falloit faire des contes pour attirer leur attention.

La Science écomique tombe auffi en contradiction avec elle - même lorfque, d'un côté, elle fuppofe que la propriété eft d'une néceffité physique. & abfolue; & que, de l'autre, elle veut que la terre ait été long-temps toute à tous; que les hommes n'en foient venus au partage. des terres, qu'après une longue fuite de fiécles. Il y a donc eu un temps, un long temps où la néceffité physique & abfolue n'exiftoit pas, où le droit de propriété n'étoit pas connu ; & s'il n'eft que trop certain que tous les malheurs des hommes font venus de ce droit de propriété, on ne voit pas bien comment ce changement funefte qui a rendu le genre humain efclave, a naître de l'ordre & du grand ordre. L'Evidence joue un grand rôle dans le fyftême des Economistes. Ils prétendent que leurs principes & leurs conféquences font auffi évidens que les vérités géométriques, & font à la portée de tot homme quel qu'il

pu

foit; avant d'être perfuadé de cette évidence, je voudrois croire que ces principes font évidens pour les Ecomiftes eux-mêmes; car enfin, après Te galimathias inintelligible dont tous leurs livres font remplis, & dont nous avons rapporté un petit échantillon, on a lieu de penfer qu'un langage fi ténébreux n'annonce pas des idées bien nettes, ou qu'il cache des myftères & des énigmes dont eux feuls ont le mot. Dans le dernier cas, ils ont tort de prêcher l'évidence à tous les hommes qui ne fçauroient les entendre ; mais tout nous prouve qu'ils font obfcurs de bonne foi, & que rien n'eft moins évident pour euxmêmes que toutes leurs évidences.

C'eft pourtant avec une doctrine fi évidente, que ces Philofophes prétendent régénérer les nations, procurer aux hommes les plus grandes richeffes poffibles, le plus grand bonheur poffible & faire triompher le produit net, Ils décident d'abord que les fociétés humaines ne font pas fufceptibles d'un gouvernement répu blicain; qu'on n'a vu nulle part des Hy

républiques achevées, parce que dans une république, l'interét public n'eft l'intérêt de perfonne. Il est évident que l'intérêt de la patrie n'étoit point l'intérét des Brutus, des Curtius, des Caton. Ils ne reconnoiffent que le gouvernement d'un feul qui foit avoué par l'ordre naturel, & c'eft à la Monarchie qu'ils s'en tiennent; mais à la Monarchie qui fera règner l'évidence, & ce règne de l'évidence ils l'appellent defpotifme légal; expreffion qui ne fignifie rien, ou qui fignifie des chofes abfurdes; car l'empire de la loi n'eft point un despotisme; & comment fuppofer une Monarchie où la loi gouverne defpotiquement le Monarque luimême ? c'est là le règne des chimères & non de l'évidence. Aufli font-ils de leur Souverain une divinité qui tient dans fa main le bonheur des hommes & qui n'a autre chose à faire qu'à jouir & à être adorée.

Mais fi, par hazard, le Souverain détournant fes yeux de l'évidence, cherche à s'écarter de l'ordre, & prend des arrangemens oppofés à T'ordre; que feront les Economistes ?

alors ils réclament la véritable ligne de démarcation entre l'autorité fociale & l'obéiffance fociale. Cette ligne, felon eux, eft phy fique; tant que l'autorité fe refferre dans les limites pofées par la grande loi fifcale, on doit obéir à l'autorité. « Hors delà difentils, plus d'obéiffance

la

ligne eft tracée par le grand ordre,' & c'est tout. Ils ajoutent que les Rois font véritablement defpotes ;* » mais que ce defpotifme eft légal ; » qu'il eft un effet néceffaire de l'évi»dence; qu'il écarte abfolument l'ar

כל

bitraire; que fi les Rois pouvoient » commettre arbitrairement toute forte d'injuftices, ils ne feroient plus les images vivantes d'un être fouve » rainement & effentiellement jufte; ils cefferoient d'être Rois, dès qu'ils » cefferoient d'agir en Rois Le corps focial ne feroit plus alors qu'une » république fubordonnée, libre & » fouveraine, fous l'enseigne de l'évis dence ».

Ainfi, voilà les Economistes qui reviennent malgré eux, au gouvernement républicain; ainft, ils le mettent

évidemment & fans ceffe en contradiction avec eux-mêmes; ainfi, ce grand ordre, qu'on nous vante comme le remède à tous les maux de l'huma nité, comme un préfervatif contre tous les abus, nous précipite, pår une néceffité phyfique, dans tous les défordres de l'Anarchie.

L'Auteur de l'Analyse termine ainfi l'examen du fyftême économique : » Quoique les Economistes eussent » l'adreffe de ne montrer leurs prin»cipes que fous des expreffions énigmatiques, & comme on le leur a reproché, fous des emblêmes & des » hyéroglyphes Egyptiens, il n'en eft pas moins vrai qu'ils ne recon» noiffent: 1°. Que la nature ou » l'univers phyfique; 29. un grand » ordre qu'ils appellent indifférem»ment, la vie univerfelle, l'Etre

Suprême, le Créateur, la Provi » dence, & qui n'est au fond que la »loi générale du mouvement ou l'enchaînement progreffif d'impulfions phyfiques qui mènent néceffairement tous les êtres à leur deftination; 3°. qu'ils attribuent