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Rouffeau. Dans fes Cantates dit l'Auteur, les paroles de l'air font lé plus fouvent une pensée froide, tandis que l'expreffion paffionnée ou fenfible eft dans le récit. Affi-tôt je me rappelle cet air de Circé :

Sa voix redoutable

Trouble les enfers, &c.

Etcela ne me paroît pas être une pensée froide; non plus que cet air d'Amy.

mone:

A l'innocence pourfuivie,

Grand Dieu, daigne offrir ton fecours, &c, Et dans la Cantate de Thétis:

Où fuyez-vous, Déeffe inexorable, &c
Et dans celle de Bacchus :

Defcendez, Mère d'Amour
Venez embellir la fête

Du Dieu qui fit la conquête
Des climats où naît le jour.
Descendez, Mère d'Amour :

Mars trop long-temps' vous arrête.

Déjà le jeune Sylvain,
Ivre d'amour & de vin,

Pourfuit Doris dans la plaine;
Et les Nymphes des forêts,
D'un jus pétillant & frais
Arrofent le vieux Sylène.

Et dans les forges de Lemnos:

Travaillons, Vénus nous l'ordonne.
Excitons ces feux allumés :
Déchaînons ces vents enfermés;
Que la flamme nous environne.

Que l'airain écume & bouillonne ;
Que mille dards en foient formés :
Que, fous nos marteaux enflammés,
A grand bruit, l'enclume réfonne.

Et encore cet air de l'Amant heureux;

Un feu féditieux

Brûle au fond de mon ame,

Et d'une humide flamme

Fait pétiller mes yeux.
D'un poifon que j'ignore
Mon fang eft allumé;

Et des feux du centaure

Hercule confumé

Languioflit moins encore
Que mon cœur enflama.é,

Si l'Auteur de l'Opéra de Penelop:, & de l'Ami de la Maison, trouve cette poëfie là froide ; il a fans doute les raifons, qui ne feront celles de perfonne.

A l'article Elégance, voici un Oracle Le flyle de Defpréaux eft correct; celui de Quinaut eft élégant. Je demande cependant fi Defpréaux a jamais fait des vers auffi plats que ceux-ci de Quinaut :

L'hiver qui nous tourmente
S'obftine à nous gêler.

Nous ne fçaurions parler

Qu'avec une voix tremblante.

La neige & les glaçons.

Nous donnent de mortels friffons.
Les frimats fe répandent
Sur nos corps languiffans.

Le froid tranfit nos fens,
Les plus durs rechers fe fendent.
La neige & les glaçons.
Nous donnent des friffons

Je demande encore fi, dans le genre lyrique, Quinaut n'a jamais fait des vers où la poëfie & l'élégance fe trouvent réunies au même dégré de perfection que dans ceux-ci de Def= préaux :

Et-ce Apollon & Neptune,
Qui fur ces rocs fourcilleux,
Ont, compagnons de fortune,
Bâti ces murs orgueilleux ?
De leur enceinte fameuse
La Sambre unie à la Meuse,
Défend le fatal abord :

Et par cent bouches horribles
L'airain fur ces monts terribles
Vomit le fer & la mort,

Dix mille vaillan's Alcides,
Les bordant de toutes parts,
D'éclairs au loin homicides,
Font pétiller leurs remparts:
Et dans fon fein infidèle

Par tout la terre y recèle
Un feu prêt à s'élancer,
Qui foudain perçant fon gouffre,
Ouvre un fépulchre de foufre
A quiconque ofe avancer,

Namur devant tes murailles,
Jadis la Grèce eût vingt ans
Sans fruit vu les funérailles
De fes plus fiers combattans.
Quelle effroyable puiffance
Aujourd'hui pourtant s'avance,
Prête à foudroyer tes monts !
Quel bruit, quel feu l'environne.!
C'eft Jupiter en personne,
-Ou c'est le vainqueur de Mons.

N'en doute point, c'est lui-même, Tout brille en lui, tout eft Roi, &c. A l'article Eloquence, découverte importante l'éloquence n'eft plus l'art de perfuader; felon M. Marmoniel c'eft la faculté d'agir fur les efprits & fur les ames par le moyen de la parole. Sa définition n'a pas l'avantage d'étre plus courte que l'autre, mais de dire la même chofe en plus de mots : car on ne perfuade qu'en agiffant fur les efprits & fur les ames. Par le moyen de la parole eft affez inutile; car il y a quelquefois une éloquence muette, comme celle de Didon & d'Ajax dans les enfers. Je regette de n'avoir

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