Chacun de ses rayons, dans sa substance pure, Confidens du très-haut, substances éternelles, Et toi, sœur du Soleil, astre qui dans les cieux Des sages éblouis trompais les faibles yeux, Newton de ta carrière a marqué les limites: Marche, éclaire les nuits; tes bornes sont prescrites. Terre, change de forme, et que ta pesanteurEn abaissant le pôle élève l'équateur. Pôle immobile aux yeux, si lent dans votre course,, Fuyez le char glacé des sept astres de l'ourse; (*) (*) C'est la période de la pression des équinoxes, laquelle s'accomplit en vingt-six mille neuf cents ans ou environ. Tome IV. 6 Embrassez, dans le cours de vos longs mouvemens, Deux cents siècles entiers par-delà six mille ans. Que ces objets sont beaux ! que notre ame épurée Vole à ces vérités dont elle est éclairée: Oui, dans le sein de Dieu, loin de ce corps mortel, L'esprit semble écouter la voix de l'Eternel. Vous à qui cette voix se fait si bien entendre, Comment avez-vous pu, dans un âge encor tendre, Malgré les vains plaisirs, les écueils des beaux jours, Prendre un vol si hardi, suivre un si vaste cours? Marchez après Newton dans cette route obscure, Du labyrinthe immense où se perd la nature. Puissé-je auprès de vous, dans ce temple écarté, Aux regards des Français montrer la vérité! Tandis qu'Algarotti, (*) sûr d'instruire et de plaire, Vers le Tibre étonné conduit cette étrangère ; Que de nouvelles fleurs il orne ses attraits, Le compas à la main j'en tracerai les traits, De mes crayons grossiers je peindrai l'immortelle; Cherchant à l'embellir, je la rendrais moins belle: Elle est, ainsi que vous, noble, simple et sans fard, Au-dessus de l'éloge, au-dessus de mon art. Par VOLTAIRE. (*) Algarotti, jeune vénitien, faisait imprimer alors à Venise un traité sur la lumière, dans lequel il expliquait l'attraction. SUR LES SPECTACLES. Oui, la France a vaincu dans ses jeux dramatiques Ces transports, ces combats dont il est déchiré. Qu'un beau vers dans sa bouche est sûr d'être admiré! Qu'il rend avec fierté les accens du génic! Quels sons jusqu'à mon cœur tout à coup sont venus! Avec moins d'appareil une scène nouvelle Mais tandis qu'admirant un double phénomène, Tour à tour j'écoutais Thalie et Melpomene, Que faisait en un coin ce rêveur triste et lourd? J'approche; il ne voit rien: je l'appelle; il est sourd. On croirait qu'avec soin il recueille en lui-même D'un spectacle si beau l'enchantement suprême, Ou qu'en homme de sens, jugeant les beaux esprits, Des auteurs comparés il balance le prix. << Monsieur apparemment, lui criai-je à voix haute, «Discute les talens de Molière et de Plaute, << Ou d'Eschyle à Voltaire il porte son regard Sur les fastes du goût et les progrès de l'art?» Mon savant à ces mots sort de sa rêverie, M'envisage et se tait : «Mais, monsieur, je vous prie, « De quelque grand objet vous étiez occupé ? «Je crois, me répond-il, ne m'être pas trompé; << Cette ellipse au parquet laisse par trop de marge; << Je trouve que la salle est plus longue que large. << Monsieur est géomètre?-Et s'en pique.-Fort bien; << Mais les vers!-Serviteur; les vers ne prouvent rien.» Ah! fuis, barbare, fuis! va parmi tes Euclides Porter le docte ennui de tes calculs arides; Fuis! lorsque Philomèle, aux sons doux et plaintifs, Charme de ses regrets les déserts attentifs, Est-ce au boeuf qui rumine à lui mugir des règles? La rampante tortue a-t-elle dit aux aigles: « Arrêtez; je prétends que vous vous égarez; << Vos élans sont trop vifs et trop peu mesurés.»> Ces gestes, ces regards des sublimes acteurs, Ce désordre terrible et cette mélodie De la majestueuse et noble tragédie. Ma mémoire en est pleine : elle rend tour à tour |