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» a avalés, s'il les rejette fur la terre, »ne les voit-on pas pouffer des racines & donner naiffance à une plante? Ne trouvez-vous pas » dans le ciel, ainfi que fur la terre, » des fymboles de la réfurrection? La lune ne femble-t-elle pas >mourir pour nous chaque mois ? L'homme lui-même, s'il eft affligé » d'une longue & dangereufe maladie, perd fon embonpoint & une grande partie de sa substance; Dieu lui rend-il la fanté, il revient en fon » premier état. Qu'étoit devenu cet embonpoint, & comment le recou vre-t-il? Cela provient, dites-vous, de la nourriture qu'il a prife, & qui s'eft convertie en fa propre fubftance. Fort bien, mais c'eft là l'ouvrage de Dieu, & de Dieu feuk: il n'appartient qu'à lui d'opérer ces » merveilleux effets. Par cet échan

tillon de fa puiffance, il veut > nous faire comprendre qu'il ne lui » eft pas plus difficile de reffufciter » tous les corps.

M. l'Abbé de Gourcy met avec raison, au nombre des Apologies du

Chriftianifme, le Traité de Tertullies contre Marcion. Tertullien eft un Ecrivain plus célèbre que les trois Apo logites dont je viens de parler. Qui ne connoît pas ce bouillant Africain, que l'ardeur même de fon zèle & Fexcès de fon auftérité, entraîna dans F'erreur! Il fembloit que l'Evangile ne fût pas encore affez févère pour lui: ce génie fi vigoureux & fi ferme, fe laiffa féduire par les rêveries du fanatique Montan; & ce qui eft plus déplorable, il ne rougit pas de devenir disciple de deux aventurières Prifcilla & Maximilla, qui fe prétendoient infpirées, & fe mêloient de prophétifer deftinée affez ordinaire aux hommes qui ont plus d'imagination que de jugement, dont les vertus ne font que des paffions, & qui femblent même, en faifant le bien, s'abandonner à l'impétuofité de leur caractère naturel, plutôt que remplir un devoir. De quelque côté que fe tournent des hommes de cette espèce, ils vont plus loin que les autres.

Marcion né à Sinope, Ville de Paphlagonie fur le Pont-Euxin, fe

diftingua dans fes premières années par une auftérité ftoïque; mais ayant été convaincu d'avoir féduit une vierge, il fut retranché de l'Eglife par fon père, qui étoit Evêque. Il alla enfuite à Rome; & le dépit de n'avoir pu fe faire recevoir à la communion Ecclefiaftique le jetta dans le parti de Cerdon, fameux héréfiarque; il ajouta encore aux erreurs de fon maître, & lui-même devint chef d'une fecte très-nombreuse. Marcion admettoit deux premiers principes; l'un bon, & l'autre mauvais. C'estau mauvais principe qu'il attribuoit la création du monde & la Religion Juive: auffi rejettoit-il l'ancien Teftament. Cet homme, chaffé de l'Eglife pour avoir eu un commerce criminel avec une fille, fe déclara l'apôtre du célibat ; il condamnoit le mariage, & refufoit le Baptême à ceux qui avoient une femme. Il prétendoit auffi que -Jefus Chrift n'avoit eu qu'une chair fantaftique; fa naiffance, fa paffion!, fa réfurrection, fon afcenfion n'étoient, lon lui, que des apparences; enfin il nioit la réfurrection des corps, &

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renversoit par fa nouvelle doctrine
tous les fondemens du Chriftianifme:
il avoit publié un ouvrage, fous le
titre d'Antithefes, où il s'efforçoit de
démontrer les contradictions de la Loi
ancienne & de l'Evangile. Tertullien
compofa contre cet héréfiarque, un
Traité en cinq livres, où il réfute
victorieufement toutes fes erreurs ; &
ce qu'il y a de fingulier, c'eft que
Tertullien, lorfqu'il combattit l'héré-
fie de Marcion, étoit lui-même héré
tique, & foutenoit des opinions moins
dangereufes à la vérité, mais plus ri
dicules que
celles de Márcion.

Marcion étoit un fophifte fubtil qui attaquoit l'ancien Teftament par de mauvaifes chicanes; on en jugera par l'objection fuivante: Dieu, dans la Génèfe, dit à Adam, après le péché, Adam, où êtes-vous? Pourquoi cette demande, obferve gravement Marcion: Dieu ignoroit donc où étoit Adam. Une auffi m'férable fubtilité eft à peine digne d'une réponse.

L'Octave de Minutius Félix eft un. excellent dialogue en faveur de la Religion Chrétienne. Les interlocu

teurs font Cecilius Natalis, qui parle pour les Payens, & Odavius Januarius, qui défend les Chrétiens. Minutius Félix eft l'arbitre de la difpute, qui fe termine par la converfion de Cecilias Natalis. L'Auteur du dialogue Marcus Minutius Félix étoit un fameux Avocat de Rome, fous l'Empereur Sévère, au commencement du troifième fiècle, né en Afrique, comme Tertullien, & fon contemporain ; mais fon ftyle eft beaucoup plus élégant plus clair & d'un bien meilleur goût.

D'Ablancourt a traduit cet Auteur; mais fa traduction n'a pas dû défefpérer M. l'Abbé de Gourcy: elle n'est pas toujours fidelle; on ne peut pas même l'appeller la belle infidelle; car le ftyle ne rachète pas le défaut d'exactitude. Voici quelques morceaux qui donneront une idée du ton qui règne dans l'original, & de la manière d'écrire du nouveau Traducteur.

« J'entends dire, s'écrie Cecilius » Natalis, qu'ils (les Chrétiens) adorent » la tête d'un animal, de tous le plus méprifé, la tête d'un âne; culte bien

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