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LITTÉRAIRE.

LETTRE

XIV.

Eloge Hiftorique de l'Abbé de Mably, Difcours qui a partagé le prix ai jugement de l'Académie Royale des Infcriptions & Belles Lettres, en 1787; par M. l'Abbé Brizard, avec cette Epigraphe, tirée d'Horace: Non ego, te, meis

Chartis

S

inornatum filebo (Lib. IV

Ode VIII).

A Paris, chez Demonville, Impri♣ meur Libraire de l'Académie Françoife, rue Chriftine.

I l'on pouvoit douter de l'extrême différence qu'il y a entre la réputation No. 51.18 Décembre 1787. L

& l'eftime publique, on en verroit une preuve bien convaincante dans les deux concours établis pour l'éloge de d'Alembert, & pour celui de l'Abbé de Mably, Certainement le Littérateur Géomètre, & chef de parti, a compté de fon vivant, plus de prôneurs & de panégyriftes que le moderne Phocion, ennemi de toute cabale ? & ne tenant qu'au parti de la raifon & de la vérité. Cependant, à peine d'Alembert eft-il éteint, que l'Académie Françoise fe hâte de livrer fa mémoire aux Panégyriques, & le prix eft doublé. Ces éloges, qui lui furent tant de fois prodigués pendant la vie, deviennent fi difficiles après la mort, que la provocation de l'Académie repétée trois années de fuite, & foutenue d'un double prix, n'a obtenir pu encore qu'une fatire contre d'Alembert, feul ouvrage qu'on ait envoyé pour ce concours. Au contraire, l'éloge de Mably n'eft pas plutôt propolé par l'Académie des Belles-Lettres, qu'une foule de concurrens fe préfentent dans la carrrière, & deux ou vrages d'un mérite différent paroiffent

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dignes de partager la couronne. Cet exemple, entre mille autres doit apprendre au public à fe tenir Een garde contre les réputations fou. tenues par l'intrigue, & exaltées par l'efprit de parti. Celui qui parloit, il y a dix ans, de d'Alembert, comme on en parle aujourd'hui, paffoit pour un envieux; & celui qui répèteroit aujourd'hui, toutes les louanges qu'on lui donnoit alors, pafferoit pour un fot.

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L'Abbé de Mably devoit être eftimé de tous ceux qui le connoiffoient mais il ne pouvoit être bien loué que par des hommes remplis de fes principes, pénétrés de fa doctrine trop pure & trop éloignée des idées à la mode, pour être goûtée du plus grand nombre. M. l'Abbé Brizard digne d'être formé par un tel maître, s'est montré digne d'en parler. On voit en lui l'ami de l'homme de bien, homme de bien lui-même, perfuadé profondément des fages maximes dont il offre l'ensemble à l'admiration publique & par une perfuafion fi vive. fy fenfible, qui découvre toute fon ́ame,

l'éloge qu'il fait devient fon propre éloge.

Son début eft parfaitement bien adapté au fujet, & au caractère de celui qu'il loue; on croit entendre Mably lui-même, louant l'ancien Caton.

» Puifqu'on a choifi cette compa"gnie fçavante pour juge, on a voulų » fans doute écarter de cet éloge l'exa» gération, les faux ornemens, & tout » cet échafaudage d'éloquence qui a » un peu décrédité ce genre d'écrire. » Pour moi, interprête de la voix » publique, mes paroles feront fimples » & modeftes, comme celui qui en

eft le fujet; l'auftère vérité formerą » toute mon éloquence, comme elle "formoit fon caractère; & dans cet » examen que je vais faire de fa per» fonne & de fes écrits, je n'oublierai pas que c'eft un fage que je loue » & que c'est devant des fages que » je parle ».

Nous regrettons que le genre d'éloqence, adopté par nos Académies, aint forcé l'Auteur de rejetter dans les notes certains details fur la vie de

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PAbbé de Mably, qu'un Plutarque n'auroit pas jugés indignes de l'hif toire. Nous ne voyons pas pourquoi, dans un éloge hiftorique, les faits fuivans ne pourroient pas trouver une place honorable.

L'Abbé de Mably nâquit à Grenoble, le 14 Mars 1709. Il avoit pour frère l'Abbé de Condillac: fes neveux, fils de M. de Mably, grand Prévôt de Lyon, ont eu quelque temps J. J. Rousseau pour inftituteur. C'est pour l'un d'eux que Rouleau fit le petit écrit qui a pour titre, Projet pour l'éducation du jeune Sainte Marie C'eft peut-être à ce premier effai que nous avons dû l'Emile,

La famille de Mably étoit alliée des Tencin. Une Dame, qui a rendu ce nom célèbre, réuniffoit alors chez elle l'élite des gens de Lettres. Outre fes dîners de Beaux-Elprits elle avoit des dîners politiques; Montefquieu en étoit; Mably y fut admis. Il venoit de donner le Parallèle des Romains & des François, dont on difoit du bien.

Auteur fut par la fuite, plus

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