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ô le cher Epoux de mon ame! ô le bienaimé de mon cœur !

Combattez vivement ce que vous pou vez fentir d'inclination à la trifteffe; & bien qu'il vous femble que ce foit froidement & lâchement, ne laiffez pas de le faire : car l'ennemi qui prétend nous donner de l'indifference & de la langueur pour les bonnes œuvres, ceffera de nous affliger, d'autant plus qu'étant faites avec quelque repugnan ce, elles en valent mieux.

Soulagez-vous par le chant de quelques Cantiques fpirituels ils ont fouvent fervi à rompre le cours des operations du malin efprit; témoin Saül, que David par les doux accords de fa harpe, delivra plus d'une fois du demon qui le poffedoit, ou qui l'obse, doit.

Il eft bon de s'occuper exterieurement & de diverfifier fes occupations foit pour. derober l'ame aux objets qui l'attristent, foit pour purifier & échaufer le fang & les efprits; parce que la trifteffe eft une paffion d'une complexion froide & feiche.

Faites de certaines actions de ferveur bien que ce foit fans aucun goût, prenant entre vos bras votre Crucifix, le ferrant fur votre poitrine, baifant les pieds & les mains du Sauveur, levant les yeux & les mains au Ciel, élançant votre voix en Dieu par des paroles d'amour & de confiance, comme celle-ci: Mon bien-aimé eft à moi, & je fuis à lui: Mon bien-aimé eft un bouquet de myrrbe sur mon cœur mes yeux s'épuisent à

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force de regarder d'où me viendra le fecours qui m'eft necessaire, & de vous dire, Seigneur, quand me confolerez-vous ? O Jesus, foiezmoi Jefus; vive Jefus, & mon ame vivra. Qui me feparera de l'amour de mon Dieu ?

L'ufage moderé de la discipline eft bon contre la trifteffe, parce que cette peine exterieure impétre ordinairement la confolation interieure, & que l'ame fentant quelque douleur du dehors, eft moins attentive à celle du dedans: mais la frequente Communion eft excellente; car ce pain celeste fortifie le cœur, & rejouit l'efprit.

Decouvrez à votre Directeur avec une humble fincerité votre tristefle, & tout ce qui vous en revient de reffentimens & de mauvaises fuggeftions; & cherchez le plus que vous pourrez les perfonnes fpirituelles. Enfin, refignez-vous à la volonté de Dieu; vous préparant à fouffrir patiemment cette ennuieuse tritteffe, comme une juste punition de vos vaines joies ; & ne doutez pas que Dieu après avoir éprouvé votre cœur, ne vienne à fon fecours.

CHAPITRE XIII.

Des confolations fpirituelles & fenfibles : & de l'usage qu'il en faut faire.

Dleu ne fait fubfifter ce grand monde que

par de perpetuelles viciffitudes des jours & des nuits, des faifons qui fuccedent les

unes

unes aux autres, & des differens tems, foit de pluie ou de fechereffe, foit d'un air doux & ferain, ou de vents & d'orages, qui font que prefque jamais les jours ne fe reffemblent parfaitement admirable varieté qui donne une grande beauté à tout cet Univers! Il en eft de même de l'homme que les anciens ont appellé un abregé du monde. Jamais il n'eft en un même état : & fa vie s'écoule fur la terre comme les eaux d'un fleuve, dans une perpetuelle varieté de mouvemens, qui l'élevent par de grandes efperances, & puis qui l'abaiffent par la crainte; qui le pouffent tantôt à droit par la confolation, & tantôt à gauche par l'affliction; de forte que jamais une feule de fes journées, ni même une de fes heures In'eft entierement femblable à l'autre.

C'est donc à nous de conferver parmi une fi grande inégalité d'évenemens & d'accidens, une continuelle & inalterable égalité de cœur & de quelque maniere que les chofes tournent & varient autour de nous; demeurons immobiles, & toûjours conftamment fixez à ce point unique de notre bonheur, qui eft de ne regarder que Dieu, d'aller à lui, & de ne rien prétendre que luimême. Que le Navire prenne telle route que l'on voudra, qu'il fingle à l'Orient ou à l'Occident, au Midi ou au Septentrion, avec quelque vent que ce foit jamais l'Aiguille marine qui doit regler fa route, ne regardera que l'étoile du pole.

Que tout fe renverfe autour de nous & en

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nous-mêmes: c'est-à-dire, que notre ame foit trifte, ou en joie; dans l'amertume, ou dans la confolation; en paix, ou en trouble; dans les tenebres, ou dans la lumiere ; dans la tentation, ou dans le repos; dans le goût de la devotion, ou dans le degoût; dans l'état de la fechereffe ou dans celui d'une tendre devotion; qu'elle foit comme une terre ou brulée par le Soleil, ou rafraîchie par la rofée : Ah! il faut toûjours que notre cœur, notre esprit & notre volonté tendent invariablement & continuellement à l'amour de Dieu fon Créateur, fon Sauveur, fon unique & fouverain bien. Soit que nous vivions, foit que nous mourions, dit l'Apôtre, nous fommes à Dieu, & qui nous feparera de fon amour? Non, jamais rien ne nous en feparera, ni la tribulation, ni l'angoiffe, ni la mort, ni la vie, ni la douleur prefente, ni la crainte des accidens futurs, ní les artifices du malin efprit, ni l'élevation des confolations, ni l'humiliation des afflictions, ni la tendreffe de la devotion ni la fechereffe du cœur, rien de tout cela ne nous doit jamais feparer de la fainte Charité, qui eft fondée en Jesus-Christ.

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Cette refolution fi abfoluë de ne jamais abandonner Dieu ni fon doux amour, fert de contrepoids à nos ames, pour leur donner une fainte égalité, parmi la varieté de tant d'accidens qui font attachez à notre vie : car comme les Abeilles furprises du vent, prennent de petites pierres pour fe pouvoir balancer en l'air, & refifter plus

facilement à fon agitation: ainfi notre ame s'étant confacrée à Dieu, par une vive refolution de l'aimer, fubfifte toûjours la même parmi les viciffitudes des confolations & des afflictions, foit fpirituelles ou temporelles, foit interieures ou exterieures.

Mais outre cette inftruction generale nous ayons befoin de quelques regles particulieres. 1. Je dis donc que la devotion ne confifte pas en cette fuavité ni confolation fenfible, & douce tendreffe du cœur, qui excitent les larmes & les foupirs, & qui nous font de nos exercices fpirituels une occupation agréable. Non, Philothée, la devotion & ces douceurs ne font pas une même chofe parce qu'il y a beaucoup d'ames qui les aiant, ne laiffent pas d'être fort vicieufes, & qui par confequent n'ont aucun trai amour de Dieu, & beaucoup moins aucune vraie devotion. Saui poursuivant le pauvre David jufques dans les deferts, pour le faire perir; entra feul en une caverne, où David qui y étoit caché avec fes gens, eût pû facilement s'en defaire: mais il ne vou lut pas feulement lui en donner la peur ; il fe contenta après l'avoir laiffé fortir tranquillement, de l'appeller pour lui faire connoître ce qu'il auroit pû faire, & pour lui donner encore cette preuve de fon innocence. Hé bien que ne fit pas Saül pour marquer à David que fon cœur étoit attendri? Il l'appella fon enfant, il pleura tendrement, il le loua de fa debonnaireté, il pria Dieu pour lui, il publia tout haut qu'il

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