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LITTÉRAIRE.

ANNÉE M. DCC. LXXXVII.

Parcere perfonis, dicere de vitiis. MARt. TOME HUITIEME.

A PARIS.

Chez MERIGOT, le jeune, Libraire, Quai des Augustins, au coin de la rue Pavée.

M. DCC. LXXXVIL

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L'ANNÉE

LITTÉRAIRE;

3.

Poëmes fur la mort de LEOPOLD, Duc DE BRUNSWICK,

Le fiècle où l'on parle le plus d'humanité n'eft pas toujours celui où l'on fçait le mieux la célèbrer; & quoique dans ce temps-ci fur tout, les héros foient extrêmement rares, nous en avons encore plus que de Poëtes. L'imagination, la fenfibilité, la chaleur, le naturel & le goût s'éteignent à la fois dans les Auteurs & dans les lecteurs; on n'aime plus les vers, on ne s'y connoît plus. On rime cependant, on verfifie, on aligne des héniftiches tantôt plats & rampans, tantôt emphatiques & bourfoufflés; tantôt maniérés & precieux, toujours inípides

No. 46. 13 Novembre 1787. A ij

& froids; mais pour de la poëfie, il n'en eft plus queftion, & on peut lui appliquer ce que difoit le bon La Fontaine de l'amour.

Nous n'en avons ici ni vent ni voye.

Il faut du moins louer le zèle de cette foule d'Ecrivains qui fe font empreffés d'offrir au héros de l'humanité, l'hommage, quoique foible, de leur Mule. Horace craignoit autrefois de ternir par la médiocrité de fon génie, la gloire de Céfar & d'Agrippa. Boileau avoit peur de flétrir les lauriers de Louis XIV en y touchant; il eft vrai que pour chanter des victoires & des conquêtes, le talent eft peutêtre plus néceffaire, parce qu'un pareil genre de mérite eft plus brillant que folide; parce qu'on ne peut fuppofer au Poëte d'autre motif que celui de s'affocier à la gloire du Conquérant; & s'il ne réuffit pas, fa témérité & fa préfomption n'ont point d'excufe: mais quand il s'agit de louer des vertus, le cœur peut en quelque forte fuppléer au génie : le Poëte femble remplir un devoir facré plutôt qu'obéir

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à la voix de l'ambition, & s'il échoue dans un fi noble projet,

11 a du moins l'honneur de l'avoir en trepris.

En fuivant l'ordre établi par l'Académie, la première pièce eft celle de M. Terraffe Desmareilles, qui a remporté le prix on y trouve de la fageffe, de la précifion, de la netteté, de la jufteffe, une verfification facile & coulante; ce ne font pas là tout-àfait les qualités diftinctives d'une Ode héroïque. On voudroit y trouver ce beau défordre qui eft un effet de l'art, des élans poëtiques, de l'enthoufiafme, de grandes images, des idées fublimes, des traits de feu; & en faveur de ces beautés, on auroit pardonné beaucoup de fautes: l'Ode de M. Desmareilles eft froidement régulière; leftyle en eft correct, mais terne & compaffé; la marche en est méthodique & monotone. Il n'y a prefque rien à reprendre, mais encore moins à louer.

Le début me paroît élégant &

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