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fait des reproches si injustes et si exagérés; mais ce ne sera que nécessité lorsqu'on nous retrouvera dans ce champ. Les principes du Protestantisme, le culte, l'exégèse des Saints Livres, l'histoire ecclésiastique, la philosophie morale et religieuse, tels sont les grands objets auxquels nous désirons donner toute notre attention et consacrer toutes nos forces: dans ce but, non-seulement nous avons adopté un titre plus général, mais encore nous avons résolu de réunir en un seul les deux cahiers que nous avions l'habitude de publier chaque mois; de cette manière nous pourrons donner à nos articles plus d'étendue et de développement sans risquer d'enlever toute place aux nouvelles ecclésiastiques, que nous chercherons aussi à rendre plus abondantes et plus variées. Au moyen de ces changemens le Protestant deviendra essentiellement un Journal d'instruction et d'édification, et c'est dans ce sens que nous le dirigerons: mais pour en assurer le succès, nous implorons, après la protection divine, l'indulgence et le bon vouloir des lecteurs: nous les prions de ne point s'étonner si des articles plus difficiles et plus profonds sont offerts à leur méditation; les recherches de la critique sacrée ou celles de la philosophie peuvent paraître quelquefois arides, mais c'est en elles que se trouve la science. A côté de ces discussions abstraites, il se trouvera aussi de plus simples et plus familières paroles; cette variété, destinée à fournir pour chacun l'aliment qui lui sera le plus convenable, sera facilitée par la plus grande dimension de nos cahiers. - Dieu veuille bénir notre entreprise et accorder aux Rédacteurs du Protestant la joie de faire encore quelque bien avant que vienne le moment où le temps de leur œuvre aura passé!

11. Mémoires de Wuther,

Ecrits par lui-même, traduits et mis en ordre par M. Michelet, professeur à l'Ecole normale, chef de la section historique aux Archives du royaume; précédés d'un Essai sur l'histoire de la religion, et suivis des biographies de Wicleff, Jean Huss, Erasme, Mélanchton, Hutten, et autres prédécesseurs et contemporains de Luther *.

ENTRE les pays où brille avec le plus d'éclat le flambeau des lumières historiques, la France est peut-être celui dans lequel la Réformation religieuse du seizième siècle est le moins bien comprise dans son principe, et le moins généralement connue dans ses actes et dans sa portée. Aussi voit-on, de nos jours encore, des écrivains français d'ailleurs éminens, tomber quelquefois dans les plus palpables erreurs, et commettre même les plus lourdes bévues, lorsqu'ils veulent juger le Protestantisme, ou en citer les annales. En preuve de cette assertion qui, pour avoir l'air d'un paradoxe, n'en est pas moins une vérité, il suffira de produire quelques passages de l'ouvrage récent de M. Charpentier (de Saint-Prest) sur la littérature du quinzième et du seizième siècle **. Nous

* Paris 1835, 4 vol. in-8, dont le second et le troisième, renfermant les Mémoires de Luther, viennent de paraître.

Tableau historique de la littérature française aux quinzième et seizième siècles, par J.-P. Charpentier (de Saint-Prest), professeur de rhétorique au college royal de Saint-Louis.

Paris, 1835.

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les extrayons du septième chapitre intitulé: Léon X.Le recteur Cop.-Calvin.-Luther.-La Réforme, etc. « Les Albigeois avaient préparé le succès de Luther. -Comment, en effet, sans ces secrètes préparations, << sans ces semences fécondes, aurait pu prévaloir le « joyeux moine de Wittemberg, ivre de bière et de licen«< ce?»-Et ici M. Charpentier ne craint pas de citer en note ces lignes plus que légères de Balzac : « Quelle apparence y aurait-il que depuis le commencement du monde la vérité eût attendu Martin Luther, pour se venir découvrir à luy à la taverne, et sortir par une bouche qui a plus vomy qu'elle n'a parlé ? » — Puis il continue: << Avant lui (Luther), de plus généreux, d'aussi habiles, << avaient succombé. Lui, sa victoire fut prompte; car << l'heure était venue, les esprits étaient mûrs. Ces deux « grandes disciplines du moyen áge, la foi et la chasteté, « étaient trop pesantes pour le quinzième siècle. Aussi, à « la voix de Luther, l'Allemagne et la Saxe, et bientôt, « à la voix de Zwingle, la Suisse, deviennent luthérien«nes.» (Pages 64 et 65.)

