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& des récompenfes ; mais je fçais auffi que le vrai talent a la modeftie de n'ambitionner que la gloire, & préfére le plaifir d'avoir bien fait, à toutes les jouiffances de l'intérêt & de la vanité,

En parlant de la baffeffe, M. Mar montel affure que le caractère de Narciffe, poëtiquement parlant, a autaņi de nobleffe que celui d' Agrippine. Poëtiquement parlant, il devoit dire qu'il a autant de vérité des fentimens vils & bas, ne s'exprimeroient jamais avec autant de nobleffe que des fentimens fiers & relevés ; & fi cela étoit, le caractère ne feroit plus vrai. Dans la même page, il cenfure, comme bas, certains détails d'Hemere, & il s'y prend de la même manière que Perraut, en fe fervant d'expreffions baffes & ignobles; il dit que la fille d'Alcinous va laver la leffive; qu'Achille va mettre à la broche les viandes de fon fouper; qu'Uliffe agité, fe retourne dans fon lit comme du boudin qu'on fait griller fur du charbon. On voit qu'il a fes raifons pour aimer le burlefque de Scarron; mais ces baffes

parodies

parodies ne lui réuffiront pas mieux qu'à Perraut; & nous renvoyons le lecteur aux réflexions critiques de Despréaux.

M. Marmontel eft curieux dans les explications qu'il nous donne du Beau. Il feroit trop long d'examiner tout cet article; contentons-nous de ce paffage : << Pourquoi dit-on que » le lever ou le coucher du foleil eft ≫ beau, lorfque fur l'horifon il fe

rencontre des nuages fur lefquels » il femble répandre la pourpre & » l'or? C'est que l'or & la pourpre » font dans nos mains des chofes pré»cieuses; qu'à leur richeffe, nous

avons attaché le fentiment du beau » par excellence; & qu'en les voyant » briller d'un éclat merveilleux fur » les nuages que le foleil colore, nous. les comparons à ce que l'induftrie le luxe & la magnificence offrent » de plus riche à nos yeux. »

Ne feroit-il pas plus naturel de dire que nous trouvons beaux l'or & la pourpre, parce qu'ils reffemblent à ces beaux effets de la lumière du foleil fur les nuages? car à coup fur

No. 50. 11 Décembre, 1787. K

les hommes ont vu ce fpectacle du Ciel, avant qu'il n'exiftât pour eux de la pourpre & de l'or ; & ces chofes ne leur ont paru belles que par la comparaifon qu'ils en ont faite. La réflexion de M. Marmontel m'a rappellé la niaiferie de l'enfant d'un grand feigneur, qui comparoit le foleil à un louis d'or.

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Je paffe l'éloge que notre Auteur fait des vers blancs, qu'il voudroit mettre à la mode, afin que fes ou vrages en profe, prefque tous écrits en vers blancs, fuffent des poëmes; j'aime mieux vous citer ce que cet Ecrivain véridique dit avec tant de bonne foi de la cabale,

» La cabale en faveur des talens → médiocres ne leur eft guère utileg »elle les foutient quelques jours, » mais ils retombent avec elle; & » à la longue, rien ne peut empêcher » l'opinion publique d'être jufte, & » de marquer à chaque chofe le dégré » d'admiration, d'eftime ou de mépris » qui lui eft dû. »

Une chofe que ne dit point M. Marmontel, c'est à quoi l'on recon

noît infailliblement un homme mé◄ diocre porté par la cabale aux honneurs littéraires le voici; c'eft lorfque malgré tous ces honneurs, toutes les récompenfes, toutes les penfions tous les fuffrages de la cabale, fes ouvrages, reftent fans lecteurs, & font à peine connus de ceux mêmes qui

le vantent.

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Il femble que la nature, & peutêtre auffi l'art, aient fait exprès notre Académicien pour être d'avis opposé à Defpréaux en matière de goût. La leçon que Perraut avoit reçue de ce grand Poëte, au sujet de Pindare été perduepour M. Marmontel, comme on dit que les fottifes des pères font perdues pour les enfans. En effet l'Auteur des Elémens ne craint pas d dire, d'après Perraut: on ne ceffe de vanter Pindare qu'on entend mal, & dont il ne refte prefque rien de vraimen digne d'admiration. A cela, nous ne répondrons que ce que répondoi Boileau lui-même aux critiques d'e Perraut comme M. Marmontel fait! caufe commune avec fon devancier, la réponse doit être comm ne

auffi : « l'Auteur des Dialogues, qui, vraisemblablement ne fçait point de » grec, & qui n'a lu Pindare que » dans des traductions latines affez » défectueules, a pris pour galimathias, tout ce que la foibleffe de » (es lumières ne lui permettoit pas » de comprendre ».

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En parlant de la Chaire & de la Prédication, l'Auteur dit que Dieu & l'Eternité font les grands leviers de l'éloquence évangélique. Je ne crois pas que Pindare eût appellé Dieu un levier. Il n'auroit pas dit non plus, que l'Orateur doit étouffer de remords fon auditeur. Je ferqis tenté de croire que M. Marmontel préféreroit Lycophron à Pindare, comme il préfére Lucain à Virgile,

Après avoir ainfi traité le plus grand Poëte lyrique de l'antiquité, il eft peut-être fingulier de nous donner, quelques pages enfuite, ce couplet burlefque, comme un modèle de chanfon bachique :

Il me fouvient toujours qu'hier ma femme eft morte.

Le temps n'affoiblit point une douleur fi forte.

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