Images de page
PDF
ePub

Puniraient un peu trop la douceur d'un mensonge.

Hé quoi! disais-je, hélas! au fort de mes misères,* Ce dieu dont on peint les jugemens sévères, 901 C'est le dieu d'Israël, c'est le dieu de nos pères,h! Qui, toujours envers eux si prodigue en bienfaits, A pour les secourir oublié leurs forfaits; C'est ce dieu qui pour eux renversa la nature, Et qui, pour leurs soulagemens,

Força même les élémens

A rompre cet ordre qui dure

Depuis la naissance des tems;

Et c'est ce même dieu, de qui la main puissante
De ma frêle machine ajusta les ressorts,

Et, dès lors qu'elle est chancelante,
Rallume mon esprit, et ranime mon corps!
Son souffle m'a tiré du sein de la matière;
C'est lui qui chaque jour me prête sa lumière,

[ocr errors]

Lui dont, malgré mes maux et l'état où je suis, {
Je compte les bienfaits par les jours que je vis :
En ce dieu de pitié j'ai mis ma confiance;
Trop sûr de ses bontés, je vis en assurance
Qu'un dieu, qui par son choix au jour m'a destiné,
A des feux éternels ne m'a point condamné.

Voilà par quels secours mon ame défendue

[ocr errors]

(*) Deux rimes féminines se suivant sans rimes entre elles,, sont plus qu'une négligence. Cette faute se trouve dans. toutes les éditions.

A banni les terreurs dont on l'a prévenue,

Et, sans vouloir braver le céleste pouvoir,
A fait céder la crainte aux douceurs de l'espoii.

Ami de qui pour moi l'amitié tendre et sûre
Fit que pour toi mon cœur n'eut jamais de détours,
J'ai voulu te tracer la fidelle peinture

Des mouvemens de la nature,

Au moment que j'ai cru voir terminer mes jours.
A ne rien déguiser cet instant nous convie:
Et j'ai cru que c'était, ami, te faire tort
Si, ne t'ayant jamais rien caché de ma vie,
J'avais pu te cacher mes pensers sur la mort.

Par CHAULIEU.

1

AU MÊME.

SUR LA MORT

d'après les principes du Déisme. 1708.

PLUS j'approche du terme, et moins je le redoute;
Sur des principes sûrs mon esprit affermi,
Content, persuadé, ne connaît plus le doute:
Je ne suis libertin ni dévot à demi.

Exempt de préjugés, j'affronte l'imposture
Des vaines superstitions,

Et me ris des préventions

De ces faibles esprits dont la triste censure
Fait un crime à la créature

De l'usage des biens que lui fit son auteur,

Et dont la pieuse fureur

Ose traiter de chose impure
Le remède que la nature

Offre à l'ardeur des passions,

Quand d'une amoureuse piqûre
Nous sentons les émotions.

D'un dieu maître de tout j'adore la puissance;
La foudre est en sa main, la terre est à ses pieds:
Les élémens humiliés

M'annoncent sa grandeur et sa magnificence.
Mer vaste, vous fuyez!

Et toi, Jourdain, pourquoi dans tes grottes profondes,
Retournant sur tes pas, vas-tu cacher tes ondes?
Tu frémis à l'aspect, tu fuis devant les yeux
D'un dieu qui sous ses pas fait abaisser les cieux!

Mais s'il est aux mortels un maître redoutable,
Est-il pour ses enfans de père plus aimable?
C'est lui qui, se cachant sous cent noms différens,
S'insinuant partout, anime la nature,

Et dont la bonté sans mesure

Fait un cercle de biens de la course des ans ;
Lui de qui la féconde haleine,

Sous le nom des zéphyrs, rappelle le printems,
Ressuscite les fleurs, et dans nos bois ramène
Le ramage et l'amour de cent oiseaux divers
Qui de chantres nouveaux repeuplent l'univers,

De Mercure tantôt empruntant le symbole,
Il dicte en ses instructions
L'art d'entraîner les nations
Par le charme de la parole.

Sous le nom d'Apollon il enseigne les arts; Pour assurer nos biens et défendre nos villes emp unte celui de Bellone et de Mars;

Il

Et pour rendre nos champs fertiles,
Et faire jaunir les guérets,

Il se sert des présens et du nom de Cérès.

Après tant de bienfaits, quoi! j'aurai l'insolence,
Dans une mer d'erreurs plongé dès mon enfance
Par l'imbecille amas de femmes, de dévots,
A cet être parfait d'imputer mes défauts;
D'en faire un dieu cruel, vindicatif, colère,
Capable de fureur, et même sanguinaire,
Changeant de volonté, réprouvant aujourd'hui
Ce peuple qui jadis seul par lui fut chéri!
Je forme de cet être une plus noble idée; (1)
Sur le front du soleil lui-même il l'a gravée. (2)
Immense, tout puissant, équitable, éternel,
Maître de tout, a-t-il besoin de mon autel?
S'il est juste, faut-il, pour le rendre propice,
Que j'aille teindre les ruisseaux,
Dans l'offrande d'un sacrifice,

Du sang innocent des taureaux?

Dans le fond de mon cœur je lui bâtis un temple: Prosterné devant lui, j'adore sa bonté,

(12) IDEE et GRAVEE n'ont jamais rimé. C'est une des négligences fréquentes de cet aimable auteur.

« PrécédentContinuer »