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» la moindre part à vos honnêtetés, & je fuis feul oublié, dans vos invita»tions. Au refte, j'en fuis moins fâché » pour moi que pour vous, qui montrez tant d'ingratitude: affûrément je ne fais point dépendre mon bonheur » d'un morceau de fanglier, d'un lièvre • ou d'un gâteau; j'en reçois affez de ceux qui fçavent ce qui convient mieux que vous. Aujourd'hui en» core mon difciple Pammene m'avoit fait les plus vives inftances pour prendre chez lui, ma part d'un trèsbon dîner, & j'ai eu la fimplicité de ne point m'y rendre, par égard » pour vous, qui m'oubliez & donnez la preférence à d'autres.... Au refte, je vois à qui je fuis redeva-. »ble de ce traitement; je n'ai pas » autre chofe à attendre de vos admira»bles Philòphes Zénothemis & Laby

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rinthe, que je pourrois, fans vanité, » réduire au filence par un fimple fillogifme..... Au refte, jouiffez à » votre aife de pareils amis. Pour » moi, qui ne reconnois pour bien, que ce qui eft jufte & honnête »je fupporterai fans peine l'infulte

que vous me faites. Vous ne pou» vez cependant vous excufer fur le » trouble & l'embarras de votre fête; »je vous ai falué deux fois aujour. » d'hui, d'abord ce matin chez vous, » & depuis, dans le Temple des » Diofcures, où vous faifiez un facrifice, & plufieurs de vos convives me font témoins de ceci.... J'ai ́ recommandé à mon esclave que fi, pour réparer votre faute, il vous » venoit dans la penfée, de le char»ger de quelque morceau de fanglier, » de cerf ou de gâteau, il fe gardât

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bien de rien recevoir, afin que vous » ne puiffiez pas imaginer que je l'ai envoyé dans cette intention. »

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Une pareille lettre donne beau jeu au péripatéticien Cloodeme, & à l'épicurien Hermon, ennemis déclarés des ftoïciens: Zenothemis, zélé ftoïcien, veut répondre à leurs railleries par des injures: La querelle s'échauffe; ces graves perfonnages fe font les uns aux autres des reproches atroces.« Réponds» moi, Zenothemis, s'écrie Cleodeme, je voudrois bien fçavoir pourquoi tout en difant que l'argent eft une

>> chofe abfolument indifférente, vous » ne penfez qu'à amaffer de l'argent ; pourquoi vous faites le métier » d'ufurier, & exigez l'intérêt de » l'intérêt; pourquoi en un mot, vous » n'enseignez qu'à prix d'argent; je

vous demande encore pourquoi, > en affichant tant d'averfion pour la » volupté, & tant d'éloignement pour » les épicuriens, on vous voit tous » les jours faire & fouffrir tant de » chofes honteufes pour la volupté, » & vous fâcher fi fort, lorfqu'on a » oublié de vous inviter à un repas; » pourquoi, lorfqu'on vous y admet, » vous mangez avec tant de glou

tonnerie, & paflez tant de bons > morceaux à vos efclaves. En prononçant ces derniers mots, il s'effor »çoit d'arracher à celui qui étoit » derrière Zenothemis, une ferviette » remplie de toutes fortes de viandes, » dans l'intention de l'ouvrir & de faire tomber par terre tout ce qu'elle » contenoit; mais l'efclave tint ferme, & ne lâcha pas prife ».

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La difpute excitée par l'orgueil & l'efprit de fecte paroiffoit appaifée,

lorfque la gourmandise la ranima. Zenothemis s'avife de porter la main fur une poule placée devant l'épicurien Hermon, la trouvant plus graffe que celle qu'il avoit devant lui. Her mon défend fa poule, les deux cham pions en viennent aux mains; les autres Philofophes prennent parti. La plûpart font griévement bleffés, fur-tout le vieil Zenothemis, qui a le nez emporté & un œil crevé dans la bataille : comme il fe retiroit en criant qu'il fouffroit des douleurs infinies, fon ennemi Hermon l'infulte encore en lui difant: tu vois, Zenothemis, que la douleur n'eft pas une chofe indifférente, comme les ftoïciens le préten dent.

Le traité du Deuil eft une ironie continuelle, qui a pour objet le vain appareil des cérémonie funèbres, les lamentations extravagantes, & toutes les folies que font les hommes à la mort des perfonnes qui leur font chères; il introduit un père déplorant la mort de fon fils, enlevé à la fleur de l'âge, & il fuppofe que le fils lui

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répond avec la permiffion d'Eaque & de Pluton.

» Ceffez de vous arracher les che» veux & de vous enfanglanter le » vifage; pourquoi me plaignez-vous fi fort? pourquoi m'appellez-vous malheureux, moi qui jouis d'un fort beaucoup meilleur que le vôtre ? Par quelle raifon me croyez-vous fouf» frant? Seroit-ce parce que je ne fuis

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pas, comme vous, accablé d'an»nées, chauve, ridé, tout courbé &

chancelant fur mes genoux? Seroit»ce enfin parce que l'âge ne m'auroit » pas permis de compter de mon vivant un auffi grand nombre de mois » & d'olympiades, ou qu'il n'auroit pas émouffé mes fens au point de » me faire déraifonner comme vous, »en préfence de tant de témoins? In>> fenfé, quels biens voyez-vous dans » la vie, dont vous ayez à regretter la jouiffance pour moi? C'eft le vin, me direz-vous, la bonne chère, l'amour,les beaux habits. Et craignez»vous que leur privation me rende malheureux ? Vous ne voyez donc

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