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leurs moments perdus, nos législateurs auront pu, ou pourront engager sur cette question, les données du problème que cette question soulève.

Le rapporteur de la proposition de M. Cluseret, en concluant à son rejet, avait raison de faire remarquer que le Code comporte des sanctions suffisantes, que l'arrêt rendu en 1837, à la requête du célèbre procureur général Dupin, par la Cour de Cassation, plaçant sous l'empire du droit commun tous les actes répréhensibles auxquels le duel peut donner lieu, fournit à la Justice, une arme suffisamment puissante pour réprimer le duel.

La tâche du législateur est finie, et quelque discussion qu'elle engage sur ce sujet, elle ne pourra jamais donner lieu qu'à des débats inutiles.

Comme la proposition de Mgr Freppel, la proposition de M. Cluseret était frappée d'avance d'insuccès, de même qu'infécondes seront toutes les tentatives qui auront pour but de forger, dans l'arsenal de nos

lois, une arme qui soit assez puissante pour frapper irrémédiablement et anéantir le duel.

Là, où un Ministre jouissant d'une autorité absolue, d'un prestige universel comme Richelieu échoua, on peut se demander qui pourrait réussir aujourd'hui, alors que l'on doit surtout, et avant tout, tenir compte de l'opinion publique.

La cause ne semble pourtant pas encore définitivement entendue, puisque M. l'abbé Lemire, député du Nord, a récemment déposé une nouvelle proposition à cet égard.

Si le texte que propose M. Lemire ne diffère pas de beaucoup des textes présentés au cours des précédentes législatures, l'exposé des motifs qui l'accompagnent est une étude remarquable du duel, que tous ceux qui désirent la solution de la question peuvent lire avec satisfaction et consulter avec profit.

Nous sortirions du cadre restreint que nous nous sommes imposé, si nous suivions

M. Lemire dans tous les développements de l'étude qui précède sa proposition de loi.

Un passage de ce travail est particulièrement intéressant à examiner: celui où l'auteur se demande comment on parviendra à supprimer le duel.

« Pour supprimer le duel, dit-il, il faudrait supprimer ses causes.

<< Une des principales est l'imperfection de la législation en matière d'offenses. » Partout où l'honneur n'obtiendra pas une entière satisfaction, les passions humaines s'efforceront de suppléer à l'insuffisance de la loi. Or la publicité des débats, les' droits de la défense, les lenteurs de la procédure, les mille nuances d'injures appréciables de la société, mais qui ne rentrent dans aucun article du Code, constituent autant d'obstacles aux réparations juridiques.

<< Pour remédier à cette impuissance de la loi, il n'est qu'un moyen : l'arbitrage.

<< Il faudrait s'en rapporter à la décision d'hommes qui ont l'expérience, le tact, l'autorité, à des praticiens de l'honneur qui

pourraient, par leur intervention, empêcher les rencontres. »

Après avoir reconnu de telle façon l'utilité des jurys d'honneur, M. Lemire ajoute, comme conclusion, ces lignes qui toutes sont à retenir, parce qu'elles sont la démonstration éloquente et bien sentie de la thèse que nous avons l'honneur de soutenir.

<< Tant que l'arbitrage est purement facultatif, il est difficile de le sanctionner. Le législateur se refusera à reconnaître les décisions des juges qu'il n'aura ni choisis, ni approuvés. Et s'il ne donne pas force de jugement définitif et sans appel à ces décisions, elles ne diffèrent pas des jugements arbitraux ordinaires rendus conformément aux dispositions du Code de procédure civile; il n'est donc pas besoin. d'un texte de loi nouveau pour constituer les tribunaux d'arbitrage qui les rendent.

<< Les questions d'honneur peuvent leur être soumises par une convention réciproque des parties aux mêmes conditions que toutes les autres matières litigieuses.

<< Il serait beaucoup plus facile de recourir à l'arbitrage quand un différend d'homme survient entre hommes d'un même métier, d'une même profession. Le Conseil Syndical remplirait avantageusement les fonctions de tribunal d'honneur, et il est évident qu'une sentence de ce tribunal blesserait plus qu'un coup d'épée et réparerait mieux les réputations. Mais nous croyons que sur ce point les mœurs auront plus de pouvoir que les lois. En tous cas, il nous a paru que nous aurions compliqué. inutilement le texte de notre proposition de loi et diminué ses chances de succès en y faisant entrer la constitution ou la reconnaissance de tribunaux d'honneur, corporatifs ou privés, facultatifs ou obligatoires.

<< Nous nous bornons à faire des vœux pour que l'idée d'association et la pratique de l'arbitrage fassent des progrès sous ce rapport comme beaucoup d'autres. >>

Nous estimons que la proposition de loi de M. Lemire, fût-elle même adop

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