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fouvent avant lui. Mais l'envie d'ajouter des chofes nouvelles, d'être luimême, & de penfer d'après lui, ne lui réuffit pas fouvent. Son goût eft d'emprunt; quand il choifit bien, il parle comme tous les gens de goût : mais quand il ne confulte que fon bel efprit, il tombe dans le paradoxe, dans le fingulier, dans le faux, dans le frivole; il n'eft original qu'aux dépens du bon fens. Nous en avons déjà donné plufieurs preuves dans notre premier extrait. Il en refte encore un très-grand nombre; nous choifirons, parce que nous ne vou lons pas faire un volume.

Si nous parlons beaucoup de Boileau, ce n'eft pas notre faute, c'eft celle de M. Marmontel, qui a conçu pour ce Poëte, une averfion bien opiniâtre & bien rifible. Si l'on croyoit encore à la Métempfycofe, on diroit que l'efprit & la vengeance de tous les Auteures maltraités par le fatyrique, ont paffé dans l'ame de M. Marmontel. Prefque tous les articles portent l'empreinte de fa bile & de fa haine contre Defpréaux. Son

nom revient fans ceffe, & les injures en même temps. La Rancune fut moins colère & moins obftiné dans le Roman Comique. M. Marmontel a même enveloppé dans fa haine, tous les admirateurs de Despréaux, & vous allez voir avec quel mépris académique il traite tous ceux qui ne penfent pas comme lui à l'égard de ce grand homme; c'est à l'article Critique. « J'aurai le courage d'avancer quoique bien fûr d'être contredit » par le bas peuple de la littérature, a que Boileau, fur les chofes de fen»timent & de génie, n'a jamais bien

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jugé que par comparaison. Delà »vient qu'il a rendu justice à Racine,

l'heureux imitateur d'Euripide; » qu'il a méprifé Quinaut & loué » froidement Corneille, qui ne reffema bloient à rien; fans parler du Taffe » qu'il ne connoiffeit point, ou qu'il n'a jamais bien fenti. Et comment Boileau, qui a fi peu imaginé, »» auroit-il été un bon juge e dans la partie de l'imagination ? comment auroit-il été un vrai connoisseur dans la partie du pathétique, lui

à qui il n'eft jamais échappé un > trait de fentiment dans tout ce qu'il » a pu produire qu'on ne dife pas a que le genre de les œuvres n'en » étoit pas fufceptible. Ni l'un ni » l'autre de ces dons ne reste enfoui » dans une ame ; & lorfqu'il domine, ail abonde, "

Vous voyez avec quelle adreffe & quelle aménité M. Marmontel relègue parmi le bas peuple de la littérature quiconque ofera le contredire. Il me femble que ce n'eft pas là le ton de la bonne fociété, où l'on n'accorde pas beaucoup d'éducation ni d'efprit aux difputeurs entêtés qui ne fouffrent pas que l'on combatte leurs opinions. Ce n'eft pas tout d'être académicien, il faut encore être poli. Mais lui qui contredit fans ceffe & Homere, & Virgile, & Boileau, & Rouffeau, & beaucoup d'autres grands hommes, dans quelle claffe veut-il donc qu'on le range? il devroit bien fe dire à lui-même :

Eheu quam in nofmet legem fancimus

iniquam !

Au refte ce ton de mépris, fi mé prifable, ne nous empêchera pas plus de relever les mauvais jugemens, que l'infolence d'un parvenu n'empêche un honnête homme de parler contre les abus de la finance.

Qui ne riroit pas de voir l'air de confiance avec lequel on ofe affurer que l'Auteur de l'art Poëtique & du Lurin n'avoit point d'imagination ni de génie; que par conféquent il ne pouvoit pas juger des ouvrages de génie, autrement que par comparaifon? mais eft-il vrai qu'il a loué froidement Corneille qui ne reflembloit à rien? (plaifant éloge qu'on n'a jamais donné que par dérifion aux mauvais originaux!) Despréaux a loué avec enthousiasme le Cid:

Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue.

Defpréaux a été le premier qui a reconnu hautement que les trois premiers actes des Horaces étoient ce qu'il y avoit de plus parfait au théâtre, & que Cinna étoit un chef-d'œuvre.

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Au Cid perfé cuté Cinna doit fa naiffance

Lorfque Defpréaux a voulu donner des exemples du fublime le plus élevé, il les a pris dans Corneille; il les a cités avec admiration; il en a fait fentir la beauté en homme qui la fentoit bien lui-même. Il y a plus : c'eft que dans tous fes ouvrages, il loue plus fouvent Corneille que Racine fon ami. Ce font là des faits connus qui démontrent la faufseté de l'affertion de M. Marmontel. Def préaux, dit-on, n'a rendu juftice à Racine qu'en faveur de fes imitations d'Euripide. Autre fauffeté : car Britannicus n'eft pas imité d'Euripide; & l'on fait que cette Tragédie ayant fort peu réuffi à la première repréfentation, Defpréaux courut à fon ami, l'embraffa, le félicita devant tout le monde, l'affura qu'il n'avoit encore rien fait d'auffi bon, & que le public reviendroit de fon erreur. Prédiction qui n'étoit pas d'un juge bannal & qui s'eft accomplie. Il a confacré fon admiration pour cette pièce, dans ces vers de fon Epître à Racine :

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