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LE Protestant a souvent fait remarquer que l'Eglise de Genève, en abandonnant les confessions de foi, n'avait fait autre chose que d'obéir au principe de la Réformé, et d'user d'un droit que les Réformateurs n'avaient cessé d'invoquer.

On n'a jamais répondu à cet argument, et en effet on ne peut contester le droit de notre Eglise, sans contester celui de Luther et de Calvin.

Mais bien des gens, sans prétendre attaquer le droit, sont disposés à croire que les confessions de foi étaient utiles, et qu'il est fort regrettable qu'on y ait renoncé. C'est à cette classe de personnes que nous adressons les réflexions suivantes de Leibnitz. Cet homme, un des plus grands défenseurs du Christianisme, et le génie le plus universel qu'ait produit l'Europe moderne n'hésite pas à regarder les formulaires comme un des fléaux de

TOM. IX.

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la religion. Il les place sur le même rang que les céré– monies romaines et les pratiques pharisaïques.

On ne doit pas oublier que Leibnitz exprimait cette opinion en 1710, quinze ans avant l'époque où l'Eglise de Genève renonça formellement aux confessions de foi.

«On a vu de tout temps que le commun des hommes a mis la dévotion dans les formalités. La solide piété, c'est-à-dire la lumière et la vertu, n'a jamais été le partage du grand nombre. Il ne faut point s'en étonner, rien n'est si conforme à la faiblesse humaine; nous sommes frappés par l'extérieur, et l'interne demande une discussion dont peu de gens se rendent capables. Comme la véritable piété consiste dans les sentimens et dans la pratique, les formalités de dévotion l'imitent, et sont de deux sortes; les unes reviennent aux cérémonies de la pratique, et les autres aux formulaires de la croyance.

« Les cérémonies ressemblent aux actions vertueuses, et les formulaires sont comme des ombres de la vérité, et approchent plus ou moins de la pure lumière. Toutes ces formalités seraient louables, si ceux qui les avaient inventées les avaient rendues propres à mainte÷ nir et à exprimer ce qu'elles imitent; si les cérémonies religieuses, la discipline ecclésiastique, les règles des communautés, les lois humaines, étaient toujours comme une haie à la loi divine, pour nous éloigner des proches du vice, nous accoutumer au bien, et nous rendre la vertu familière. C'était le but de Moïse et d'autres bons législateurs, des sages fondateurs des ordres religieux, et surtout de Jésus-Christ, divin fondateur de la religion la plus pure et la plus éclairée. Il en est autant des formulaires de créance; ils seraient passables s'il n'y avait rien qui ne fût conforme à la vérité salu

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taire, quand même toute la vérité dont il s'agit ne s'y trouverait pas. Mais il n'arrive que trop souvent que la dévotion est étouffée par des façons, et que la lumière divine est obscurcie par les opinions des hommes...

« On ne saurait aimer Dieu sans en connaître les perfections, et cette connaissance renferme les principes de la véritable piété. Le but de la vraie religion doit être de les imprimer dans les âmes; mais je ne sais comment il est arrivé que les hommes, que les docteurs de la religion, se sont fort écartés de ce but. Ccontre l'intention de notre divin Maître, la dévotion a été ramenée aux cérémonies, et la doctrine a été chargée de formules. Bien souvent ces cérémonies n'ont pas été bien propres à entretenir l'exercice de la vertu, et les formules quelquefois n'ont pas été bien lumineuses. Le croirait-on? Des Chrétiens se sont imaginés de pouvoir être dévots, sans aimer leur prochain, et pieux sans aimer Dieu; ou bien, on a cru pouvoir aimer son prochain sans le servir, et pouvoir aimer Dieu sans le connaître. Plusieurs siècles se sont écoulés, sans que le public se soit bien aperçu de ce défaut; et il y a encore de grands restes du règne des ténèbres. On voit quelquefois des gens qui parlent fort de la piété, de la dévotion, de la religion, qui sont même occupés à les enseigner; et on ne les trouve guère bien instruits sur les perfections divines. Ils conçoivent mal la bonté et la justice du souverain de l'univers ; ils se figurent un Dieu qui ne mérite point d'être imité, ni d'être aimé. C'est ce qui m'a paru de dangereuse conséquence, puisqu'il importe extrêmement que la source même de la piété ne soit point infectée. Les anciennes erreurs de ceux qui ont accusé la Divinité, ou qui en ont fait un principe mauvais, ont été renouvelées quelquefois de

nos jours. On a eu recours à la puissance irrésistible de Dieu, quand il s'agissait plutôt de faire voir sa bonté suprême ; et on a employé un pouvoir despotique, lorsqu'on devait concevoir une puissance réglée par la plus parfaite sagesse*. »

A travers les généralités et l'extrême modération de ce langage, il est facile de discerner la portée réelle du sentiment de Leibnitz, pour peu que l'on connaisse l'époque où il a vécu, et le caractère des théologiens dont il avait à redouter la haine, et qui, malgré toutes ses précautions, ne l'épargnèrent pas. Ce grand homme, en effet, fut accusé de ne rien croire, comme le témoigne cette espèce de gentillesse à l'usage des rigides Luthériens d'alors, et qui avait acquis parmi eux l'autorité d'un proverbe : Leibnitz glaubt nitz**.

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A ton nom, Fils de Dieu, l'univers tressaille, le Séraphin bégaie interdit; qui suis-je donc, pour oser essayer un hymne à ta louange?

Poussière de poussière! Cependant cette enveloppe d'argile voile aux regards un immortel, dont la pensée ravit d'enthousiasme!

Aussi doit-il un jour triompher du cercueil. De célestes clartés viendront l'arracher au sommeil de la tombe. O terre qui reçois l'homme dans ton sein, lorsqu'il redevient ce qu'était son premier père, avant que, sorti brillant des mains de la création, il eût commencé d'exister!

Champ sacré, qui recèles la vie; quand verrai-je les mille milliers de morts que tu renfermes, se lever, du couchant à l'aurore, pour naître de nouveau? quand pourrai-je mêler mes larmes à leurs larmes?

Ah! coulez, coulez vite, heures du funèbre sommeil ! ne soyez pas si lentes, avancez le moment de ma résurrection!... Mais, que dis-je, illusion fatale!... mon pied foule encore la terre des vivans, ma tombe n'est qu'entr'ouverte !

Ah! viens donc, heure de la mort; hâte-toi, je t'attends... Dans le champ du repos où la vie mûrit pour l'immortalité, je cherche la place qui m'est réservée, où est-elle ?...

Laissez-moi, je veux y pénétrer; je veux y plonger mon regard enivré, je veux y répandre des fleurs, et puis m'ensevelir sous elles, y mourir!...

O toi, que rêve surtout la souffrance, heure douce de l'éternelle félicité, si tu viens quand notre cœur te désire, qui peut, dans ce moment, égaler le mortel qui lutte avec la mort?

C'est alors que j'oserai joindre ma voix à ces voix célestes qui chantent autour du trône de l'Eternel! C'est alors seulement que je pourrai dignement célébrer le bien-aimé de mon âme, le premier de tous les êtres créés, le fils du Père!

Mais, avant de mourir, je veux encore chanter un

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