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en peut faire dans le monde pour de bonnes raifons: parce qu'encore que le vœu attache beaucoup de graces & de merites à ces vertus toutefois leur pratique fans aucun vœu fuffit abfolument, pour nous condui re à la perfection. Il eft vrai que les vœux qu'on en fait, & fur tous les folemnels dans la Religion, établiffent une perfonne dans l'état de perfection: mais il y a une grande difference entre l'état de perfection, & la perfection; puifque tous les Evêques & les Religieux font dans l'état de perfection, & que tous neanmoins n'ont pas la perfection, comme il ne fe voit que trop. Tâchons donc, Philothée, de nous appliquer tous à la pratique de ces vertus, mais chacun felon notre vocation car bien qu'elles ne nous mettent pas par elles-mêmes dans l'état de perfection; elles nous donneront cependant la perfection : & d'ailleurs nous fommes tous obligez à la pratique de ces trois vertus ; quoique nous ne foions pas tous obligez de les pratiquer d'une même maniere.

Il y a deux fortes d'obéiffance: l'une eft neceffaire, & l'autre volontaire. Par les loix de l'obéiffance neceffaire, vous devez obéir humblement à vos Superieurs Ecclefiaftiques; comme au Pape & à votre Evêque, à votre Curé & à ceux qui font commis de leur part vous devez encore obéir à vos Superieurs Politiques, c'est à-dire, au Prince, & aux Magiftrats qu'il a établis dans Les Etats: vous devez enfin obéir à vos Su

perieurs Domeftiques, c'eft-à-dire, à votre pere & à votre mere, à votre maitre & à votre maitreffe. Or cette obéiffance s'appelle neceffaire, par la raison que nul ne fe peut exempter d'obéir à fes Superieurs; Dieu leur aiant communiqué fon authorité, pour gouverner par voie d'empire & de commandement, ceux dont il leur a confié la conduite. Obéiffez donc à leurs commandemens; c'eft en cela que confifte l'obéiffance qui eft de neceffité indifpenfable: Mais pour la rendre parfaite, fuivez encore leurs confeils, & même leurs defirs & leurs inclinations; autant que la charité & la prudence vous le permettront. Obéiffez quand ils vous commanderont quelque chofe d'agreable, comme de manger ou de vous divertir & bien qu'il ne paroiffe pas une grande vertu à obéir en de femblables chofes, ce feroit un grand vice que d'y defobéir. Obéiffez en tout ce qui paroit indifferent, comme de porter tel ou tel habit, d'aller par un chemin ou par un autre, de parler ou de se taire; & votre obéiffance fera deja d'un grand merite. Obéiffez dans les choses difficiles, rebutantes & laborieuses, & votre obéiffance fera perfaite. Obćiffez enfin fans replique, & même avec douceur; fans delai, & même avec ferveur; fans chagrin, & même avec joie fur tout obéiffez avec amour, & pour l'amour de celui, qui par amour pour nous fe rendit obéiffant jufqu'à la mort de la Croix; & qui aima mieux, comme dit Saint Bernard, perdre la vie que l'obéiffance.

Pour

Pour apprendre à obéir aifement à vos Superieurs, foiez facile à vous conformer aux volontez de vos égaux; cedant à leurs fentimens fans aucun efprit de contestation, lors qu'il ne vous y paroîtra rien de mauvais & de plus accommodez-vous volontiers aux inclinations raffonnables de vos inferieurs, fans exercer votre autorité fur eux d'une maniere imperieufe, tandis qu'ils fe tiendront dans l'ordre. C'est un abus de croire que fi on étoit en Religion, on obéiroit facilement ; quand on fent de la diffi culté & de la repugnance à obéir aux perfonnes, que Dieu a mis fur nos têtes.

Nous appellons obéiffance volontaire celle qui ne nous eft pas impofée de droit, & à laquelle nous nous obligeons nous-mêmes, par une maniere de choix & d'élection. L'on ne peut choifir fon Pere & fa Mere; & l'on ne choifit pas ordinairement fon Prince, ni fon Evêque, ni même fouvent fon Mari; mais l'on choifit fon Cónfeffeur & fon Directeur. Or foit que dans ce choix on faffe vœu de lui obéir, comme la fainte Mere Therefe, qui outre l'obéiffance qu'elle avoit vouée föleminellement au Superieur de fon Ordre, s'obligea par un vœu fimple d'obéir au Pere Gratien; foit que fans aucun vœu l'on veuille humblement obéir à un Confeffeur; cette obéiffance s'appelle volontaire, parce qu'elle dépend dans fon principe de notre volonté, & de notre éleЯion.

Il faut obéir à tous nos Superieurs; mais

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à chacun en particulier dans les chofes fur lefquelles leur autorité s'éténd; aux Princes, pour tout ce qui eft de la police & du gouvernement de leurs Etats; aux Prelats, en tout ce qui regarde la difcipline Ecclefiaftique; à un Pere, à un Maître, à un Mari, dans tout l'ordre domeftique; à son Directeur & à fon Confeffeur, pour tout ce qui eft de la conduite particuliere de l'ame.

Faites-vous ordonner par votre Pere Spirituel toutes les actions de pieté que vous devez pratiquer: elles en deviendront meilleures; parce qu'outre la bonté & le merite qu'elles auront de leur propre fonds, elles auront encore le merite de l'obéiffance qui les aura commandées, & animées de fon efprit.

Bienheureux font les obéiffans; car Dieu ne permettra jamais qu'ils s'égarent.

CHAPITRE X I I.

De la neceffité de la Chafteté,

LA Chafteté eft le lis des vertus, & des

cette vie elle nous rend prefque femblables aux Anges. Par tout, rien n'est beau que par la pureté; & la pureté des hommes. eft la chafteté. On appelle cette vertu honnêteté, & fa pratique, honneur; on la nomme encore integrité, & le vice qui lui eft contraire, corruption : en un mot, elle a ectte gloire entre toutes les vertus, qu'elle

eft tout ensemble la vertu de l'ame & du corps.

Il n'eft jamais permis de faire fervir ses fens à un plaifir voluptueux, en quelque maniere que ce foit, hors d'un legitime mariage, dont la fainteté puiffe par une juste compenfation reparer la perte, que l'ame peut y fouffrir de ce commerce fenfuel: encore faut-il y donner tant d'honnêteté à l'intention, que la volonté n'en puiffe recevoir aucune tache. Le cœur chalte eft femblable à la Mere Perle, laquelle ne reçoit aucune goute d'eau, qui ne vienne du Ciel : car il ne fouffre aucun plaifir, que celui du Mariage établi par le Ciel. Hors de là, la feule penfée même ne lui en eft pas permife; j'entends une penfée à laquele la volupté porte & attache l'efprit volontairement.

Pour le premier degré de cette vertu; jamais, Philothée, ne fouffrez volontairement rien, de tout ce qui eft defendu dans toute l'étendue de la volupté, comme univerfellement parlant, tout ce que l'on en recherche hors de l'état du mariage, ou même ce qui eft contraire aux regles de cet état.

Pour le fecond degré, retranchez autant que vous pourrez toutes les delectations des fens fuperflues & inutiles, quoi qu'elles foient honnêtes & permifes.

Pour le troifieme degré, n'attachez point votre affection à celles qui font neceffaires & ordonnées: car bien qu'il faille s'affujettir à celles qui font de l'inftitution & de la

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