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Si l'auteur avait voulu dire que la Réforme du seizième siècle tendit à ramener dans l'Eglise la foi et la chasque le quinzième en avait bannies, il aurait parlé conformément aux faits; mais soutenir la thèse inverse, n'est-ce pas se jouer de ses lecteurs? n'est-ce pas supposer qu'ils ignorent, ou ignorer soi-même, ce qu'étaient devenues la religion et les mœurs dans le siècle qui précéda la Réformation, dans ces jours d'impiété, de honte et de désordres où les plus effroyables scandales s'étendaient de la cellule du cloître jusqu'au trône même du souverain pontife? Mais citons encore M. Charpentier : << Calvin (dit-il page 70) n'avait pas le génie qui fait les

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« révolutions, mais l'opiniâtreté qui les continue. Réfor«<mateur intolérant, il fait brûler Servet, auquel il a re«fusé une chemise, et fait fouetter Marot. Tous ces « chefs de secte se ressemblaient : Luther aussi fit brúler « Zwingle, pour dissentiment sur un article de foi. Etrange inadvertance! Le moindre écolier parmi nous sait que Zwingle perdit la vie sur le champ de bataille de Cappel; où donc le professeur du collège de SaintLouis a-t-il découvert que le même Zwingle ait été brûpar Luther? Puis, en supposant même qu'il fallût ajouter ce bûcher à ceux que fit dresser le fanatisme du temps, qu'en résulterait-il contre la cause des Réformateurs? Comment un Catholique ne voit-il pas qu'en formulant contre eux une accusation à ce sujet, cette accusation retombe avec un poids mille fois plus terrible sur l'Eglise égarée qui les avait instruits et accoutumés à brûler les hérétiques? Ne dites donc pas : Tous ces chefs de secte se ressemblaient, dites plutôt qu'ils ressemblaient encore en trop de points à ceux dont ils s'étaient séparés, et alors nous nous joindrons à vous pour les blâmer et surtout pour les plaindre; toutefois en nous gardant d'adresser ces reproches à tous, mais en distinguant ceux d'entre eux qui déjà par leur tolérance, aussi bien que par leurs lumières, se montrèrent supérieurs à leur siècle.

<< L'esprit français, vif et pénétrant, dit plus loin << M. Charpentier, jugea tout d'abord la Réforme; l'ins<«<tinct national se refusa à une révolution qui, après << tout, était, en religion, une inconséquence logique, << un obstacle à la liberté intellectuelle, une méprise en << politique. » (Pages 70 et 71.) - Quel bizarre assemblage de contre-vérités! Nous comprenons qu'avec un

esprit vif on puisse ainsi juger tout d'abord la Réforme; mais nous doutons fort qu'un tel jugement ait été formulé dans l'origine par la nation française, et que ce soit là la véritable cause de sa persistance, en majorité, dans le Catholicisme. Surtout nous soutenons qu'un esprit pénétrant, ou seulement un esprit juste, jugerait de la Réformation en sens inverse. Quoi de plus logique, en effet, que la maxime protestante d'examiner avant de croire? Quoi de plus favorable à la liberté intellectuelle que le droit reconnu du Libre examen? Quoi de plus sage en politique que de débarrasser l'administration de l'état de l'intervention de l'Eglise? Ne sont-ce pas là des principes qui gagnent chaque jour du terrain dans le monde ? L'expérience n'en démontre-t-elle pas la vérité? Leur excellence ne se reconnaît-elle pas à leurs fruits? N'est-ce pas précisément par là que le Protestantisme est fort? trop fort, même, au dire de quelques écrivains qui lui reprochent de trop accorder au raisonnement, de trop favoriser la liberté, et d'émanciper à la fois les gouvernemens et les peuples?—Mais l'esprit vif et pénétrant de M. Charpentier ne lui permet de s'arrêter ni à la simple clarté de ces considérations, ni même aux leçons de l'histoire et à l'évidence des faits. Il préfère affirmer «< qu'en politique surtout, la Réforme a été « un retard et une erreur. Les pays de liberté, dit-il, << ne sont pas les pays protestans. » (Page 71.) - C'està-dire, par exemple, que durant les derniers siècles on a été libre en Espagne, et esclave en Angleterre !!— N'avions-nous pas raison de nous plaindre, en commençant cet article, de la manière superficielle et peu éclai¬ rée dont la Réformation était comprise et jugée en France, puisqu'un littérateur aussi distingué que M. Char

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