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D'un mode à l'autre il s'élève, il s'abaisse!
Vrai dans sa fougue, et sage én son ivresse
La raison même approuve ses transports.
D'un ton moins haut si l'ami de Mécène,
Des mœurs de Rome ingénieux censeur,
A mes regards eût exposé la scène,
Quelle morale et plus pure et plus saine!
Qu'il y répand de charme et de douceur !
En le lisant avec lui je crois vivre;
A Tivoli je m'empressé à le suivre:
La Liberté, l'Enjouement, la Raison,
Dans sa retraite accourent sur ses traces;
L'Amour y vient sans bandeau ni poison,
Et la Vieillesse y joue avec les Graces.

De nos devoirs le mutuel accord,"
De nos besoins l'intime et doux rapport,
Le choix du bien y sa nature immuable,
Le vrai, l'utile, étude inépuisable,
De l'amitié le charme et les liens,

L'art précieux de plaire à ce qu'on aime,
L'art de trouver son bonheur en soi-même
Sous ces berceaux voilà nos entretiens.

Mais à mes yeux encor plus familière, Plus près de moi, plus facile à saisir, La Vérité, dans les jeux de Molière, De ses leçons sait me faire un plaisir. Enseigne-nous où tu trouves la rime, Lui dit Boileau, sans doute en badinant....

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Est-ce donc là ce que ton art sublime,
Divin Molière, a de plus étonnant?
Enseigne-nous plutôt quel microscope,
Depuis Agnès jusqu'au fier Misantrope,
Te dévoila les plis du cœur humain;

Quel dieu remit ses crayons dans ta main.
Dans tes écrits quelle sève féconde !

Quelle chaleur! quelle ame tu répands!.
La cour, la ville, et le peuple et le monde,
Tu fais de tout une étude profonde',
Et nous rirons toujours à nos dépens.
Le jaloux rit du sot qui lui ressemble;
Le médecin se moque de Purgon;

L'avare pleure, et sourit tout ensemble,
D'avoir payé pour entendre Harpagon;

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Le seul tartufe a peu ri, ce me semble..
Moi, qui n'ai point le masque d'un dévot, ». [

Quand la vapeur d'une bile épaissie⠀⠀⠀i.
S'élève autour de mon ame obscurcié,
Quand de l'ennui j'ai bu le froid pavot,
Ou que la sombre et vague inquiétude
Trouble mes sens fatigués de l'étude,
J'appelle à moi Sottenville et Dandin,
Le bon Sosie, et Nicole et Jourdain:
Le rire alors dans mes yeux étincelle,
A pleins canaux mon sang coule soudain,
De mes esprits le feu se renouvelle;
Je crois renaître, et ma sérénité,

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En un jour clair me peint l'humanité.
Tous ces travers qui m'excitaient la bile
Ne sont pour moi qu'un spectacle amusant.
Moi-même enfin je me trouve plaisant
D'avoir tranché du censeur difficile.

Fruits du génie, heureux présens des cieux, Embellissez la retraite que j'aime,

Et rendez-moi mon loisir précieux;
Seul avec vous je me plais en moi-même.
Par vous guéri de cette vanité
Qui sacrifie à la célébrité

Le doux repos, des biens le plus solide,
De cette vie inconstante et fluide
Je suis le cours avec tranquillité,
L'œil attaché sur un charmant rivage,
Où la nature étale à mon passage

Son abondance et sa variété. in

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J'AI vu de près le Styx, j'ai vu les Eumenides;
Déjà venaient frapper mes oreilles timides
Les affreux cris du chien de l'empire des morts;
Et les noires vapeurs, et les brûlans transports
Allaient de ma raison offusquer la lumière :
C'est lorsque j'ai senti mon ame toute entière,
Se ramenant en soi, faire un dernier effort
Pour braver les erreurs que l'on joint à la mort.
Ma raison m'a montré (tant qu'elle a pu paraître)
Que rien n'est en effet de ce qui ne peut être;

Que ces fantômes vains sont enfans de la peur, Qu'une faible nourrice imprime en notre cœur Lorsque de loups-garoux, qu'elle-même elle pense, De démons et d'enfer elle endort notre enfance.

Dans ce pénible état mon esprit abattu
Tâchait de rappeler sa force et sa vertu,
Quand du bord de mon lit une voix menaçante,
Des volontés du ciel interprète effrayante:
Tremble, m'a-t-elle dit; redoute, malheureux,'
Redoute un dieu vengeur, un juge rigoureux :
Tes crimes ont déjà lassé sa patience;

Mais ce dieu vient enfin, et tes égaremens,
Mis dans son austère balance,

Vont bientôt éprouver, sans grâce et sans clémence,
La rigueur de ses jugemens

or

Mon cœur à ce portrait ne connaît pas encore
Le dieu que je chéris, ni celui que j'adore,
Ai-je dit eh! mon dieu n'est point un dieu cruel;
On ne voit point de sang ruisseler son autel;
C'est un dieu bienfaisant, c'est un dieu pitoyable,
Qui jamais à mes cris ne fut inexorable.
Pardonne alors, seigneur, si, plein de tes bontés,
Je n'ai pu concevoir que mes fragilités,

Ni tous ces vains plaisirs qui passent comme un songe,
Pussent être l'objet de tes sévérités,

Et si j'ai pu penser que tant de cruautés

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