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voix fe réuniffent avec le plus de force & d'éloquence, c'eft lorfqu'ils plaident la caufe de l'humanité contre Poppreffion, & qu'ils parlent en faveur du peuple efclave & de la liberté : tant que vos payfans & vos malheureux vaffaux gémiront dans les fers dè la fervitude, point de patrie pour eux, point de gouvernement pour la Pologne: adouciffez peu à peu leur joug: montrez leur en perfpective, le prix qui les attend; préparez ces ames avilies par la fervitude, à fupporter le bienfait de la liberté : n'affranchiffez leurs corps,qu'après avoir affranchi leurs ames, s'écrie Rouffeau. On ne viole point impunément les loix de la nature, dit Mably; la terre veut être cultivée par des mains libres; lu fervitude frappe les hommes & les terres de ftérilité..... Les points même fur lefquels les deux Philofophes diffé rent, peuvent infiniment éclairer la Nation fur fes vrais intérêts. Leurs raifons refpectives méritent bien d'être pefées, & peuvent jetter un grand jour fur cette difcuffion, d'où dépend

peut-être tout le malheur ou le bonheur des Polonois ».

Plufieurs perfonnes regardent le livre intitulé de la Législation, ou Principes des Loix, comme le chefd'œuvre de l'Abbé de Mably. Dans cet ouvrage, il a raffemblé les leçons qu'il avoit puifées à l'école des Platon, des Xénophon, des Cicéron & de tous les fages de l'antiquité; il y joignit fes propres méditations, & il fit voir que la fcience du Légiflateur n'est autre chofe que la fcience de rendre les hommes bons, fages & heureux.

Son traité de l'Etude de l'Hiftoire avoit d'abord été imprimé dans le Cours d'Etude de l'Abbé de Condillac - fon frère; il a été fait pour l'inftruction du jeune Prince, devenu Duc de Parme & de Plaifance. L'Abbé de Mably fit imprimer féparement cet ouvrage, en un volume.

Enfuite il fit paroître un autre traité fur la manière d'écrire l'Hiftoire, plein d'excellentes idées, & de critiques ; fort judicieufes contre quelques-uns de nos hiftoriens philofophes, & furtout Voltaire, dont il relève un peu

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trop durement, à ce qu'on dit, mais justement, les erreurs, les préjugés, & cette manière infoutenable qui morcèle & découpe l'hiftoire en parágraphes & en épigrammes.

Le livre intitulé Principes de Morale, mérita la cenfure de la Sorbonne par plufieurs paffages hazardés & fufceptibles d'une interprétation dangereufe. Admirateur & enthoufiafte des Anciens, l'Abbé de Mibly croyoit ne mériter aucun reproche, en penfant comme Caton; mais il oublioit que les principes & les mœurs de Caion étoient bien éloignés de la pureté qu'exige le Chriftianifme.

Le dernier ouvrage imprimé de cet eftimable Ecrivain, font des Ob fervations fur les Etats-Unis d'Amé· rique, en quatre lettres, adreffées à l'un des Envoyés des Etats-Unis, M. John Adams, qui avoit défiré les remar de l'Auteur fur les Conflitutions de l'Amérique c'eft ce qui avoit induit en erreur. & fait dire dans le temps, que les Colonies Angloifes l'avoient choisi pour leur Législateur. Ses Obfervations parurent févères,

ques

mais il crut pouvoir dire la vérité toute entière. Il est très faux qu'on ait brûlé en Amérique, ou traîné dans la boue, l'Ouvrage de Mably, comme on l'a prétendu dans quelques papiers publics. Ce bruit a été dé

menti.

Parmi les Ouvrages manufcrits que l'Abbé de Mably a laiffés, outre là fuite des Obfervations fur l'Hiftoire de de France, dont nous avons parlé, on a trouvé un traité des droits & des devoirs du Citoyen, qui pourra former deux volumes, & différens autres traités du Beau, des Talens, des Paffions, &c.

Le caractère de l'Abbé de Mably étoit auffi fièrement prononcé dans fes actions que dans fes ouvrages; & l'homme, chez lui, n'offroit point de fcandaleux contrafte avec l'Ecrivain. Il a fui les honneurs, la fortune, les places, les diftinctions, avec autant de foin que d'autres les recherchent. La mocération de l'ame étoit fon tréfor. Solitaire au milieu de Paris, fon nom étoit très-connu, & fa perfonne l'étoit très-peu. Il dé

de

daignoit les brigues, les prôneurs, & redoutoit les protecteurs. Il repouffoit, & même avec humeur, ce commerce d'éloges qui fait les délices l'amour-propre & de la médiocrité. Il fe mit un jour véritablement en colère contre un homme qui le compa roit à Platon, & qui pour prix de fa complaifance, attendoit peut-être que Platon le comparât à Socrate. Il retraçoit la fimplicité des mœurs antiques; mais fous ces dehors fim ples & modeftes, il avoit une ame grande & fière; il conferva toujours la dignité d'homme de lettres. Il ne manquoit aucune occafion de venger le mérite modefte & la vertu, des farcafmes & des mépris de la fottife orgueilleuse. Un grand, parlant un jour devant lui, d'un homme de mérite très-diftingué, mais qui avoit le tort de n'être ni riche ni d'une haute naiffance dit avec dédain: qu'il l'avoit tiré de fon grenier. Mably ne craignit pas d'élever la voix : Monfieur le Comte, dit-il, ce font les gens de mérite qui logent dans des gre niers, & les fots......habitent dans des hôtels.

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