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lité; perfonne n'a moins médité fes fujets que Voltaire; perfonne n'a mist moins d'art dans fes fituations théâtrales. M. Daunou dit tout le contraire de ce qu'il devoit dire. Ce n'eft pas certainement d'après les préceptes de Boileau, que Crébillon a fait l'amoureuse Eledre & le mérite d'Electre n'eft point d'être touchante. Crébillon qui ne fçavoit pas l'Anglois, ne pouvoit pas imiter Shakespear; & d'ailleurs, il n'a imité perfonne. C'est Voltaire qui a fait paffer fur notre fcène, l'appareil & le fracas de la fcène Angloife; ce qui prouve que l'art poëtique n'a guère eu d'influence fur l'efprit de Voltaire. On ne pouvoit guère raffembler plus de contre-vérités en moins de lignes.

Il eft bien étonnant que M. Daunou ne dife pas un mot des belles Epîtres de Boileau; il eft encore plus étonnant que M. Daunou, qui parle de la Henriade, n'ait point parlé du Lutrin. Oublier le Lutrin dans un Eloge de Defpréaux, c'eft une plaifante diftraction. Il est pourtant vrai que le Lutrin fut la première efquiffe de.

l'Epopée en notre langue; Defpréaux quoiqu'en dife un fujet badin, fuivit la véritable marche de la narration épique, & montra ce qu'on pouvoit faire dans un fujet férieux; il le montra fur tout par de très-beaux détails de Poëfie, & par le fréquent emploi du dramatique, en quoi Voltaire l'a fort mal imité. Il eft à préfumer que fi le Lutrin n'eut pas exifté, la Henriade n'eût pas été faite, ou feroit encore bien plus défectueule. Ce qui est certain c'eft que le Lutrin l'emporte autant fur la Henriade par la fécondité des moyens & par la richeffe de l'exécution, que la Henriade l'emporte fur le Lutrin par la nobleffe & la richeffe du fujet.

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M. Daunou oublie encore de parler de la vigoureufe défenfe que Defpréaux oppofa aux attaques de Perraut contre les anciens. C'eft pourtant un titre glorieux à Defpréaux d'avoir été le vengeur de l'antiquité, & d'avoir empêché que l'ignorance du faux efprit n'ait prévalu fur la connoiffance & l'étude des vrais modèles. C'est dans cette occafion fans doute, que l'in

fluence de fon goût & de fa réputation fut bien utile; car i! fit pencher de fon côté, la Cour & les gens du monde, qui, fans être les meilleurs juges, peuvent cependant donner le ton & déterminer le jugement d'une Nation, qui examine rarement quand les Grands ont prononcé. M. Daunou eft fi peu au fait de notre Hiftoire Littéraire, qu'il ne fait dans une note, qu'une feule perfonne de Perraut le Mé decin & de Perraut le Bel-efprit. Ce n'eft pas avec auffi peu d'inftruction, qu'on doit tenter d'apprécier les grands hommes de la Littérature.

Il y a dans ce Difcours, plufieurs autres erreurs de goût & de jugement, que nous ne releverons point, parce que le nom de M. Daunou n'eft point encore affez impofant dans le monde littéraire, pour leur donner du poids& les accréditer. Il eft fâcheux qu'une 'Académie femble étayer de fon autorité, des principes auffi faux, des jugemens auffi fuperficiels, des décisions auffi trivoles, & les adopter en les cou

ronnant.

Je fuis, &c.

LETTRE VI.

Mémoires philofophiques, hiftoriques phyfiques, concernant la découverte. de l'Amérique, fes anciens habitans, leurs mœurs, leurs ufages, leur connexion avec les nouveaux habitans leur Religion ancienne & moderne, les produits des trois règnes de la nature, & en particulier les Mines, leur exploitation, leur immenfe pro duit ignoré jufqu'ici; par Don Ulloa, Lieutenant-Général des Armées navales de l'Espagne, Commandant au Pérou de l'Académie Royale de Madrid, de Stockolm, de Berlin, de la Société Royale de Londres; avec des obfervations & additions fur toutes les matières dont il eft parlé dans l'ouvrage traduit par M *** 2 vol. in-8°. : prix, 8 liv. broch. A Paris, chez Buiffon, Libraire, hôtel de Mefgrigny, rue des Poitevins No. 13.

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Un titre auffi détaillé nous dif

N

penfe de faire l'énumération des

matières contenues dans ces deux volumes. Les deux objets qui excitent le plus aujourd'hui la curiofité & la cupidité; fçavoir, la physique & le commerce, trouveront à gagner à la lecture de cet ouvrage, il réunit un nombre confidérable de faits importans, qu'on chercheroit avec peine dans beaucoup de volumes, qu'il n'eft pas facile à tout le monde de fe procurer. Pour en donner quelque idée, nous choifirons parmi les particularités & les remarques les plus curieuses, celles qui nous ont frappés davantage.

Dans la partie haute de l'Amérique, les températures ne font pas égales; on les trouve toutes variées, felon la hauteur & la fituation des terreins. Proportionnément à cette hauteur les gêlées y font plus conftantes en été, & les neiges & les grêles plus communes en hiver. Mais plus on descend, plus la température devient chaude, & moins les froids font réguliers. On y éprouve les quatre températures de l'année dans l'efpace de quelques lieues. Ici ce font les

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