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L'Ambition de gloire et de meurtres avide;
L'Envie au teint malade, à l'œil creux et livide,
Effroyable squelette aux vivans attaché,
Versant sur eux le fiel dont il est desséché;
L'Avarice aux cent yeux, hideuse sentinelle,
Gardant de vains trésors qui ne sont pas pour elle;
La Luxure hardie, aux regards effrontés;
La Mollesse indolente, aux regards hébêtés,
Qui, sur la plume assise et d'ambre parfumée,
Respire en paix la fleur qu'elle n'eût pas semée;
Et, pourvu que nul soin ne trouble ses loisirs,
Consent que l'univers travaille à ses plaisirs;
L'Orgueil, père des arts, d'abord père des crimes;
Le Luxe au sein des ris s'entourant de victimes;
Et l'impure Débauche; et la Fureur sans frein;
Et la Licence impie une torche à la main,
Bacchante échevelée, avec des cris sauvages,
Le pied sur un cadavre appelant les ravages?

Les siècles sont toujours avares de vertus:
Où l'on voit un Socrate on voit cent Anitus.
Interroge l'histoire : as-tu dans ses annales
Lu du crime effréné les sombres saturnales?..
Lève le voile, ami : d'un monde ensanglanté
Contemple si tu peux l'affreuse nudité:

Vois-tu dans ce lointain, tout semé de décombres,
Errer confusément ces innocentes ombres?
Que d'enfans, de vieillards massacrés ou meurtris!
Près de ces corps sanglans, au sein de ces débris,

Vois, vois ici, Cléon, ces femmes éplorées!
Vois ces vierges plus loin par le feu dévorées!...
Tu frémiş!... mon crayon s'est à peine essayé.
Oh! si je présentais à ton œil effrayé

Ces tombeaux habités, tous ces vivans abymes

Que l'homme, affreux despote, a peuplés de victimes; Du fanatisme ardent les bûchers révérés;

Ces Teutatès sanglans et leurs crimes sacrés ;

Ces chaînes, ces verroux, ces bourreaux, ces tortures! Et si, pour achever ces terribles peintures,

Du

sang des nations composant mes couleurs,'

Je traçais leurs forfaits, leurs fautes, leurs malheurs,
Que dirais-tu, Cléon?... He bien! ces maux, ces crimes,
Ces flots de sang versé, ces bourreaux, ces victimes,
Ces pieux assassins, fléaux de l'univers,

Ces générations d'hommes vils ou pervers,
Voilà les fruits impurs qu'au sein de l'Ignorance,
Mère du Fanatisme et de l'Intolérance,

Ont fait naître en tout tems la folle Ambition,
L'Entêtement aveugle et la Présomption,
L'orgueilleux faux-Savoir, toujours plein de lui-même,
Tyran plus dangereux que l'Ignorance même!
Et tous ces vains esprits, si prompts à s'exalter,
A qui Bayle jamais n'eût appris à douter...
Voilà... Mais tu te rends.... sur ton visage empreinte
Je lis de la vertu la généreuse crainte;
Déjà je te vois fuir à l'aspect désastreux

De ces anges si doux... qui s'égorgent entre eux;

Déjà dans ta frayeur en fuyant tu t'écries:

« Ah! rendez-moi mes champs,mes vergers,mes prairies: « C'est là que tout le jour, d'heureux environné, « J'essaierai de mes lois le code fortuné ;

<< Soumettant sans contrainte ce code facile

<< De mes cultivateurs la nation docile.

«Que sans moi, j'y consens, de plus habiles mains, « Pour les rendre meilleurs, imposant aux humains << D'un invisible joug la chaîne héréditaire, << Leur ouvrent des vertus le sentier salutaire, « J'admirerai de loin ce courageux effort:

<< Mais pour moi, dans ma ferme ainsi que dans un fort, «Je cours m'emprisonner, content de mon partage, « Législateur paisible en mon simple hermitage, « Du modeste Candide admirant le destin, << Et vivant comme lui des fruits de mon jardin.» Par LAYA.·

A

A L'AMITIÉ.

NOBLE

OBLE compagne des disgraces,
Sœur et rivale de l'Amour,

Sans ses défauts ayant ses graces,
Et ses plaisirs sans leur retour;
Qui t'enrichis, qui nous consoles
Des pertes chères et frivoles

Qu'il fait dans nos cœurs chaque jour,

O toi dont les douceurs chéries

Font l'objet de mes rêveries,

Entre ces fleurs, sous ce berceau,
Amitié, doux nom qui m'enflamme,
Besoin délicieux de l'ame,
Je reprends pour toi le pinceau.

Mais où t'adresser mon hommage?

Où te trouver, charme vainqueur?
Quels lieux embellit ton image

Comme elle est peinte dans mon cœur?

Au sein des cités répandue,
Cherchant l'opulence et les rangs,
Vas-tu, complaisante assidue,
Languir à la suite des grands?
Te trouverai-je confondue
Dans la foule de tes tyrans?

Mais non; ce n'est que ton fantôme
Qu'on voit errer sous les lambris;
Des ruines et des débris,

L'ombre des bois, un toit de chaume,
De noirs cachots sont ton pourpris.
Tu fuis le faste et l'imposture,

Tu vas,
loin des folles rumeurs,
Chercher au sein de la nature
La paix, l'égalité, les mœurs.
Sous le foyer qui l'a vu naître
Tu prends plaisir à visiter
Le sage occupé de son être,
Le seul qui sache te connaître,
Le seul qui sache te goûter.
Tu viens dans les belles soirées,
Quand les jeunes amans des fleurs
A leurs beautés défigurées

Rendent la vie et les couleurs:

Tu viens sans bruit, mais gaie et tendre,
Tu viens avec la liberté

Agréablement le surprendre
Sous le tilleul qu'il a planté;

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