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principaux, dont vous pouvez aider votre nouvelle ardeur.

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Le premier confifte dans une vive & attentive idée de l'immenfité de Dieu, qui eft tres univerfellement & tres-réellement prefent à toutes chofes, & en tous lieux. De maniere que comme les oifeaux en quelque region qu'ils volent, trouvent l'air par tout; ainfi quelque part où nous allions, où nous foions, nous trouvous toûjours Dieu tres prefént à nous-mêmes, & à toutes choses; cette verité eft affez connue à tout le monde, mais chacun n'y fait pas l'attention neceffaire. Les aveugles qui favent qu'ils font en la presence d'un Prince, fe tiennent dans le respect, quoi qu'ils ne le voient pas; mais parce qu'ils ne le voient pas, ils perdent aifement l'idée de fa prefence, & l'aiant une fois perdue, ils perdent encore plus facilement le respect qui lui est dû. Helas, Philothée ! nous ne voions pas Dieu qui nous eft prefent ; & quoi que la foi & notre raifon nous avertiffent de fa prefence, nous en perdons bientôt l'idée, & alors nous nous comportons comme s'il étoit fort éloigné de nous; car bien que nous fachions qu'il est present à toutes chofes, le défaut d'attention à sa prefence nous met au même état, que fi nous l'ignorions. C'est pourquoi nous devons toûjours difpofer notre ame à l'Oraifon, par une profonde reflexion fur la prefence de Dieu. David en avoit l'efprit vivement frappé, quand il difoit: Si je monte au Ciel, &

mon Dieu, vous y étes, & fi je defcends en enfer, vous y étes auffi: Ainfi fervons-nous des paroles de Jacob, qui après avoir vu l'échelle Myfterieufe, dont je vous ai parlé, s'écria: O que ce lien eft redoutable! veritablement Dieu eft ici, & je n'en favois rien. Il vouloit dire qu'il n'y avoit pas fait de reflexion; car il ne pouvoit ignorer que Dieu ne fût par tout. He donc, Philothée, quand vous vous prefenterez à l'Oraifon, dites de tout votre cœur à votre cœur même : O mon cœur, mon cœur, Dieu eft veritablement ici.

La feconde maniere de fe mettre en la prefence de Dieu, eft de penfer que non feulement il eft où vous étes; mais qu'il eft en vous même au fond de votre ame, qu'il la vivifie, l'anime, & la foûtient par fa divine prefence. Car comme l'ame, qui eft prefente à tout le corps, refide neanmoins dans le cœur d'une maniere de prefence plus fpeciale; de même Dieu, qui eft prefent à toutes chofes, l'eft beauconp plus à notre ame dont on peut dire en un bon fens qu'il eft l'ame lui-même. C'eft pour cela que Da vid appelloit Dieu, le Dien de fon cœur. C'est ce que faint Paul entend, quand il dit que nous vivons, nous nous mouvons, & nous fommes en Dieu. C'eft auffi cette pensée qui excitera en votre cœur une profonde veneration pour Dieu, qui lui eft fi intimement prefent.

Le troifieme moien, dont vous pouvez vous aider, eft de confiderer que le Fils de Dieu en fon humanité, regarde du Ciel tout

ce qu'il y a de perfonnes au monde; mais particulierement les Chrétiens qui font fes enfans; & encore plus fpecialement ceux qui font actuellement en priere, & dans qui il obferve le ton, ou le méchant ufage qu'ils en font. Or ce que je vous dis là n'eft pas une fimple imagination, mais un fait très réel. Car bien que nous ne le voïïons pas comme faint Etienne le vit dans fon Martyre; ce pendant il a les yeux attachés fur nous, comme il les avoit fur lui, & nous pouvons lui dire quelque chofe de femblable à ce que l'Epoufe des Cantiques dit de fon Epoux: Il eft là, le voila lui même; il m'eft caché, & je ne puis le voir; mais il me voit, & il me regarde.

La quatriéme maniere confifte à s'imaginer que Jefus-Chrift eft dans le même lieu où nous fommes, comme fi nous le voiïons' devant nous, & à peu près comme nous avons coûtume de nous reprefenter nos amis, & de dire: Je m'imagine de voir un tel qui fait ceci & cela; il me femble que je le voi, que je l'entend. Mais, Philothée, fi vous étiez devant le tres Saint Sacrement de l'Autel, cette prefence de Jesus-Chrift dans l'Eglife avec vous, feroit tres réelle, & non pas feulement imaginaire; car les efpeces ou les apparences du pain font comme un voile qui le cache à nos yeux; & ve ritablement il nous voit, & nous confidere, quoi que nous ne le voiïons pas en fa propre forme. Vous vous fervirez donc de l'une de ces quatre pratiques pour vous mettre en la

prefence de Dieu, & non pas de toutes les quatre enfemble, & cela même fe doit faire brievement & fimplement,

CHAPITRE III.

De l'Invocation.

Second Point de la Preparation.

'Invocation fe fait en cette maniere :

L Votre ame fe fentant bien prefente à

Dieu, doit fe laiffer penetrer d'une grande veneration, & fe juger abfolument indigne de fa prefence: Et neanmoins fachant que Dieu le veut ainfi, demandez-lui la grace de le glorifier en cette Meditation. Si vous le voulez, vous pouvez ufer de quelques paroles courtes & enflammées comme celles-ci qui font du Prophete Roial: Ne me rejettez point,ô mon Dieu, de devant votre face, & ne m'ôtez pas votre faint Efprit : Repandez la lumiere de vos yeux, fur cette ame devouée à votre fervice, & je confidererai vos merveilles: Donnez-moi à comprendre votre Loi & je l'observerai de tout mon cœur. Il est encore fort utile d'invoquer votre faint Ange Gardien, & les faintes Perfonnes qui auront eu quelque part au Myftere que vous mediterez; comme dans la Meditation de la mort de notre Seigneur, de la fainte Vierge, de faint Jean, de fainte Magdeleine, & des autres Saints ou Saintes, les priant de Vous communiquer les fentimens qu'ils y

eurent; ou bien dans la Meditation de votre propre mort, votre faint Ange Gardien qui y fera prefent; & il faut obferver cela dans tous les autres Myfteres du fujet d'Oraison.

IL

CHAPITRE IV.

De la propofition du Myftere.
Troifiéme Point de la Preparation.

Ly a encore un troifiéme prelude de l'Oraifon mentale, qui n'eft pas commun à toutes les Meditations, & qu'on appelle la compofition du lieu. Cela consiste dans un certain exercice de l'imagination, par lequel l'on fe reprefente le Myftere, ou le fait que l'on veut mediter, comme fi les chofes fe paffoient réellement à nos yeux. Par exemple, fi vous voulez mediter la Mort de Jefus crucifié fur le Calvaire, vous vous formerez une idée de toutes fes circonstances, telles que les Evangeliftes nous les ont marquées par raport au lieu, aux perfonnes, aux actions, & aux paroles. Et je vous dis la même chofe de tous les autres fujets qui tombent fous les fens, comme la mort & l'enfer, ainfi que vous l'avez vû; Mais cette pratique ne convient pas aux autres Meditations, dont les fujets n'ont rien de fenfible; tels que font la grandeur de Dieu, l'excellence des vertus, la fin de notre création. Il est vrai que l'on pourroit bien y emploier quelque fimilitude ou comparaison,

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