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Pyrlon: il eft vrai qu'il n'a pas même le temps de favourer fa joie, & de jouir de fes fuccès & de fa gloire : la Berard vient le tourmenter, ce qui a paru fatiguer le public. Il n'a pas cru devoir mettre autant d'intérêt que l'Auteur aux tranfports jaloux d'une Comédienne, à l'amour paffionné de Moliere pour une jeune Comédienne, & à for. mariage avec elle: delà des ris, des huées, injuftes fouvent, il faut en convenir. Moliere étoit un honnête homme il aimoit tout de bon la fille de la Berard, J'aime à croire qu'il n'y avoit jamais rien eu de férieux entre lui & la Berard. Mais enfin le public n'a point voulu faire toutes ces réflexions. Peut-être auffi a t-il voulu fe venger de la longue attente où on l'avoit laiffé, & il a témoigné fon mécontentement pendant toute la dernière moitié du quatrième & dernier Acte: il faut l'avouer auffi, ce dernier A&te eft trèsfoible, il n'y a prefque rien ; & peutêtre falloit-il finir la pièce au moment où l'on va jouer Tariffe. On a appellé l'Auteur mais foiblement; de forte que l'on n'a pas même été à portée

d'apprendre qui il étoit. Quoi qu'il foit, on doit lui fçavoir gré d'avoir enrichi la fcène Françoife d'un ouvrage de Goldoni, qui, à tout prendre, a fon mérite. Les trois premiers Actes wont affez bien le caractère de Moliere eft bien foutenu; celui de Laforêt eft d'après nature, aux fix écus près la Thorillière eft un rôle agréable Chapelle pouvoit être plus piquant, mais il a beaucoup de mots très-heureux. La fcène des Marquis eft comique. Pyrlon domine trop dans la pièce, & puis le voifinage du vrai Tartuffe lui a fait bien du tort. Qu'on fupprime cette addition d'une Comédie en cinq Actes ; qu'à l'exemple de Goldoni, on fuppofe feulement que la Comédie de Tartuffe ait été jouée entre le troisième & quatrième Acte; & qu'à la Maifon de Moliere, on joigne une autre Comédie de Moliere en trois Actes, comme il paroît que cela aura lieu, & j'ofe répondre du fuccès: c'eft Moliere dont il s'agit, & c'est Goldoni qui le fait parler : l'ouvrage peut-il manquer de réuffir?

Je fuis, &.

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LITTÉRAIRE,

LETTRE XXII.

Confidérations Jur les Richeffes & la Luxe, avec cette Epigraphe :

Aurea nunc verè funt fæcula.

A Amfterdam; & fe trouve à Paris, chez la veuve Valade, rue des Noyers.

D

ANS la décadence du goût & du génie, les efprits fe portent naturellement vers les fciences qui n'exigent que des obfervations & des raisonnemens : la politique & la morale qui ne doivent jamais être feparées; l'histoire qui prête à l'une & à l'autre tant de lumières; voilà les véritables fciences

N°. 45. 6 Novembre 1787. Q

les plus dignes de l'homme, les plus effentielles à fon bonheur: ce ne font pas cependant les plus à la mode. La chymie, la phyfique, l'hiftoire naturelle & les différentes parties des mathématiques, occupent le premier rang, quoiqu'elles foient beaucoup moins nobles & en quelque forte, étrangères aux mœurs & aux qualités fociales; ce font auffi les fciences que l'on cultive avec le plus de fuccès, parce qu'elles font foumifes à l'expé rience & au calcul, & qu'elles préfentent à l'efprit des objets fenfibles & déterminés, fur lefquels on ne peut pas déraifonner comme fur la morale & la politique.

Les Philofophes & les Moraliftes modernes ont abfolument réformé l'art de gouverner les fociétés. Leur principe eft tout-à-fait différent de celui des anciens Légiflateurs. Les fages de l'antiquité établiffoient les vertus & les mœurs comme l'unique base de la profpérité publique: il n'eft plus queftion de cela aujourd'hui ; c'est l'argent qui eft le fondement de toute la politique moderne ; tous les Ecrivains

de l'antiquité fe font élevés contre le luxe d'une voix unanime. Aujourd'hui le luxe eft préconifé comme avantageux & même néceffaire: la fervitude d'un peuple immenfe qui fe confume de travaux pour irriter & affouvir les paffions d'un petit nombre de riches; voilà ce qu'on décore du beau nom d'induftrie; dans le fyftême actuel, les hommes ne font point eftimés par ce qu'ils font réellement, mais par ce qu'ils possèdent; le meilleur citoyen eft celui qui a le plus à dépenfer & qui dépenfe le plus. C'eft fur les profufions de l'orgueil & de la débauche, qu'est fondée cette précieuse circulation qui vivifie le corps de l'Etat; les mauvaises mœurs font devenues le principe du bonheur public. cet excès de corruption étoit réservée à un fiécle philofophique, & jufqu'à nos jours, on avoit regardé le luxe fcandaleux det quelques riches, comme une infùlte faite à la misère du peuple, & non comme la fource de l'abondance publique.

Il eft vrai que, par une fuite des vices du Gouvernement, l'inégalité

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