Images de page
PDF
ePub
[graphic]

idées & leurs loix, réformer leurs mœurs & leur culte, & opérer une révolution univerfelle.

Les beaux efprits & les Philofophes de Rome, peuinftruits & peu jaloux de s'inftruire de ce qui fe paffoit dans un petit coin de l'Empire, confondoient les premiers Chrétiens, avec les Juifs, & les enveloppoient dans le même mépris. Les Chrétiens leur paroiffoient même encore plus abfurdes & plus ridicules. Envifageant d'un cil profane, ce qu'ils avoient pu apprendre de leurs dogmes & de leurs myftères, ils n'y voyoient que le comble de l'extravagance. Des hommes de la fie du peuple, & quelques femmes crédules, avoient été féduites par les preftiges d'un impofteur, que les loix avoient puni du fupplice des efclaves. Ses Difciples croyoient qu'il étoit refufcité. Ils le regardoient comme un Dieu; un homme crucifié étoit l'objet de leur culte ; i's adoroient jufqu'à l'inftrument honteux de fa mort: ils fuyoient la fociété, renonçoient à tous les plaifirs; ils traitoient de folie la fageffe hug

:

maine; tous leurs projets, toutes 1.urs actions n'avoient pour but qu'un autre monde, où ils devoient être éternellement heureux, s'ils avoient été fidèles à leur Dieu. C'eft fous ce, point de vue, que les plus beaux) génies & les plus fameux Ecrivains confidéroient alors la fecte des Chrétiens. Ils en parloient avec une forte de pitié. Lorfque Néron les accufa de l'incendie de Rome, Tacite dit que, d'après lesinterrogatoires, il parut qu'ils étoient plutôt mifanthropes qu'incendiaires haud perinde crimine incendii quàm odio humani generis convicti funt Tacit. Annal. lib. 15, chap. 44. Lucien les repréfente comme des fanatiques imbécilles, qui s'expofent, de gaieté de cœur, à la mort, dans l'efpérance d'un bonheur éternel dans une autre vie; il fe moque de la fimplicité avec laquelle ils accueilloient des fourbes des fripons, fous le mafque de profélytes, & partageoient avec eux leurs biens, perfuadés que tous les Chrétiens étoient frères, & que tout devoit être commun entr'eux. (Lucien, fur la mort de Peregrin.)

[graphic]

Le peuple accoutumé à calomnier ce qu'il ne connoît pas, faifoit des contes affreux fur les affemblées fecrettes des Chrétiens & fur leurs agapes. On difoit qu'ils égorgeoient un enfant, qu'ils en mangeoient la chair, qu'ils en buvoient le fang, & qu'après cet abominable repas, ils fe livroient entr'eux aux plus infamés plaifirs: ces bruits s'accréditoient; la bonne compagnie même y croyoit, pour ne pas le donner la peine de les examiner les Philofophes fouilloient leurs livres de ces atrocités. Les Chrétiens n'y répondirent d'abord que par la pureté de leurs mœurs, leur modeftie, leur douceur, leur obéiffance aux loix, leur courage dans les tourmens: enfin, quelques Philofophes, quelques fçavans étonnés de trouver une morale fi pure, une conduite fi foutenue, des vertus fi fublimes, dans un fecte odieufe & méprifée, voulurent s'inftruire de & y trouvant tous les

fa doctrine, ils l'embraf

caractères la vérité,

sèrent avec ardeur. Alors indignés de l'injuftice & des calomnies des Payens,

ils employèrent à les repouffer leurs talens & leur éloquence. Alors l'Empire Romain fut témoin du même fpectacle qui fe renouvelle aujour d'hui en France. On vit les Philofophes combattre les- Chrétiens; on vit les beaux-efprits & les Auteurs à la mode,. épuifer les fophifmes, les déclama tions, les railleries contre la Religion Chrétienne, tandis que des fçavans & des fages la défendoient avec les armes de la raifan & l'enthoufiafme de la vertu. Il y a une grande différence entre les Philofophes qui attaquèrent le Chriftianifme à fa naiffance, & ceux qui l'attaquent de nos jours. Les premiers pouvoient du moins fe vanter de défendre, contre des novateurs obfcurs, l'antique Religion de leurs pères; ils étoient de bonne foi; ils ne connoiffoient pas la doctrine qu'ils calomnioient; trompés par les bruits publics, ils fuivoient les préjugés de l'éducation & les lumières d'une fageffe profane. Les feconds au contraire, s'efforcent de renverfer la Religion de l'Etat, la Religion dans laquelle ils ont été élevés eux

[graphic]

mêmes. Ils blafphêment le Dieu qu'ont adoré leurs pères; ils outragent par des railleries facriléges, les mystères auxquels ils ont été initiés ; l'ambition & l'intérêt étouffent le cri de leur confcience.

On s'imagine au premier coupd'œil, que la caufe des anciens Apologiftes de la Religion Chrétienne étoit bien favorable, bien facile à défendre, & qu'ils devoient aifément écrafer leurs adverfaires : les extravagances, les abfurdités de l'idolâtrie, les paffions, les crimes des Dieux que le peuple la barbarie & la licence

adoroit,

effrénée des fpectacles publics, la corruption des mœurs, autorifée par le Paganifme; toutes ces folies, tous ces excès honteux fembloient fournir aux premiers Orateurs Chrétiens, des armes bien puiffantes. Il ne faut pas oublier cependant, qu'ils n'écrivoient pas pour le peuple, mais pour les grands, pour les gens de lettres qui n'étoient pas idolâtres, mais déiftes; eux-mêmes fe moquoient les premiers des rêveries de leur Mythologie & dans les myftères auxquels ils étoient initiés,

:

« PrécédentContinuer »