Images de page
PDF
ePub

1

[ocr errors]

»précédés de gentilshommes: ils ont » ceffé d'avoir des pages. L'élégance » a fuccédé à la magnificence; le luxe » a remplacé le fafte. La Nobleffe eft » defcendue de fon rang pour com» battre de richeffes àricheffes avec des » hommes obfcurs, dont l'argent for» moit feul l'exiftence; elle a éprouvé » dans cette lutte le défavantage le plus marqué. Dédaignant des emplois utiles dont les profits énormes alimentent le luxe de la finance, » elle s'eft ruinée pour l'égaler, &, » corrompue par elle, s'eft trouvée » dans peu, trop heureufe de recourir » à fon alliance pour pouvoir conti» nuer à l'imiter. Les terres les plus » confidérables ont été poffédées par » des hommes nouveaux & la vaffa»lité réduite à de vaines formules. » Le changement continuel des pro»priétés fait difparoître le refpect profond des vaffaux, fondé fur » l'antiquité de la naiffance & de la » poffeffion du fief. La dénomination » de feigneur n'a plus fignifié qu'un » propriétaire.

[ocr errors]

» C'eft ainfi que par fa nature, la Ον

>> richeffe tend à mettre tout au même niveau, fubjugue toutes les opi»nions. Il ne peut y avoir en quelque forte ni rang ni prérogatives » qui balancent fon pouvoir fouve» rain. Elle doit tout avilir, à com» mencer par la vertu, fon plus dangereux ennemi : elle triomphe d'elle par le ridicule..

[ocr errors]

« La fociété des joueurs donne une image fenfible des effets de la richeffe. Les rangs fe confondent, » les dignités s'oublient, lorfque l'ava Price & le befoin d'être vivement agité raffemblent plufieurs perfonnes autour d'une table. Le plus vil des hommes par fes mœurs, par fon rang, fe trouve tout d'un coup aflis » à côté d'un Prince, tranfporté auprès d'un Monarque. Le puiffant attrait de l'or fait taire l'orgueil; » & force les plus fuperbes à fouffrir » une familiarité qui tient de l'égalité ».

[ocr errors]

Une Académie vient de couronner un Difcours fur l'utilité de la décou verte d'Amérique, dont le ftyle eft fort éloquent, mais dont les principes font faux & dangereux: l'abondance

du numéraire que cette découverte a répandue tout-à-coup en Europe, eft la principale caufe de ce luxe & de cette corruption dont les ravages s'augmentent tous les jours.

כל

Qui pourroit, dit notre Auteur, » fixer le terme où s'arrêtera la fecouffe opérée par les richeffes du nouveau » monde ? Un feul intérêt anime » tous les efprits. La fcience de l'impôt occupe feule tous les politi» ques; l'homme d'état n'eft plus » qu'un financier : tout eft réduit en » chapitre de recette & de dépense. La » moralité de l'homme n'eft plus digne » d'aucune attention: on ne voit plus » dans l'homme qu'un confommateur, dont on épie les befoins pour les » affujettir à un impôt.

כל

» Il n'y a plus de milice nationale. » Les armées ne font pas en proportion du territoire & de la population, mais du numéraire qu'on peut raf» fembler. On fe procure des troupes » comme des manoeuvres, & des Sou >>verains font commerce de leurs fujets » comme de bêtes de fomme ››. Rien de plus difficile à définir que

le luxe Plufieurs grands Philofophies fe font trompés fur fa nature. Notre Auteur le regarde, par rapport à l'état, comme un emploi ftérile des hommes & des matières; & par rappport aux particuliers, comme l'ufage des chofes dont le prix excède les proportions de la fortune. Les richeffes font le principe: du luxe qui n'en eft jamais que l'abus. Voilà pourquoi les anciens Légiflateur avoient cherché autant qu'il étoit poffible, à proportionner & à borner les fortunes des citoyens. Voilà pourquoi il étoit défendu, dans les premiers fiécles de la République Romaine, de pofféder plus de cinq cens arpens : les richeffes qui s'acquièrent lentement par le commerce & l'induftrie, font bien moins funeftes que ces fortunes. foudaines qui fe repartiffent fur un petit nombre à la Cour & dans la capitale, & qui font le fruit de l'intrigue & du hafard plutôt que du travail : ce font celles-là qui enfantent le luxe dangereux & deftructeur qui appauvrit les Etats. Elles reffemblent aux torrens qui, loin dé fertilifer la terre, renverfent & dé

gradent tout ce qui fe trouve fur leur paffage : ces richeffes fubites enivrent les efprits, les rempliffent de défirs déréglés. Lors du fyftême, on vit des actionnaires devenus opulens en peu de jours, faire chauffer des ragoûts avec des billets de banque pour avoir le plaifir de dépenfer cinquante mille francs dans un repas.

Le luxe qui provient de cette caufe, n'a d'autre racine que l'impôt. C'eft le peuple qui, aux dépens de fa fubfiftance, fournit aux courtifans & aux financiers, à l'oifif rentier, les moyens de fatisfaire leurs fantaifies. Les palais qui s'élèvent, les meubles précieux qu'ils renferment, font payés par le peuple.

Le caractère des différentes Nations influe d'une manière très-marquée fur la nature du luxe : on lit avec plaifir dans l'Auteur, le portrait de la nation Françoife: quoique le fonds n'en foit pas neuf, la touche en eft agréable & ingénieufe, & on ne s'attend pas à trouver de pareils morceaux dans un traité de finance & de politique

Il est un peuple à qui fa vivacité

« PrécédentContinuer »