Images de page
PDF
ePub
[ocr errors]

deux premières étapes bien définies qu'il a parcourues (le duel, jugement de Dieu, le duel avec seconds), et montrer que s'il a peut-être gagné en élégance et en innocuité, il n'a rien gagné sous le rapport de la logique.

Alors qu'on peut trouver dans certains. caractères de race et de mœurs, une excuse suffisante à la pratique du duel à ses origines, il serait difficile aujourd'hui d'en vouloir donner même une justification approximative.

Prenons le duel à son origine, alors qu'il n'est pas encore le jugement de Dieu; mais seulement le combat judiciaire. Quelles sont ses causes?

« Le duel nous apparaît d'abord comme une institution judiciaire, un mode de preuve adopté dans les procès pour obtenir l'éclaircissement des faits contestés.

<< En justice, il est un principe admis: c'est qu'il appartient au demandeur de

(1) Du Verger St-Thomas, Nouveau Code du Duel.

fournir la preuve des faits qu'il avance; dans le cas contraire, le défendeur est renvoyé de la plainte.

<< Des lois barbares méconnurent се principe en ordonnant que le défendeur prêtât le serment. (Lois des Visigoths, lib. II, tit. II, C. v.)

<< La dissolution progressive des mœurs, l'affaiblissement graduel des caractères et l'abus du serment lui-même qui n'était plus réservé pour des cas extrêmes, atténuèrent le respect pour la religion du serment qui, au temps de Rome antique, avait enfanté des prodiges.

<< Placé entre l'alternative de se condamner par un aveu ou de se libérer par un parjure, le défendeur jurait. Pour suppléer à l'insuffisance du serment, on imagina d'exiger que la véracité de celui qui le prêtait, fût attestée par un certain nombre de personnes : «conjuratores sacramentales.>> Le nombre de ces certificateurs de serment était déterminé par la loi, suivant l'importance du procès. (Lib. vi, chap. 1,

Alamamorum). Ils juraient sur l'Evangile en même temps que leurs clients. En multipliant les serments, on multiplia les parjures. C'est pour faire disparaître cet abus qu'on créa le combat judiciaire. >>

Ainsi le combat judiciaire ne s'inspirait, avant tout, que d'un idéal de justice dont se réclamerait vainement le duel moderne. Que les effets ne fussent pas en accord avec les causes, il serait pourtant injuste, en se plaçant au point de vue des mœurs de l'époque, de dire que ces causes étaient immorales ou même illogiques.

L'historien futur qui aurait à apprécier le duel tel qu'il se pratique aujourd'hui, rechercherait vainement quelles causes l'ont fait naître, et en guise de conclusion, pourrait se demander pourquoi les métaphysiciens ont classé la barbarie aux premiers siècles, et la civilisation à ces derniers.

De même que le combat judiciaire, le jugement de Dieu, qui n'en est d'ailleurs

qu'une forme spéciale, peut s'expliquer par des raisons tirées des mœurs de l'époque.

Les adversaires, en s'en remettant au hasard des armes, sont assurés en toute sincérité que Dieu guide leur main. Que doit, d'ailleurs, proclamer le jugement de Dieu ? Le triomphe du bon droit. Et nous nous trouvons de nouveau, comme pour le combat judiciaire, en présence d'une excuse suffisante au point de vue moral.

Ici l'historien ne pourrait que faire la comparaison (serait-elle à notre avantage?) entre notre scepticisme et la foi sincère, encore qu'un peu naïve, de nos ancêtres.

Voyons enfin, le duel tel qu'il se pratiquait au XVIe siècle, c'est-à-dire le duel avec seconds.

Dans son livre: Discours sur les Duels, Brantôme recommande de ne pas se battre sans témoins, d'abord pour ne pas priver le public d'un beau spectacle, et ensuite, pour ne pas s'exposer à être recherché et puni comme meurtrier.

!

C'est vers 1580 que s'implanta la coutume des seconds.

« C'est, dit Montaigne, une espèce de lâcheté, qui a introduit dans nos combats singuliers cet usage de nous accompagner de seconds, tiers et quarts. C'étaient anciennement des duels; ce sont à cette heure rencontres et batailles. Outre l'injustice d'une telle action et vilenie d'engager à la protection de notre honneur aultre valeur et force que la nôtre, je trouve du désavantage à mesler sa fortune à celle d'un second. Chacun court assez de hasard pour soye, sans le courir encore pour un aultre ».

Nous n'avons pas à rechercher ici s'il existe une excuse morale à cette règle des seconds, cela nous importe peu; en tant que principe, sa constatation va nous servir à démontrer une fois de plus que les combats singuliers pouvaient autrefois s'expliquer par des circonstances nées des mœurs, alors qu'on n'en voit plus, à notre époque, aucune raison plausible.

Dans les duels avec seconds, on a tou

« PrécédentContinuer »