Images de page
PDF
ePub
[ocr errors]

» devant la plus foible vertu. O qu'un >> fentiment de pitié & de bienfaifance, »ô qu'une feule larme verfée fur les » malheureux eft plus précieuse, » honore plus l'humanité que tous » les fuccès des conquérans ! »

כל

Après avoir montré dans St. Louis le vrai politique, le fage Légiflateur, le Prince Religieux, l'arbitre des Souverains & le Pacificateur de l'Europe entière M. l'Abbé Lambert hazarde un paralèlle entre fon Héros, Charlemagne, & Louis XIV.

[ocr errors]

» Tous les trois ont eu l'ame » grande & le génie élevé. Les règnes » de tous les trois font époque dans » les faftes de la Monarchie Françoile;

tous les trois ont été conquérans. » Charlemagne dans fes conquêtes envifagea la gloire de fa couronne; » Louis XIV fa gloire perfonnelle; » Louis IX la gloire de la Religion. » Charlemagne & Lous IX s'élançant » par leurs propres forces, de la nuit » des préjugés & de l'erreur dans » la fphère de la vérité, & delà »jugeant les peuples, inftruifant les » fiècles, faifant le bonheur du monde,

כל

paroiffent avoir atteint le plus haut point de grandeur où puiffe monter » la foibleffe humaine. Louis XIV » par l'impulfion qu'il donne à tous » les efprits, par cette émulation. générale qu'il fçait exciter, & qui » fait éclore tous les talens à la fois, » femble avoir porté fa nation à un degré de fupériorité qu'aucun peuple » n'atteindra jamais. »

α

Je me fuis encore arrêté avec plus de complaifance fur la feconde partie. J'aime encore mieux le bon Roi, que le grand Roi. L'Orateur paroît avoir éprouvé la même sensation que moi, fi l'on juge par la manière franche & aifée avec laquelle il eft entré dans sa feconde partie.

» Il n'eft point de vertu fur le » trône, qui obtienne une récompense » auffi fure & auffi flatteufe que la a bonté. Que d'hommages l'accom>pagnent & l'honorent! ce triomphe » fi beau de règner fur les cœurs ; ce » plaifir fi pur de faire des heureux; » ce charme inexprimable des ames

fenfibles, de fe voir adorées de tout » ce qui les environne! ô que les

» Rois ont intérêt d'aimer leurs fujets » & de les rendre heureux. »

Qu'on aime à fuivre l'Orateur dans tous les détails de la bonté de Louis, de le voir affable envers les grands, pieux, & refpectueux envers la mère, inconfolable de la mort de fon frère, vivant famil èrement avec les Thomas, les Sorboa, les Boifleve, protégeant Sorbon, qu'une plaifanterie amère avoit déconcerté, épenchant fon cœur dans le fein de Joinville, car Joinville furtout joue un rôle intéreffant dans cette feconde partie, & l'on parle de lui prefque auffi naïvement qu'il en parloit lui-même.

[ocr errors]

» Ce n'étoit pas avec des gouver» nemens, avec des penfions ou des dignités que St. Louis s'étoit attaché » Joinville; un regard, une fimple » parole, quelquefois une main paffée » autour du col de fon ami, accom»pagnée d'un difcours affectueux. » Joinville, fi je demeure en Palestine, refterez vous avec nous?

[ocr errors]

oui certes, -Mon ami, je

» fût-ce à mes dépens. » vous fçais gré de tout ce que vous » faites pour moi. Voilà, Meffieurs, ce

5 qui le transportoit. Dans toute cette » femaine, dit il, je fus fi content que a nul mal ne me grévoit plus.

M

»

C'est encore un moment touchant que celui-ci :

"St. Louis propofoit un jour à » Joinville de lui augmenter le revenu » de fes charges pour le dédommager >> des pertes qu'il avoit faites dans les

Croifades. Sire, lui répondit Join» ville, ce n'eft pas par intérêt que je → vous fers; mais puifque vous voulez » m'obliger, je ne vous demande qu'une grace, c'eft de ne plus mettre d'humeur dans vos refus, & moi de mon côté, ɔɔ je m'engage à n'en point faire paroître » de chagrin. »

» Voilà donc, Meffieurs, un cour» tifan pauvre, ruiné au fervice d'un » Roi, tout à fait indifférent aux >> refus qu'il peut effuyer à la Cour, » & fenfible feulement aux bonnes graces de fon Souverain. »

La bonté de St. Louis n'étoit point foibleffe: elle avoit les caractères qui la rendent plus précieuse, juftice &

fermeté. Après cette réflexion vraie & folide, M. l'A. L. entrainé par le penchant de fon cœur & le charme de fon fujet, revient encore à ces détails touchans auxquels on ne peut s'arracher. Cent fois nous avons vu dans Joinville ces fcènes attendriffantes & naïves, & nous les revoyons toujours avec plaifir le recit fuivant mis dans un ftyle plus moderne n'a rien perdu de fa naïveté.

[ocr errors]

כל

» Souvent, nous dit ce naïf historien, St. Louis alloit dans le bois » de Vincennes rendre la juftice. Il s'affeyoit au pied d'un chêne; grands » & petits, nous nous rangions fans » diftinction autour de lui; fans gardes, » fans pompe, il fe rendoit acceffible » à tout le monde ; là, le malheureux » venoit déposer fes chagrins dans » fon fein, & il le confoloit; la veuve » affligée, d'une main tremblante lui » préfentoit la lifte de fes enfans » délaiffés & au berceau, & il leur > affuroit à tous du pain; l'orphelin » trifte & pâle, comme au jour » lugubre des funérailles de fes parens, a venoit exhaler à ses pieds fa douleur,

[ocr errors]
« PrécédentContinuer »