleterre pour faire tomber fur l'échafaud la tête de la plus belle & de la plus infortunée Princeffe, dont elle avoit la foibleffe d'être jaloufe on regrette qu'une hiftoire fi intéreffante, foit délayée dans des détails infinis, qui ramènent fans ceffe des circonftances tout-àfait femblables, & qui ne devroient être indiquées qu'en peu de mots L'Auteur a difcuté ce fameux procès

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moins en Hiftorien qu'en Avocat, & fon mémoire beaucoup trop diffus, a du moins l'avantage de ne laiffer rien à défirer pour l'éclairciffement d'une caufe dans laquelle Elifaveth doit être condamnée au tribunal de l'univers & de la poftérité. Mlle. de Kéralio a très bien prouvé dans fes notes, l'infidélité de Hume & de Robertfon, qui, pour difculper Elifabeth, ont voulu auffi juftifier Murray, en altérant les témoignages hiftoriques, en tronquant les faits, en fupprimant les actes les plus authentiques, en opprimant enfin Pinnocence & la vérité. Voilà pourtant de quoi font capables des Philofophes, & voilà justement comme ils écrivent Phiftoire. Après la lecture des difcuffions de notre Auteur fur toutes les impoftures historiques de Hume, if eft impoffible de ne pas le regarder comme un homme faux, flatteur perfide, traître à fon devoir d'hiftorien, & calomniateur public de l'in nocence facrifiée à la tyrannie..

Je fuis, &c.

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SPECTACLES.

Les nouveautés fe fuccèdent rapi

dement, Monfieur, à tous les Théâtres. Le 15, aux Italiens, Céleftine; le 16, Pénélope, à l'Opéra; le 20, aux François, la Maifon de Moliere. Je vais vous dire un mot des deux premières nouveautés, puis je vous entretiendrai plus à loifir de la dernière,

COMÉDIE ITALIENNE. Céleftine eft tirée du Payfan généreux, Anecdote des Délaffemens de l'Homme fenfible de M. d'Arnaud les Ouvrages de cet Ecrivain intéreffant, ont fourni à la fcène plus d'une fituation touchante. Chez lui, c'eft un Payfan Ruffe, un vrai Payfan, poffeffeur de la fille de fon Seigneur, condamnée à périr, qui la refpecte toujours, la rend enfuite à fon père, & reçoit fa main pour prix de fon respect & de fa délicateffe. Ici, la fcène eft en Languedoc : Céleftine eft fille du malheureux Raymond, Comte de Touloufe, Elle

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alloit périr auffi, & on croit l'avilir en la livrant à un Paylan: mais ce payfan n'en a que l'habit ; c'eft Olivier de Rambaud, fils d'un brave Chevalier, condamné & flétri par Raymond; cette circonftance augmente encore le mérite de fon action. Il emmène au fond des bois Celestine, fuivie de fa Nourrice: il a pour compagnon un vieux Bûcheron, ancien Soldat de fon père, qui le reconnoît. Tous deux prodiguent à Celeftine, les foins les plus obligeans. Cependant Raymond revient vainqueur; il apprend le fort de fa fille, & met à prix la tête du Payfan. Celui-ci va l'offrir lui-même Raymond le condamne au fupplice: Célestine accourt, déclare tout ce qur s'eft paffé ce récit attendrit Raymond, qui accorde d'autant plus volontiers Célestine à fon libérateur, qu'il eft aimé d'elle, & fils d'un Chevalier, & d'un Chevalier envers qui il a été injufte. Le (ujet eft intéreffant ; & pourtant la Pièce n'a eu qu'un fuccès médiocre. Cela vient apparemment de ce que l'Auteur n'en a pas tiré tout le parti poffible, a été trop avare de fituations, de fcènes touchantes

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