Ronfard, comme digne de Catulle : Voici les bois que ma jeune Angelette Notre Académicien préfère de beaucoup ces vers un peu gothiques à ceux-ci de Defpréaux : Voici les lieux charmans, où mon ame ravie Paffoit, à contempler Silvie, Ces tranquilles momens fi doucement pers ".. dus. Que je l'aimois alors, que je la trouvois belle ! Mon cœur, vous foupirez au nom de l'infidelle: Avez-vous oublié que vous ne l'aimez plus ? M. Marmontel décide qu'il y a du naturel & de la fenfibilité dans le morceau de Ronfard, & qu'il n'y a qu'un jeu de mots & de l'affectation dans la chanfon de Defpréaux; car c'eft une chanfon dont il ne rapporte pas le fecond couplet, & fes trois derniers vers fervent de refrain. Avez-vous oublié que vous ne l'aimez plus? n'eft pas un jeu de mots; c'est le fentiment naturel qu'infpire le dépit d'aimer encore malgré foi l'infidelle qu'on avoit juré d'oublier. D'ailleurs ces vers ont de la grace, de la douceur & de l'harmonie; & ceux de Ronfard n'ont rien de tout cela la pensée qui les termine eft ingénieuse & délicate; mais il l'a gâtée par une métaphore trop affectée. C'étoit bien affez de dire qu'amour ourdit la trame de fa vie de tout ce qui pouvoit lui rappeller fon amante; fans ajouter que cette trame eft ourdie fur le métier d'un penfer. C'eft joindre le pédantifme de l'expreffion à la délicatesse du fentimeut. : N'eft-ce point encore par l'effet d'un goût très-particulier, que M. Mar montel fait un fi grand éloge du Burlefque, & de Scarron? A moins qu'onn'aime mieux croire que l'affectation de contredire fans ceffe Defpréaux l'a engagé dans l'apologie de ce mauvais genre, dont Boileau a toujours fait la fatire. On fe rappelle fur-tout ce beau paffage de l'Art Poëtique : Au mépris du bon fens, le burlesque effronté Trompa les yeux d'abord, plut par fa nouveauté. On ne vit plus en vers que pointes tri viales: Le parnaffe parla le langage des holles; La licence à rimer alors n'eut plus de frein. Apollon travesti devint un Tabarin. Cette contagion infecta les Provinces, Du clerc & du bourgeois paffa jufque aux Princes; Le plus mauvais plaifant eut fes approba teurs, Er jufqu'à d'Affouci tout trouva des lec teurs. Mais de ce ftyle enfin la Cour désabusée, Dédaigna de ces vers l'extravagance aisée; Diftingua le naïf du plat & du bouffon; vrage: Imitons de Marot l'élégant badinage, Ce arrêt du légiflateur de notre Parnaffe, confirmé par le goût & par la raison, n'en a point impofé à M. Marmontel, Voici comment il plaide la cause du burlefque effronté & des plaifans du Pont-Neuf. « Le but moral de ce genre d'écrits » eft de faire voir que tous les objets Dont deux faces; de déconcerter la » vanité humaine, en préfentant les » plus grandes chofes & les plus fé>> rieufes d'un côté ridicule & bas; » en prouvant à l'opinion qu'elle tient » fouvent à des formes. De ce con trafte du grand au petit, continuel» lement oppofés l'un à l'autre, naît » pour les ames fufceptibles de l'im»preffion du ridicule, un mouve«ment de furprise & de joie, fi 2 vif, fi foudain, fi rapide • qu'il » arrive fouvent à l'homme le plus » mélancolique d'en rire tout feul aux » éclats..... Au refte, ce genre eft » peut-être celui de tous qui demande » le plus de verve, de faillie & d'ori »ginalité. Rien de plat, rien de » froid, rien de forcé n'y eft fuppor » table, &c. » S'il y a quelque chose de vraiment bouffon, c'eft de voir un grave Philofophe raisonner férieufement fur des grotefques, & chercher un but moral dans des fingeries. Ce feroit l'imiter, que de le réfuter férieufement; car enfin, qui ne voit pas que le burlefque dégrade la nature & l'efprit humain; qu'il n'y a rien de plus bas que de chercher le ridicule dans le fublime; & qu'il n'y a point d'autre manière de bien plaifanter, que de trouver le ridicule où il eft? L'opinion tient à des formes. O le beau raifonne ment! C'est-à-dire, qu'en donnant à Vénus un mafque & des habits gro tefques, on perfuadera aux hommes qu'ils ont une opinion chimérique de la beauté, & qu'elle peut fe trouver fous la forme la plus burlefque & la |