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Ces vers où je n'ai point, adulateur servile, Divinisé d'un grand le colosse imbécille; Mais où, fuyant la gêne et le ton de l'ennui, J'ai su louer un sage en causant avec lui.

Par COLARDEAU,

AU PEUPLE.

Toi qu'un injuste orgueil condamne à la bassesse;
Toi qui, né sans aïeux et vivant sans mollesse,
Portes seul dans l'état le fardeau de la loi,

Et sers par tes travaux ta patrie et ton roi,
D'utiles citoyens respectable assemblage,
Que dédaignent les cours,
mais qu'estime le sage,
Peuple, j'ose braver cet insolent mépris:

D'autres flattent les grands; c'est à toi que j'écris.

A l'aspect de ces grands, dont l'éclat m'importune,

Je t'entends de tes cris fatiguer la fortune,
Accuser ta misère, envier leur splendeur:
Apprends à t'estimer, et connais ta grandeur.

C'est toi qui, des états soutenant la puissance, Répands sur ces grands corps la gloire et l'abondance

Tome IV.

4

En tous lieux, en tout tems, soit qu'un monarque heureux
Gouverne par l'honneur un peuple belliqueux;
Soit que le citoyen, libre et digne de l'être,
Vive soumis aux lois, sans esclave et sans maître;
Soit que le despotisme, entouré de bourreaux,
Sous les pieds d'un seul homme enchaîne ses égaux,
Tes bras, tes mouvemens, ta féconde industrie,
Multipliant partout les germes de la vie,

Par tes travaux actifs animent l'univers.
Cent rois aux nations n'ont donné que des fers.
Le conquérant détruit; tu conserves le monde:
Il ravage la terre, et tu la rends féconde.
La triste humanité ne doit qu'à tes secours
Ces puissans végétaux, les soutiens de nos jours.
Cet art, dit-on, est vil: oserait-on le croire?
Bienfaiteur des humains, quel titre pour ta gloire!
Ta bêche et ta charrue, utiles instrumens,
Brillent plus à mes yeux que ces fiers ornemens,
Ces clefs d'or, ces toisons, ces mortiers, ces couronnes,
Monumens des grandeurs, semés autour des trônes.
Cet art est le premier; il nourrit les mortels:
Dans l'enfance du monde il obtint des autels.
De ces champs fortunés que ta main rend fertiles,
Pour t'admirer encor je passe dans les villes:
La terre avec orgueil les porte sur son sein.
Là dans tout son éclat brille le genre humain;
Là tous les arts unis, et ceux que nos misères
A l'humaine faiblesse ont rendus nécessaires,

Et ceux qu'un luxe utile, enfant des doux loisirs,
Fit naître pour charmer les besoins des plaisirs,
Aux règles du génie asservissant l'adresse,
Font par mille canaux circuler la richesse.

Ces arts sont ton ouvrage, et, reproduits cent fois,
Pour le bonheur du monde ils naissent à ta voix.
Dompté sous tes marteaux le fer devient docile;
Tu façonnes le bois, et tu pétris l'argile;
Par tes savantes mains la toison des brebis,
Le lin, la soie et l'or sont tissus en habits;
La fange des métaux, sous tes doigts épurée,
Brille aux besoins publics noblement consacrée;
Et le marbre poli s'élève jusqu'aux cieux,

Pour les palais des rois ou les temples des dieux.
Tu ne te bornes pas au bien de ta patrie;
Le monde entier jouit de ta noble industrie:
Par les noeuds du commerce embrassant l'univers,
Tes mains forment un pout sur l'abyme des mers:
Si les princes armés se disputent la terre,
Tu fais par ta valeur les destins de la guerre;
Tes corps sont les remparts des états désolés;
C'est toi qui raffermis les trônes ébranlés.

Que je méprise un grand qui, fier de sa noblesse,
Dort, inutile au monde, au sein de la mollesse !
D'un stupide Crassus, énervé de langueur,
Qui fatigue mes yeux d'un luxe sans pudeur!
Nous admirons l'éclat, vains juges que nous sommes!
Le véritable honneur est d'être utile aux hommes;

En vain les préjugés ont osé l'avilir:

Peuple, pour ton pays tu sais vivre et mourir.
Il est, il est encore un plus rare avantage;
La tranquille innocence est ton heureux partage:
Les rois ont des états, les grands ont des honneurs,
Le riche a des trésors, et le peuple a des mœurs.
Ce siècle malheureux foule aux pieds la nature:
Les noms de fils, d'époux seraient-ils une injure?
La dignité barbare, au cœur dur, à l'œil fier,
En prononçant ces noms croirait s'humilier.
C'est vous qui de vos cœurs leur prêtez la bassesse',
Ingrats! et la nature a toujours sa noblesse.

Peuple, ces noms pour toi n'ont rien que de sacré,
Et tu n'as point l'orgueil d'être dénaturé.

Fatigués de plaisirs, idolâtres d'eux-mêmes,

Les courtisans altiers, dans leurs grandeurs suprêmes,
D'un œil indifférent verront des malheureux.
Le pauvre est né sensible, il s'attendrit sur eux;
Il soulage leurs maux, il ressent leurs alarmes;
Il goûte le plaisir de répandre des larmes.
Il n'a point cette grâce et les dehors flatteurs,
Des marquis de nos jours avantages trompeurs,
Et jamais son esprit, façonné par l'usage,
N'a d'un brillant vernis coloré son langage;
D'un masque séduisant il n'est pas revêtu:
Ce masque est la décence, et non pas la vertu.
L'élégance des mœurs annonce leur ruine.
Ces courtisans polis, que l'intérêt domine,

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