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froids rigoureux de l'hiver; là, les délices du printemps, fans y fentir les incommodités de l'automne; d'un autre côté, ce font les chaleurs accablantes de l'été; enfin l'on voit toutes les productions de la ZoneTorride. Mais les faifons y font dans un ordre renverfé; l'on y a l'été, lorfque le foleil eft le plus éloigné du Zénith; dès qu'il s'en eft le plus rapproché, l'hiver fe fait fentir. Je conclus delà, dit l'Auteur, que la nature n'est pas affujettie à des règles fans exceptions, & qu'elle s'eft réfervé des moyens pour s'affranchir de ces règles fans interrompre l'ordre néceffaire de tout le fyftême.

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Les Botaniftes liront avec plaifir le difcours fur les productions végétales des différens terroirs du Pérou. On reconnoît dans plufieurs les jeux finguliers de la Nature. L'arbre qu'on appelle Ceibo, imite par fon fruit, la laine des animaux, & fert aux mêmes ufages en nombre de circonftances.. Le Fromager fournit une espèce de foie très-fine & des plus fouples. L'arbre de Cire produit une matière

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femblable à la Cire des mouches, & la Barbe Espagnole est une substance végétale, qui fe prend pour les crins ou les poils des animaux.

Le difcours fur les animaux n'eft pas moins intéreffant. L'animal le plus utile pour les Indiens du Pérou, eft le Lama; ils s'en fervent pour porter toute forte de charge. Ils ont pour leurs animaux domestiques mais fur-tout pour leurs Lamas, un genre d'affection qui ne fe voit chez aucun peuple de la terre. Avant de le mettre au fervice, ils font une espèce de fête, telle qu'ils en pourroient faire pour un nouveau compagnon. Ils invitent leurs amis, ils boivent, ils danfent, & font mille démonstrations d'amitié à l'animal qu'ils ont paré & orné. Après cette fête, ils commencent à s'en fervir, mais fans lui ôter la parure & les ornemens qu'ils lui ont mis. Un infecte ailé, très-curieux par la lumière qu'il jette durant la nuit, eft le Cucuyo. Avec un de ces infectes dans la main, on lit très bien quelque lettre que ce foit. Lorfque la lune

we luit pas, & que les Cucuyos paroiffent, c'est un spectacle des plus beaux que de voir la campagne remplie de ces lumières brillantes. Les habitans s'amufent à les prendre pour en tenir en cage; ils en lâchent quelques uns dans une chambre non éclairée, qui fe remplit auffi-tôt de lumière, & ils prennent beaucoup de plaifir à voir voltiger cet éclat dans tout le contour de la pièce. Quand les femmes fortent le foir pour prendre le frais, elles en ont ordinairement la tête parée, elles en font des colliers & des bracelets, qu'elles arrangent de diverfes manières, & marchent ainfi tout éclatantes, comme fi elles avoient des couronnes & des colliers de lumières naturelles. Nos

vers luifans peuvent nous donner une petite idée de ces brillans infectes. Les curieux d'Hiftoire Naturelle ne liront pas avec moins de plaifir les difcours fur les oifeaux & fur les poiffons.

Le difcours fur les minéraux, & fur la manière d'exploiter l'or & l'argent, doit paroître le plus intéreffant

pour beaucoup de lecteurs; auffi Don Ulloa s'eft-il fort étendu fur cette matière; mais quand on l'a lu avec un autre fentiment que celui de la cupidité, quand on voit tous les maux, toutes les calamités, toutes les maladies que l'homme a tirées de ces mines avec l'argent & avec l'or, arrofés du fang de tant de millions d'Américains & d'Européens, on eft bien tenté de croire que la décou verte de ces mines & leur exploitation eft un des plus grands fléaux du genre humain. Le Mont du Potole doit être confidéré comme l'intérieur d'une ruche à miel, vu le nombre des percemens, des galeries, des fouilles qu'on y remarque. S'il étoit poffible de le découvrir totalement de fa croûte externe, on y appercevroit un nombre infini de routes fouterreines percées fans fuite, & comme au hazard, felon la direction des veines métalliques. Parmi les grandes découvertes qu'on a faites des mines d'argent au Pérou, celle de Huanta. jaya a été la plus fameufe dans les temps modernes. Le fillon étoit d'ar

gent maffif dans toute fa largeur, & on le coupoit au cifeau. Mais le lieu où le trouve cette mine eft fi éloigné de la mer, le terrein y eft fi fablonneux, & fi ftérile; les chemins par où il faut s'y rendre font fi peu praticables; on y eft dans une fi grande disette de tout ce qui eft néceffaire à la vie, & même d'eau qu'il faut porter, fi l'on en veut boire, que l'extrême richeffe de ces veines précieuses eft en grande partie absorbée par les dépenfes.

Quand on ouvre les foffes profondes des mines qui s'étoient bouchées depuis long-temps avec les déblais, il en fort un air mortel qui tue fur le champ ceux qui le refpirent. Cette vapeur méphitique agit fi promptement, qu'en y préfentant trois chandelles, qui, jointes enfemble & allumées, donnoient une grande lumière; elles s'éteignirent auffi tôt qu'elles furent approchées de la vapeur, fans même qu'on apperçût à la mêche qu'elles euffent été allumées. Les lumières s'éteignent affez finguHèrement. La flamme fe fépare d'abord

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