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CHAPITRE IX.

Des Confiderations propres à renouveller les bons propos.

A

Près avoir conferé avec votre Dire&teur fur vos défauts, & fur les moiens d'y remedier ; vous prendrez chaque jour une des confiderations fuivantes, pour en faire le fujet de votre Oraifon, felon la methode des meditations de la premiere Partie; foit pour la preparation, foit pour les affe&tions; vous mettant avant toutes chofes en la prefence de Dieu; & lui demandant la grace de vous bien établir en son amour, & dans fon faint fervice.

CHAPITRE X.

Premiere Confideration, fur l'excellence de

notre ame.

Confiderez la nobleffe & l'excellence de

votre ame, dans la connoiffance qu'elle a de ce monde visible, des Anges, de Dieu le Maître fouverain & infiniment bon, de l'Eternité, & univerfellement de tout ce qui eft neceffaire pour bien vivre en ce monde, pour s'affocier aux Anges dans le Paradis, & pour y jouir éternellement de Dieu. Votre aine a de plus une volonté capablo

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d'aimer Dieu, & incapable de le haïr en luimême : Sentez bien la nobleffe de votre cœur, qui ne trouvant rien parmi les creatures d'affez bon pour le fatisfaire pleinement, ne peut trouver fon repos qu'en Dien feul. Rapellez hardiment les amusemens les plus chers & les plus violens qui ont autrefois occupé ce cœur: & jogez de fens froid, s'ils n'étoient pas fi melez d'inquietude, de chagrin, d'ennui & d'amertume, que votre pauvre cœur n'y trouvoit que de la mifere.

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Helas! notre cœur fe porte avec beaucoup d'empreffement aux biens créez; perfuadé qu'il eft d'y trouver de quoi fatisfaire fes defirs: mais auffi tôt qu'il les a goûtez: il en voit l'impoffibilité. C'eft que Dieu ne veut pas qu'il trouve fon repos en aucun lieu, non plus que la colombe fortie de l'Arche de Noé; afin qu'il retourne à fon Dieu, de qui il s'eft éloigné. Ah que l'excellence de notre cœur eft grande ! & pourquoi donc le retiendrions-nous contre fon gré, dans l'esclavage des créatures ?

O mon ame, devez-vous dire, vous pouvez parfaitement connoître & aimer Dieu; pourquoi donc vous amufer à ce qui eft infi niment au deffous? Vous pouvez pretendre à l'Eternité, pourquoi donc vous fixer à des momens paffagers? ce fut l'un des regrets de l'Enfant prodigue, qu'aiant pû vivre delicieusement à la table de fon Pere, il fe voioit reduit à manger les reftes des bêtes. Omon ame tu és capable de poffeder Dieu a

?

Malheur à toi, fi tu te contentes de moins que ce que Dieu est

Elevez donc & excitez votre ame qui est éternelle, à la contemplation & à la recherche de l'éternité, puis qu'elle en eft digne.

CHAPITRE XI.

Seconde Confideration, fur l'excellence des Vertus.

Confiderez que les vertus attachées à la

devotion, peuvent feules rendre votre

cœur content en ce monde : admirez-en la beauté, & les comparez aux vices contraires. Quelle fuavité dans la patience, dans la douceur, dans l'humilité; en comparaifon de la vangeance, de la colere & du chagrin, de l'ambition & de l'arrogance? dans la liberalité, dans la charité, dans la fobrieté; en comparaifon de l'avarice, de l'envie, & des defordres de l'intemperance? Les vertus ont cela d'admirable, que la pratique en laiffe à l'ame une confolation infiniment douce: au lieu que les vices la jettent dans un abbattement & une defolation tout-à fait deplorables. Pourquoi donc ne tâcherions-nous pas de nous procurer toute cette joie ?

Qui n'a qu'un vice, n'est pas content ; & qui en a plufieurs, eft mécontent: Mais qui a peu de vertus, en reçoit deja de la joie; & fon contentement croît à proportion qu'il

devient plus vertueux. O vie Devote, que tu és belle, douce, & agreable! Tu adoucis les afflictions; & tu donnes de la fuavité aux confolations: fans toi, le bien est le mal, & les plaisirs ne caufent que de l'inquiétude, du trouble, & de l'abbattement. Ah! qui te connoîtroit affez pourroit bien dire avec la Samaritaine: Seigneur donnezmoi cette eau: Domine da mihi hanc aquam; aspiration fort ordinaire à la Bienheureuse Mere Therefe, & à fainte Catherine de Genes, quoi que pour differens fujets.

CHAPITRE XII.

Troifiéme Confideration, fur l'exemple des Saints.

Onfiderez l'exemple des Saints de tout âge, de tout fexe, & de tout état: que n'ont-ils pas fait pour aimer Dieu avec un entier devouement? regardez les Martyrs inébranlables en leurs refolutions: quels tourmens n'ont ils pas foufferts, plûtôt que d'en rien relâcher ? voiez ces Perfonnes fi belles & fi floriffantes, l'ornement du fexe devot, plus blanches que les lis par leur pureté, & plus vermeilles que la rofe par leur charité les unes à douze ans, à treize, à quinze; les autres à vingt & à vingt-cinq, ont enduré plufieurs Martyrs, plutôt que de changer de refolution, non feulement fur la foi, mais même fur la devotion; foit

:

à l'égard de la virginité, ou du fervice des pauvres affligez; foit à l'égard de la confolation de ceux qu'on conduifoit au fupplice, ou de la fepulture des morts. O Dieu quelle conftance a fait paroître ce fexe fragile en ces occafions!

Regardez tant de faints Confeffeurs : avec quelle force d'efprit ont-ils meprifé le monde! Combien leur fermeté a-t-elle été invincible rien n'a jamais pû l'ébranler: ils ont pris leur parti fans referve, & l'ont foutenu fans exception. Mon Dieu ! Que n'a pas dit faint Auguftin de fa fainte mere! avec qu'elle conftance fuivit elle fon deffein de fervir Dieu fidellement, dans le maria& dans la viduité ? & combien de traverfes, d'obstacles, & d'accidens fainte Paule la chere fille de faint Jerome n'eut-elle pas à Loûtenir & à combattre, comme nous l'apprenons de lui? Mais que ne devons nous pas faire, fur de fi excellens modèles ? les Saints étoient ce que nous fommes; ils faifoient tout pour le même Dieu que nous adorons ; & ils travailloient pour aquerir les mêmes vertus: pourquoi donc n'en fcrons-nous pas autant dans notre condition, & felon notre vocation; pour foûtenir la fainte proteftation, que nous avons faite d'être à Dieu ?

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